Bonjour
Les médias nationaux avaient zappé. Grâce soit donc rendue aux localiers. En l’espèce à Thierry Jouve – que l’on peut lire sur ladepeche.fr. Résumons ce jugement qui alimente déjà des controverses radicales. Le Tribunal de grande instance de Tarbes vient de condamner un automobiliste pour homicide involontaire. Ne maîtrisant plus son véhicule il avait, le 20 janvier 2012, fauché une femme sur un trottoir. La femme est toujours vivante. Mais elle était alors enceinte de trente semaines et l’enfant qu’elle portait est mort du fait de l’accident.
« Et mon bébé ? »
L’enfant à naître avait été prénommé Yanis. La présidente du tribunal se nomme Élisabeth Gadoullet. « Elle a mis enavant le traumatisme psychologique des parents et surtout de la maman » rapporte notre confère Jouve. « Quand elle a repris connaissance à l’hôpital, elle a demandé : ‘’Et mon bébé’’ . Ce qui l’a le plus choquée, c’est qu’on lui réponde : vous d’abord, le bébé après… Tant qu’un bébé n’est pas né, on a parfois l’impression qu’il n’est pas vivant. Mais, s’il y a mort, il y a eu une vie… Comment peut-on dire qu’un bébé réagit à l’environnement qui l’entoure et n’est pas un enfant ? Pour la maman, il était vivant. Elle a été privée de ce premier enfant et en a ressenti de la culpabilité. Il est important qu’il y ait une reconnaissance de cet enfant notamment pour que les parents assument leur rôle de parents en deuil».
Jamais guérie
Le conseil des parents est Me Fabienne Trusses-Naprous. Elle explique que la maman « ne sera jamais guérie de la perte de son enfant». Le jugement participe à l’atténuation de la douleur de la famille. La présidente Gadoullet motive, en écho : « Le prévenu lui-même a reconnu avoir tué un enfant. La famille a besoin de cette condamnation», motive la présidente Gadoullet.
Un enfant ou un fœtus ? Et le parquet, que dit le parquet ? « Il y a de fortes chances que le parquet général fasse appel du jugement qui va à l’encontre de la jurisprudence » avance notre confrère Jouve. De fait on croit se souvenir que le fœtus ne ressort pas du régime de protection pénale au motif que l’on est une personne qu’une fois que l’on a respiré.
Naître vivant
Un arrêt de la cour de cassation du 25 juin 2002 affirme clairement que «le principe de légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination d’homicide involontaire s’applique au cas de l’enfant qui n’est pas né vivant».
« Alors que la loi sur l’égalité hommes-femmes renforce l’accès à l’IVG en supprimant la notion de détresse et après le report de la loi sur la famille, ce jugement ne va pas manquer d’alimenter les débats sur un sujet de société sensible » écrit encore notre confrère Jouve. Ce qui n’est pas faux.
Eglise et crucifix
Certains percevront immanquablement dans ce jugement le doigt caché de l’Eglise. Ils oublieront que les juges ne font que dire le droit, que les crucifix ne sont plus dans les salles d’audience et que la justice est rendue au nom du peuple souverain.
« Dans ce jugement, il n’y a aucune prise de position religieuse ou philosophique mais une position humaine, a explique la présidente Gadoullet. Pour la maman, ce bébé était bien vivant. Si, pour une autre raison, elle avait dû accoucher prématurément, le bébé était viable. C’est le choc du fœtus contre la paroi utérine qui a provoqué son décès. Il s’agit d’un être humain qui a été tué.» On observera simplement que le fœtus devient volontiers bébé et que la femme enceinte est une maman.
Coeur battant
La question du statut pénal du fœtus n’est pas nouvelle en France. En 1995 lors d’un accident de la circulation (conducteur sous l’emprise d’un état alcoolique) une femme enceinte avait aussi perdu le fœtus qu’elle portait en son sein. En 1998 la cour d’appel de Metz avait rejeté l’homicide involontaire, ce dernier ne pouvant «être qualifié qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré».
Arrivant de la cour de cassation l’affaire avait fait grand bruit dans les milieux judiciaires comme dans certains médias nationaux. Tout (ou presque) est dit ici sur le site de la cour de cassation. Célèbre et homérique affrontement Sainte-Rose (avocat général) versus Sargos (conseiller rapporteur)
Opposition
Au final : « Le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus. »
Inaudibles
D’autres voix se levèrent alors, comme celle du Pr Claude Sureau, spécialiste de gynécologie-obstétrique et de droit médical, membre du Comité d’éthique et de l’Académie de médecine.
Il s’agissait de dire que la perte d’un fœtus dans de telles conditions ne pouvait être regardée comme la perte de « rien ». De dire que sans remettre en question la dépénalisation de l’IVG le droit se devait d’élaborer des textes pour que le fœtus, sinon l’embryon soit doté d’un régime juridique particulier (1). Dérangeantes, incomprises ces voix ne furent pas étouffées. Mais elles se révélèrent vite inaudibles
A demain
(1) On peut sur ce thème lire avec le plus vif intérêt intérêt « Son nom est personne » de Claude Sureau. Editions Albin Michel. Quatrième de couverture : « Sans remettre en cause la loi Veil, loi bénéfique pour la Santé publique, j’affirme que notre société est en droit de réclamer, pour les embryons et les foetus humains vivants, l’attention et le statut juridique (…)dont on envisage de faire bénéficier nos animaux de compagnie). »