Alcoolisme : dans l’ombre du baclofène, le nalméfène (ou le coût de la tentation)

Que saurions-nous sans le mensuel Prescrire ? Moins informé. Nettement moins. Et nettement moins bien.  Dernière démonstration  en date avec le nalméfène ou Selincro®. Cette spécialité (Lundbeck) sera bientôt commercialisée. A quel prix ? Pour quels bénéfices ? Fléau alcoolique et guerre de tranchées (1).

Dans la famille alcoolique on demande le mythique baclofène. L’Ansm ne devrait guère tarder à le tirer de sa longue manche. Le directeur général l’a promis avant le dernier été et nous sommes dans l’hiver de l’année suivante. Faudra-t-il attendre le printemps ? Pour l’instant nous en sommes là (mars 2013). Nous en reparlerons.

Janvier 2014 donc. Les fêtes s’estompent. « Chez les patients alcoolodépendants, quand un médicament paraît souhaitable, le choix se porte, faute de mieux, sur l’acamprosate (Aotal®) ou la naltrexone (Revia®), en prise continue, dont l’effet pour supprimer l’envie d’alcool est modeste » nous rappelle Prescrire. Notre mensuel veut parler de cette autre actualité (dans l’ombre du baclofène), qu’est nalméfène (Selincro®)dans cette situation .

Ne plus avoir envie ?

« En lisant le libellé de la posologie du résumé des caractéristiques (RCP) du nalméfène, on comprend qu’il s’agit d’une grande avancée… du moins d’un point de vue marketing, écrit le toujours vinaigré Prescrire. Il est à prendre à la demande, « lorsque le patient en ressent le besoin (…) de préférence 1 à 2 heures avant le moment où le patient anticipe une consommation d’alcool ». Quel gage d’efficacité ! Quand la tentation de boire risque de devenir obsédante : prenez du nalméfène ! Sans dépasser un comprimé par jour. Aux patients alcoolodépendants de n’anticiper l’envie de boire qu’une fois par jour. »

Tristesses

Il y a l’ironie, triste. Et puis il y a les faits. Ils ne le sont pas moins. Prescrire a relu tous les livres. « D’après les essais, l’efficacité est médiocre, l’acceptabilité du traitement aussi : sur les six mois de suivi, plus d’un tiers des patients ont arrêté le médicament, et plus de 10 % des patients ont eu des effets indésirables graves. » Le mensuel anonyme poursuit : « À la lecture de ces résultats, on comprend que la firme ne se soit pas aventurée à une comparaison versus acamprosate ni versus naltrexone, qui aurait pu tourner au désavantage du nalméfène. Elle a préféré vendre des illusions, avec l’assentiment de l’Agence européenne du médicament qui n’a pas autorité pour exiger cette comparaison, ni vu malice à proposer ce médicament à la demande ».

Attaques

« Vendre des illusions » ? L’attaque est rude. Sommes-nous ici dans le champ de la diffamation ? Quelle riposte (judiciaire ou médiatique)  organiseront, demain, les Laboratoires Lundbeck ? Pour l’heure le nalméfène (Selincro®) n’est pas en vente. Son prix à venir n’est pas connu. Nul ne sait ce que fait la Commission de transparence placée sous l’égide de la Haute Autorité de Santé. La spécialité est attendue ou annoncée ici ou là en Europe. Sous forme injectable elle serait commercialisée au Mexique et en Chine (pour le traitement des surdoses d’opioïdes).

Select et Knock

Va-t-on en rester là ? Accuser Selincro® de ne pas être différent du placebo – prix excepté ? Vouloir n’évaluer le traitement de l’alcoolo-dépendance qu’au travers des spécialités pharmaceutiques ? Se refuser à étudier  l’apport du soignant humain ? Nous gardons le souvenir d’une rencontre parisienne (Le Select, 99 boulevard du Montparnasse) avec des ambassadrices de Lundbeck. Elles assuraient que cette dimension serait prise en compte. Le Select, dit-on, vit le jour la même année que le Knock de Jouvet.

« Gérer la tentation n’est pas ici un problème purement intellectuel, conclut  Prescrire. Il s’agit d’une réalité bien concrète à évaluer avec rigueur. Et, pour soigner, autant faire face à la réalité que se laisser tenter par les illusions. » Pour soigner, savoir raison garder ?

(1) Sur la ravageuse folie alcoolique (version outre Atlantique)  lire un ouvrage (Albin Michel) qui commence à faire un tabac en France : « Docteur Sleep » de Stephen King, 66 ans (à condition, peut-être, d’avoir dévoré son « Shining, l’enfant lumière » – sinon commencer par ce dernier). Nous y reviendrons.

3 réflexions sur “Alcoolisme : dans l’ombre du baclofène, le nalméfène (ou le coût de la tentation)

  1. bonjour,
    avec pas mal de problèmes personnels je bois un peu trop. mon médecin m’a prescrit du selincro. j’ai pris un cachet lundi à 19h30. Une horreur! insomnie depuis 3 jours, problèmes d’équilibre, déprime, impression d’avoir la tête dans un étau, plus d’appétit et j’en passe. j’ai appelé ma médecin qui m’a répondu qu’au bout de 24 heures cela devrait aller. que nenni! j’ai appelé le 15 : pas d’urgence pour eux. un seul cachet et je n’ai toujours pas retrouvé la forme 3 jours plus tard
    je voulais juste apporter mon témoignage et dire aux médecins : prudence!

    • dommage, vous n’avez pas été assez bien préparé. vous ne serez donc pas enclin à réutiliser cette molécule. sauf à vous repreparer….
      je m’étais autopréparé à la Amiesen (seul, pas encouragé par les medecins) il y a deux ans avec un succès facile, aucun effet adverse : 60 mg de baclo/j pendant 4 mois, plusieurs mois tranquille.
      remontée inconsiente puis rechute il y a un an, je ne souhaitais pas reprendre le baclo (peur de manquer de ressource si nouvel echec). je me suis repréparé cette fois avec aide medicopsychologique, j’avais peur de me lancer à l’eau avec le namelfene.
      le premier jour, cela secoue mais ça marche, et si l’alcool ajoute ses effets, cela secoue encore plus, la reduction s’opère en 3 jours…
      regardez le site les usagers des drogues, ils décrivent bien ce changement neuropsycho qui s’opère, sans que les effets ressentis soient pires qu’un excès d’alcool.
      c’est comme si le selincro chassait le démon du crane. un peu violement les tanteux premiers jours forcement !
      autant le savoir avant de commencer
      bonne patience avec le baclo

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