Le médecin peut-il ou pas flirter avec la pornographie ?

Sexe et médecine. Sujet récurrent.  Ou plus précisément sexualité et pratique de la médecine. Moins dans la réalité du  colloque singulier que dans les représentations fantasmées que cette pratique peut générer. Dr House soulève régulièrement cette problématique. Généralement avec la distance sans laquelle on sombrerait vite dans le vulgaire. Relecture spoilée, ici, des épisodes 17 et 18 de la saison ultime. Une coïncidence veut ici que, dans un genre mineur, le Dr Michel Cymes pose une question symétrique : celle des rapports entre le docteur et l’animateur, le médecin et le baladin, le médical et le monsieur Loyal  (1)

Il y a, aussi, du cochon en House. Pas de ce sale porc orwellien, stalinien et trotskiste, de La Ferme des animaux. Non, du cochon à la fois plus ancien et plus contemporain. De ce porcin dont on fait, aussi, le boudin. Du porc métaphore, l’ambivalence de la jouissance;  mi groin-mi saloir. Pas vraiment du cochon où tout et bon. Non, du porc mi-figue mi-raisin. De ce mari de la truie dans lequel on voudrait que notre époque se mire (2). Genre verrat, vraie bête de concours agricole que l’on retrouve un beau matin sur le marché sous forme de langue de porc en gelée vendue à la criée.

On a souvent oublié, de nos jours, cette goûteuse préparation culinaire. Une présentation porcine à manier avec des pincettes. Si ses scandales sanitaires ne déferlaient pas à la vitesse de la marée la France se souviendrait de l’affaire dont elle porte le nom. C’était il y a, précisément, vingt ans: 63 morts et 22 avortements. Une belle enquête épidémiologique débouchant, en février 1993, sur la bien sale Listeria.C’est alors que fut porté sur les fonds baptismaux l’Institut national de veille sanitaire. L’époque n’était pas aux pauvres maquillages congelés entre l’équin et le bovin.

Hugh Laurie, maquignon sexuel

A bien y regarder, il y a aussi du cheval chez Hugh Laurie, né à Oxford, éduqué à Eton. Du sauteur qui n’aurait pas mesuré l’obstacle. Et à qui l’homme aurait laissé la vie sauve avec une canne et des opiacés pour la route. Pour l’heure, le claudicant a décidé de renouveler son écurie hospitalière. Il fait le maquignon sexuel devant un troupeau de professionnelles. Où l’on retrouve cette attirance-répulsion pour les femmes d’où, si l’on comprend bien, sourd tout le charme de cet homme. Aujourd’hui, ce docteur a tout pour plaire. Ayant quitté (dans les ébrieuses conditions que l’on sait) la femme de sa vie, il a doublement refait la sienne. On ne peut plus harmonieusement. La dichotomie paradisiaque. La beauté mariée à l’animalité.

Résumons. D’un côté un mariage blanc avec une beauté slave en quête de carte verte. De l’autre une beauté noire, dont les prestations sont justement rémunérées. Mais voilà que cette femme n’est pas loin de s’attacher à son cochon de client. Aussi entend-elle en rester là. Qu’House ne le perçoive pas de cette oreille ne change rien à l’affaire. D’où le ballet des professionnelles dans la salle de travail de l’hôpital. Avec cet assez joyeux exercice: sélectionner sa future partenaire sur la base de ses préférences dans la filmographie de Woody Allen. Sans oublier ses compétences en matière de réparation express de blenderdomestique (métaphore salace). Une expression de la perversité dans les beaux quartiers?

Panama pathologique

Avec un peu de patience, nous verrons (épisode 18) que de notre parallèle porcin n’était pas vain; via une autre forme de découpe hémorragique de la bête. Ce sera alors décapitation  s’inscrivant dans le cadre d’un rituel thérapeutique de la communauté Hmong. Mais ne spoilons pas plus. Et ce d’autant que tout s’achève dans un merveilleux non-dit célébrant les épousailles de la médecine occidentale et d’une autre venue des antipodes. Tout cela (métaphore anatomique) autour du diagnostic (assez coton) de persistance du canal artériel, ce Panama pathologique.

Restons un instant concentré sur l’épisode 17. On pourrait certes n’y voir que sarabande avortée, le dérèglement (triste car athée) de tous les sens. Incitation à Sodome. Mais on peut aussi saisir cette occasion pour disséquer l’obsession de House, sa propension à vouloir non pas tout marier mais accoupler toutes celles et tous ceux qui l’entourent; généralement de manière hétérosexuelle. Précaution: la dissection ne se fait pas sans un peu de spoilation.

Larmes de sang et femme en latex

Le dossier médical s’ouvre le versement incoercible de larmes. Des larmes de sang chez un homme d’environ trente ans. Catéchisme ou pas, cela ouvre quelques horizons. D’autant que l’homme en question semble ne jamais avoir connu la moindre femme. Bibliquement s’entend. L’affaire s’avère vite plus complexe, avec notamment la présence d’une femme en latex. On sait que ces produits pneumatiques sont généralement présentés, perçus et commercialisés comme la femme idéale. Avec tous les attributs souhaités, rêvés, fantasmés. Souvent sans la sans la parole qui demeure sur option. (Il ne semble pas que la version mâle de l’ustensile soit très courue).

On imagine la suite. Nous ne la livrerons pas. Pour le diagnostic, ce sera une bien improbable «méningo-encéphalite amibienne primitive». Une rareté qui voit une bête ronger non pas l’oreille de la femme muette mais bien le cerveau de l’homme pensant. Ce qui provoque une jonction entre l’âme et le corps. D’où le jaillissement des larmes de sang par l’intermédiaire de la tige pituitaire. Précisons que tous ces épisodes sont interdits aux enfants de moins de dix ans.

Profondément régressif le propos peut, précisément, faire peur. A quatre ou cinq stations de la fin de Dr House, il pleut sur le Princeton-Plainsboro. De nuit, Wilson-Watson confie à House qu’il a un cancer. Uncancer du thymus, cette glande improbable que l’on a baptisée ris chez le veau. Chez House, ce soir, les femmes sont loin, la chair est triste.

Une version de ce billet a été initialement publiée sur le site Slate.fr

 

 (1) La coïncidence veut que nous découvrions  ce jour un article que La Nouvelle République du Centre Ouest (éditions du 22 mars article signé Vincent Buche) consacré au consacré au Dr Michel Cymes . On lira cet article ici. Il est rangé dans la catégorie journalistique « people ». Quelle actualité ? Le tournage effectué  avec Adriana Karembeu dans le département de la Vienne avant le départ du médecin  Michel Cymes pour la Tanzanie. Pour l’heure le couple attend la sortie des bonobos de la Vallée des Singes, à Romagne (Vienne).

Question opportune du quotidien régional :

« L’animateur n’est-il pas en train de prendre le pas sur le médecin ? »

« Adriana Karembeu et Michel Cymes sont venus exprès de Paris avec l’équipe de tournage des Pouvoirs extraordinaires du corps humain, série scientifique diffusée sur France 2 qu’ils co-présentent. Il s’agit, à Romagne, seul parc animalier d’Europe à accueillir des bonobos, d’enregistrer la minute et demie de prégénérique de l’émission. Dans deux semaines, toute l’équipe, présentateurs compris, sera en Tanzanie, au milieu des singes en liberté. Le thème du second épisode de l’émission est : Retrouver l’animal qui est en nous. Et Peggy Olmi, conceptrice et productrice, jure que la scène enregistrée à Romagne sera la seule « jouée » de toute l’émission.

Il n’empêche : on se demande un peu ce que le docteur Cymes, qui a toujours dit être et vouloir rester médecin, fait dans cette aventure, bien loin de ses deux consultations hebdomadaires à l’hôpital. « C’est compliqué, reconnaît-il. J’ai 25.000 propositions différentes et je me pose beaucoup de questions parce que je me sens et je reste médecin. Je ne veux pas m’aventurer dans des domaines où d’autres sont bien meilleurs que moi. Je peux faire autre chose, à la condition que ce soit compatible avec mon métier de médecin. »

Apparemment apporter des réponses scientifiques aux questions faussement naïves d’Adriana Karembeu est compatible : « Je joue un rôle scientifique. Je suis là pour expliquer l’anatomie. On reste dans le domaine du corps humain. Ça me passionne, moi, l’anatomie. »

Le soutien plein et entier du Conseil de l’Ordre et de l’Académie de médecine

Pas langue de bois, Michel Cymes reconnaît que l’exercice le conduit parfois un peu loin. Jusqu’à des concessions par rapport à son éthique ? « Ce n’est pas une concession, c’est un jeu. Quand je suis avec Adriana pour faire ce prégénérique où je peux faire un peu le cabot, je le fais parce que j’aime ça. Le truc, c’est de trouver un équilibre entre la crédibilité que je dois avoir en tant que médecin et la légèreté de ce que j’ai envie de faire. Si vous êtes trop dans la déconne, vous n’êtes pas crédible et si vous n’y êtes pas assez, vous êtes chiant ! »

Michel Cymes jure qu’il a le soutien plein et entier du Conseil de l’Ordre et de l’Académie de médecine pour ce qu’il fait. Et que depuis vingt ans qu’il hante les plateaux de télévision, il reste un grand traqueur. Mais moins qu’au début quand même : « La première émission de télé que j’ai faite, il y a vingt ans, j’ai failli tomber dans les pommes ! » Moche pour un toubib.  »

(2) Une actualité bruyante peut, en France, inciter à prendre au plus vite pas mal du recul; et à en savoir plus sur les regards que l’homme a au fil des siècles porté sur les animaux. On trouvera alors un grand plaisir à (re)découvrir le formidable «Bestiaires du Moyen-Âge» de Michel Pastoureau (Editions du Seuil). Au rayon du cochon, l’auteur cite un texte anglais de la fin du XIIe siècle: «Bien qu’il ait l’ouïe fine le verrat n’entend pas la parole de Dieu mais préfère écouter les appels incessants de son ventre. Il symbolise les puissants qui ne travaillent pas et ne sont jamais rassasiés des plaisirs. La truie est une femelle lascive, dépourvue de bile ; ses porcelets sont plus nombreux que ses mamelles.» 

On peut aussi réécouter l’émission « Le secret des sources » de Jean-Marc Four diffusée le 2 mars sur France Culture. Laurent Joffrin (Le Nouvel Observateur) y livre (à partir de la quatorzième minute) une version très personnelle est assez glaçante de ce qu’un patron de la presse contemporaine peut s’autoriser à faire. Ou quand un homme (devenu « personnage ») ne s’appartient plus (de son vivant) – et ce au motif que l’ « on » décide qu’il est entré dans la « mythologie contemporaine ». L’émission  pose plus généralement la question de savoir si, dans cette affaire pathologique, la presse a ou non « dépassé les bornes ». Question : qui est habilité à répondre à cette question ?  

 

 

 

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