Avortement : l’urgence est-elle à faire une croix sur la détresse de la femme ?

Bonjour

Aujourd’hui 20 janvier 2014 c’est La Croix qu’il faudra lire. La Croix, vieux quotidien catholique qui éclaire notre sujet d’une lumière que l’on peut raisonnablement tenir pour prophétique. Lire Libération aussi.  Ce jeune quotidien né en 1973 sous la férule de Jean-Paul Sartre nous précise  (Catherine Mallaval)  qu’à compter de 16 heures les député(e)s commenceront l’examen du projet de loi « Pour l’égalité entre les femmes et les hommes». Le rapporteur en est Sébastien Denaja , 35 ans et « féministe convaincu ».

Loi-cadre mais loi fourre-tout : interdiction des concours de mini-miss aux jeunes filles âgées de moins de 13 ans et reprise de la question des «violences faites aux femmes». Et suppression de la mention  «situation de détresse» qui justifiait  depuis 1975 le recours à une interruption volontaire de grossesse. Avortement qui deviendrait ainsi un droit, tout simplement.

Dernier combat

1975 déjà. 1975 seulement. Avant celui sur l’abolition de la peine de mort ce fut l’un des derniers grands combats. Un combat  mené au nom du droit, de la santé publique et de l’éthique –un terme que l’on n’utilisait pas.

On trouvera ici le contexte.  On trouvera ici le texte. Extraits :

«  » Art. L. 162-1. – La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la dixième semaine de grossesse.

 » Art. L. 162-3. – Le médecin sollicité par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse doit, sous réserve de l’article L. 162-8 :

 » 1° Informer celle-ci des risques médicaux qu’elle encourt pour elle-même et pour ses maternités futures ;

 » 2° Remettre à l’intéressée un dossier guide comportant :

 » a) L’énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l’adoption d’un enfant à naître ;
 » b) La liste et les adresses des organismes visés à l’article L. 162-4. »

Le marbre de la loi

Si l’on suit la volonté du gouvernement et des députés socialistes le concept de détresse disparaîtra du marbre de la loi. L’avortement sera un droit. Et comme tous les droits la femme concernée n’aura pas à se justifier. Journal catholique né en 1880 La Croix ne mène plus  le combat acharné qui fut le sien dans les années 1970. La nécessaire naissance dans la douleur et la dimension rédemptrice de cette dernière ne sont plus d’actualité. Le quotidien qui connut la férule de Bruno Frappat et Jean Boissonnat  a pris le recul séculier qui s’imposait. Un recul qui lui permet de dépasser la mêlée. Et de pointer un risque eugénique étonnamment sous-évalué (1).

Faut-il voir là la perfidie rhétorique des pères jésuites ?  C’est toujours possible. On peut aussi observer que cet argument éthique dépasse l’affrontement traditionnel. Un affrontement qui depuis quatre décennies porte sur la période de la grossesse durant laquelle la pratique de l’IVG est dépénalisée. C’est notamment  le cas en Espagne où le gouvernement conservateur au pouvoir entend revenir à une situation ouvertement et dangereusement rétrograde (2). Une situation, qui plus est, que l’Espagne entend faire prévaloir à l’échelon de l’Union européenne.

Pour sa part le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof) annonce qu’il se tiendra, pour une fois, « à  l’écart du débat proposé aux parlementaires ».  Selon lui  le  combat principal pour l’IVG en France « n’est pas dans la sémantique ». Et même  les mots ont de l’importance (« droit à  » plutôt que « détresse ») l’essentiel est ailleurs: dans les moyens qui sont (ou pas) donnés aux centres d’orthogénie « et notamment des postes médicaux dont beaucoup de centres sont dépourvus ». Ces professionnels seront-ils entendus par les politiques? Par les journalistes ?

Apathie et la ministre

On aborde bel et bien aujourd’hui en France un sujet de fond. Vouloir en finir avec la détresse s’inscrit dans la problématique de l’indisponibilité du corps humain féminin – problématique revisitée de manière radicale par les avancées de la biologie appliquée à la médecine. Ce matin, sur RTL Jean-Michel Apathie recevait, à l’heure des croissants, la ministre des droits de la femme, par ailleurs porte-parole du gouvernement. On parla automobiles françaises : Peugeot va-t-il vraiment devenir chinois ?. On parla petite politique et avortement. Le temps  imparti ne permit pas aux millions d’auditeurs de RTL d’entendre parler d’un risque eugénique.

A demain.

(1) Edito de La Croix (Guillaume Goubert).

« Sur un point au moins, toutes les parties prenantes du débat sur l’avortement seront du même avis : ce n’est pas une modification anodine que de supprimer toute référence à « une situation de détresse » avant le recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG).

Pour les partisans d’un tel amendement à la loi Veil, qui va être débattu cette semaine à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, il y a explicitement « la volonté de faciliter l’exercice » d’un « droit fondamental », selon les termes de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. Les adversaires d’une telle évolution de la loi de 1975 voient là, au contraire, une nouvelle étape de la banalisation d’une décision grave, puisqu’elle conduit à interrompre une vie à naître et retentit sur la mère.

Le débat qui va s’ouvrir est donc important, comme l’avait souligné, en juin 2001, une décision du Conseil constitutionnel. Ce dernier devait se prononcer sur l’allongement du délai pendant lequel une IVG peut être pratiquée, de dix à douze semaines de grossesse. Il avait rappelé qu’en la matière la loi devait respecter un équilibre entre « la liberté de la femme » et « le respect de l’être humain dès le commencement de la vie ». À ses yeux, cet équilibre reposait notamment sur la référence à une situation de détresse, cela pour « exclure toute fraude à la loi ».

Cette dernière expression recouvrait le risque d’eugénisme, et notamment la possibilité de recourir à l’avortement en fonction du sexe de l’enfant à naître. Cette forme de banalisation, il faut la refuser. Personne, d’ailleurs, n’ose la défendre ouvertement. Encore faut-il ne pas la faciliter en pratique. La détresse bien réelle de la plupart des personnes face à une grossesse inattendue – qu’il s’agisse des femmes, mais aussi des hommes, trop souvent absents en de telles circonstances – mérite, elle, d’être accompagnée, prise en compte et respectée. Non d’être niée ou passée sous silence. Ce qui serait contraire à la dignité humaine.

(2) Le projet de loi espagnol prévoit que l’avortement ne pourra être pratiqué qu’en cas de grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme. Cet avortement ne pourra d’autre part être pratiqué que si  la grossesse est la conséquence d’un délit contre la liberté ou l’intégrité sexuelle de la femme. Le ministre veut dire en cas de viol.

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