Un film peut dire beaucoup sur l’alcoolo-tabagisme, la peur du vieillir, les amours qui fuient, la mort qui s’avance. Un grand film le dira avec joie. Celui qui suit est de ceux là.
Elle s’en va est un film français réalisé par Emmanuelle Bercot. Il vient de sortir en salle. Clef de voûte : Catherine Deneuve. L’une de ces femmes que la laideur, décidément, n’atteint pas. Ces femmes qui, dans ce film comme dans la vie, sont bien plus nombreuses que l’on pourrait croire.
Sur Belle-Ile (Morbihan) nous écrivions le 15 octobre que ce film ferait un tabac. Nous ignorions que son fil conducteur était la cigarette. Et l’alcool. Non pas deux addictions mortifères mais deux béquilles pour avancer dans des vies ostéoporotiques devenues boiteuses.
Sexualités de Formule 1
On ne chroniquera pas cette œuvre. D’autres l’ont fait. D’autres le feront. Ils ont dit, ils diront, cette diagonale « Morbihan-Ain » en vieille voiture allemande. Ces banlieues dévastées. Ces discothèques de rase campagne où il faut bien boire. Ces Ranchs, cette sexualité de Formule 1 (les hôtels), ces alcools de nuit, sont aussi des moyens de continuer à vivre. Sans oublier Casimir, le doux vigile noir de nuit du Cuir Center. Le tout pourrait être salement glauque et désespérant. Ici Le glauque n’est pas absent. Mais le tout est rafraîchissant.
On gardera bien de spoiler ce pèlerinage commencé à La Roche-Bernard et Quistinic (Morbihan) et qui s’achève à Izieu (Ain). Sans oublier la mise en abyme des Miss Régions 1969 dans un palace de Menthon-Saint-Bernard (Haute-Savoie). Difficile de taire, en revanche un moment d’anthologie médicale et addictive ; le craving montant de Deneuve qui « refume » – puisqu’une nouvelle fois larguée. Elle est partie chercher des cigarettes dont on sait, depuis 1978 et Nicotine, que c’est une saloperie qui vous met à l’agonie.
Craving de la blonde
Plus de cigarettes et une Bretagne dominicale comme désertée par les buralistes. Long plan fixe au domicile d’un très vieux paysan célibataire : il fut amoureux avant que la tuberculose n’emporte la fiancée, 21 ans. Paquet de gris, tremblements séniles pour la rouler. Craving de la blonde. Deneuve est Bettie. Bettie est Deneuve. Elles auront 70 ans le 22 octobre prochain. Le cravig monte, le vieillard tremble. On ne spoliera pas plus longtemps.
Cet homme au paquet de gris s’appelle Pierre Toulgoat. On lui a donné, dans la distribution, le rôle du « papy à la cigarette ». Il nous dit la Bretagne, la Seita et, et, et, et le temps qui ne passe pas. Il nous dit que le tabac, ce sale tabac, c’est encore bigrement plus compliqué que ce que l’on croyait. Y songer pour s’en débarrasser.
(1) Dont Mylène Demongeot (Miss Bocage normand 1969), Valérie Lagrange (Miss de la Mayenne 1969) et Évelyne Leclercq (Miss Champagne 1969)