Bonjour
Communiqué de presse mandé ce jour par le cabinet de Marisol Touraine, ministre de la Santé. Il est intitulé « Pilules de 3ème et 4ème générations : un an après, le message des autorités sanitaires a été entendu ». Voilà qui est un peu court. Il manque un chaînon, un chaînon médiatique et juridique. La ministre et ses services montrent ici une bien courte mémoire. Un petit rappel, factuel, s’impose donc.
Cabinet et services
On lira ci-dessous (1) le texte de ce communiqué. Rien de faux bien sûr. Mais quelques cases vides. A commencer par la « mise en garde des autorités sanitaires ». Cette mise en garde n’e fut nullement le fait du hasard. Loin de là. Mais de l’action des médias. Et cette action n’est pas elle non plus tombée d’un ciel providentiel. Elle était la conséquence d’une action en justice: la plainte hautement médiatisée d’une jeune femme victime d’un accident artériel rarissime causé par la prise inadaptée d’une pilule contraceptive œstroprogestative.
Où l’on voit que la réalité est plus riche que la lecture opportune que peuvent en faire la ministre, son cabinet et ses services. Une ministre, un cabinet et des services (ceux de l’ANSM notamment) qui, au plus fort de l’emballement (expression consacrée) ont toujours pris soin de parler de crise médiatique. Un élément comme un autre de langage.
Marteler, marteler
« Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, se félicite de ces résultats très positifs : ils montrent que le message qu’elle a martelé, selon lequel « la bonne contraception, c’est celle qui est délivrée à la bonne personne, au bon moment » a été entendu par les prescripteurs comme par les femmes. »
La ministre de la Santé prend les médias à témoin : elle se félicite publiquement d’avoir martelé un message. Se félicite également que ce martèlement ait fait suffisamment de bruit pour être entendu dans l’Hexagone. Mais qu’aurait été cette voix de fer ministériel sans les caisses de résonance des médias ? Des médias chauffés à blanc par leurs (re)découvertes (tardives) des scandales de l’usine (poids de Big Pharma sur les prescripteurs, poids des patientes sur ces derniers, incurie chronique du système en vigueur de pharmacovigilance, secret total sur les chiffres de vente etc.).
Dérembourser
La ministre oublie aussi, mais c’est de bonne guerre, les incohérences qui auront marqué son action volontariste. Concernant la sous-affaire Diane 35 ou encore le second recours au déremboursement comme levier d’action sur les prescriptions. Concernant l’absence totale, lors de la crise, de message sanitaire concernant l’association mortifère tabac-pilule.
Tout ne va pas aujourd’hui pour le mieux dans le meilleur des mondes contraceptifs possible (il suffit pour cela de regarder la courbe, tragiquement constante, des interruptions volontaires de grossesse pratiquées en France). Tout ne va pas pour le mieux en janvier 2014 mais la situation s’est améliorée par rapport à celle qui prévalait à la mi-décembre 2013. La ministre de la Santé, son cabinet et ses services (ceux de l’ANSM notamment) n’y sont certes pas étrangers. Mais, au risque d’être accusé de martèlement, nous nous devons de dire que se limiter à cette lecture c’est, tout bonnement, réécrire l’histoire
Conflit d’intérêts
Comprenons-nous. Non pas une histoire où les médias dans leur ensemble seraient les preux chevaliers en guerre au nom de la Vérité dévoilée. Mais des médias acteurs parmi d’autres de la société civile se nourrissant, à leur manière, de la vie en société.
Conflits d’intérêt ? Nous n’avons pas, pour notre part, toujours été tendre. Sur Slate.fr, France Culture – Le secret des sources ou encore Arrêt sur images Daniel Schneidermann (et à diverses reprises sur ce blog) nous avons critiqué la forme (à la fois spectaculaire et déhiérarchisée selon nous) de l’action inaugurale du Monde dans cette affaire. Au point d’avoir été accusé de (continuer à) rouler pour Big Pharma – c’était par une consœur à l’évidence aveuglée par ses passions.
Nous n’en sommes que plus libre pour dire, au final que la forme éditoriale du Monde de la mi-décembre 2013 aura, en définitive et tout bien pesé, été globalement positive. Cela est dit. Et écrit. Ne serait-ce que pour compléter le communiqué de presse ministériel.
(A demain)
(1) Le communiqué de presse de Marisol Touraine, ministre de la Santé
« Un an après la mise en garde des autorités sanitaires au sujet des pilules de 3ème et 4ème générations, leur consommation en France a considérablement diminué, au profit d’autres modes de contraception. Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, se félicite de ces résultats très positifs : ils montrent que le message qu’elle a martelé, selon lequel « la bonne contraception, c’est celle qui est délivrée à la bonne personne, au bon moment » a été entendu par les prescripteurs comme par les femmes.
Marisol Touraine avait pris, dès le mois de septembre 2012, la décision de dérembourser les pilules de 3ème génération, à la suite de l’avis de la haute autorité de santé (HAS) qui considérait que « le service médical rendu par ces spécialités devait être qualifié d’insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale ». Il y a tout juste un an, à la demande de la ministre, l’agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) adressait une mise en garde aux prescripteurs français et initiait au niveau européen une réévaluation du rapport bénéfice/risque des pilules 3ème et 4ème générations.
Le bilan présenté ce matin par l’ANSM montre une évolution importante des modes de contraception en France. La consommation de pilules de 3ème et 4èmegénérations a fortement diminué, au profit d’autres modes de contraception. On constate ainsi une baisse de 45 % des prescriptions de pilules de 3ème et 4ème générations en 2013 par rapport à l’année 2012 : elles ne représentent désormais que 22 % des ventes de pilules contraceptives, contre 45 % en 2012.
De même, la proportion des ventes d’autres modes de contraception (implants, stérilets) a augmenté de 27% en 2013 (la plus forte augmentation concerne les stérilets au cuivre dont les ventes ont progressé de 47 % en 2013). Les recommandations des autorités sanitaires au sujet de la contraception continuent d’évoluer. La HAS vient ainsi de diffuser de nouveaux guides à destination des pharmaciens.
La confiance des femmes dans la contraception est un enjeu majeur de santé publique. Marisol Touraine rappelle que la pilule est avant tout ce qui permet à des millions de femmes d’exercer librement leur droit à la contraception. »
Une réflexion sur “Pilules : un an plus tard, Marisol Touraine réécrit déjà l’histoire”