Centrale nucléaire et médecine du travail : plainte « infâmante » et condamnation ordinale

Poursuivi par un sous-traitant du nucléaire un ancien médecin du travail de la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire) vient d’être condamné par l’Ordre des médecins. On peut y voir une affaire anecdotique. Ou symbolique. Du moins si les symboles parlent encore en ces temps qui voient s’ouvrir l’enclos des chevaux libéraux.

C’est l’avant-dernier épisode d’un feuilleton que les jeunes trouveront peut-être daté. Il est rapporté ce matin par La Nouvelle République du Centre Ouest (Renaud Domenici).

La chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre des médecins du Centre a finalement prononcé un avertissement à l’encontre du Dr Dominique Huez. Le Dr Huez était poursuivi par la société Orys, une entreprise qui fournit des prestataires aux centrales nucléaires. On lui reprochait d’avoir établi un certificat médical que l’entreprise avait jugé « de complaisance ».

Le quotidien régional dit du Dr Huez qu’il « bénéficie d’une grande popularité » et qu’il est « très estimé ». Ce qui n’est pas faux. Il ajoute qu’il est dans cette affaire  « soutenu par de nombreux confrères de la France entière ». Ce qui est vrai.

Les faits datent de deux ans. Le 2 décembre 2011, le Dr Huez recevait en urgence un salarié, employé temporaire à la centrale nucléaire de Chinon. L’homme, nous dit-on,  se disait en profonde détresse psychologique. Le médecin estima alors  qu’il y avait un risque pour la santé de son patient. Il établissait un certificat en soulignant qu’il souffrait d’un syndrome de stress pouvant être vécu comme une maladie professionnelle.

Parler ou pas à la presse

Il fut alors poursuivi par la société Orys. Celle-ci observait que « l’employé dépendait du médecin du siège de Tricastin et non du Dr Huez. » On reprochait aussi à ce médecin du travail d’avoir violé le code de déontologie médicale en rédigeant  pour un salarié, un certificat attestant d’une pathologie anxio-dépressive « en rapport avec un vécu de maltraitance professionnelle  ».

Le conseil départemental de l’ordre des médecins d’Indre-et-Loire avait rejoint la procédure et appuyé la plainte de la société.  Le représentant du conseil de l’ordre des médecins d’Indre-et-Loire a estimé qu’« il avait trahi la confidentialité de ce dossier médical en parlant à la presse ».

Fierté et amertume

Il y a quelques semaines, devant la chambre disciplinaire ordinale, le médecin du travail avait plaidé sa bonne foi. Le quotidien généraliste  nous dit qu’il parla « avec amertume ». Ecoutons-le : « Le droit de retrait de ce salarié me paraît légitime. L’enchaînement de pratiques maltraitantes de son entreprise, l’éloignant, par rétorsion, de son domicile, et lui imposant une fonction pour laquelle il n’a pas de compétences ne peut qu’aggraver de façon délétère les conséquences de sa pathologie psychologique. Nous sommes devant la plainte infâmante d’un employeur, une manipulation patronale, et je suis fier de ce que j’ai fait. »

Manquement à la déontologie

Puis son avocat parla pour lui : « Il a pratiqué une médecine d’urgence et se trouvait parfaitement dans son rôle. Cette plainte est là pour mettre fin aux «  dérives  » des médecins du travail ». Puis un médecin, longtemps secrétaire du CHSCT de la centrale de Chinon prit la parole et dit aux juges : « Votre décision aura une grande portée. Si le médecin ne peut plus établir de lien entre travail et santé dans le nucléaire, c’en est fini de la maladie professionnelle ».

35 euros et un appel

La décision ?  La chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre des médecins du Centre a considéré que le Dr Huez avait « manqué à ses obligations déontologiques,  » notamment en attestant de faits qu’il n’a pas lui-même constatés ».  Le Dr Huez a été condamné à verser à la société Orys la somme de 35 € au titre des frais de justice. Il a décidé de faire appel de cette décision. On pourrait y voir une affaire anecdotique.

2 réflexions sur “Centrale nucléaire et médecine du travail : plainte « infâmante » et condamnation ordinale

  1. Bonjour,
    Merci pour cet article très intéressant. Je viens de prendre connaissance de ce cas et je le trouve aberrant. Je ne comprends pas sa condamnation étant donnée qu’il effectuait ses missions, sa spécialité c’est-à-dire ce pourquoi il est payé. J’ai hâte de savoir la conclusion de cette affaire, car c’est de ce genre de cas couplé à la prise de mesures de simplifications dont dépend l’avenir de la médecine du travail.
    D’ailleurs, si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur le métier de médecin du travail, vous trouverez une multitude d’informations et d’offres d’emploi sur le blog suivant: http://www.rhsante.fr/

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