Bonjour
Un détail, dira-t-on. Plutôt une erreur. Une contre-vérité qui se doit d’être corrigée. Résumons. Le 4 février dernier François Hollande prononçait à Paris un discours pour lancer officiellement de 3ème volet du Plan Cancer. Cérémonie officielle aves les pompes traditionnelles. L’affaire fut, ici et là commentée. Nous avons pour notre part déploré l’absence de toute forme d’engagement politique véritable contre le tabagisme, première cause de mort évitable – plus de 70 000 morts prématurées évitables chaque année. (« Les cancéreux seront incités à ne plus fumer »).
Trébuchets
On imagine que le discours prononcé de jour là par le Président de la République ne fut en rien improvisé. Que chaque mot fut pesé sur tous les trébuchets des « conseillers santé » du Palais de l’Elysée. On pourra lire ici le texte de ce discours présidentiel. On peut l’écouter ici.
L’une des annonces majeure de ce discours porte sur le cancer du col de l’utérus. Extrait :
« Le cancer du col de l’utérus fera également – et c’est l’une des annonces du Plan Cancer – l’objet d’un dépistage systématique. Ce cancer atteint aujourd’hui 3 000 femmes et provoque plus de 1 000 décès chaque année. Dès lors, la généralisation du frottis tous les trois ans pour 80% des femmes, contre 60% aujourd’hui, réduira la mortalité de 30% en dix ans. »
« Le cancer du col de l’utérus est le seul – je dis bien le seul – pour lequel il existe un vaccin, et pourtant, en France, ce vaccin n’est administré qu’à 30% des jeunes filles. C’est une source nouvelle d’inégalités. Certes, je connais les réserves que suscitent des campagnes mal conçues de vaccination mais, ce vaccin a fait la preuve de son efficacité. Aussi, d’ici cinq ans, nous doublerons la couverture vaccinale contre le cancer du col de l’utérus, ce qui permettra son éradication à terme. »
Erreur magistrale
Les objectifs sont clairement affichés. Et c’est tant mieux, même s’il semble bien aléatoire de fixer un objectif chiffré de couverture vaccinale concernant une vaccination qui n’est que recommandée. Une vaccination qui suscite d’autre part bien des interrogations et quelques allergies dans la population (1). Quant à l’ « éradication à terme » du cancer du col de l’utérus l’ambition est immense dans un pays certes riche mais qui n’est pas parvenu depuis plusieurs décennies à organiser une politique de dépistage rationnel et organisé de ce même cancer.
Ceci alimente et alimentera bien des débats. Ce qui ne se discute pas, en revanche, c’est la contre-vérité prononcée par le président de la République. Et l’erreur magistrale commise par les auteurs et relecteurs du discours présidentiel. Celle-ci :
« Le cancer du col de l’utérus est le seul – je dis bien le seul – pour lequel il existe un vaccin (…) ».
Premier vaccin au monde
C’est oublier ici une étape majeure dans la lutte vaccinale contre les cancers. Et c’est un oubli d’autant plus fâcheux qu’il est commis dans le pays où cette étape a été franchie de manière magistrale il y aura bientôt quarante ans : la mise au point du premier vaccin au monde contre l’hépatite virale de type B par le Pr Philippe Maupas et son équipe (2). Mise au point du premier vaccin suivie d’un autre, produit sur le même principe, par les techniques alors naissantes, de « génie génétique ». Puis, un peu plus tard, la démonstration, d’abord par cette équipe puis par de nombreuses autres, que cette vaccination était la première à prévenir l’apparition d’un cancer : le cancer primitif du foie.
C’est ainsi que l’on peut lire depuis plusieurs années déjà sur le site de l’OMS au chapitre de l’hépatite B :
« L’hépatite B est une infection du foie potentiellement mortelle par le virus de cette maladie. Elle représente un problème de santé majeur à l’échelle mondiale. Elle peut entraîner une maladie chronique du foie et une infection chronique et expose les sujets atteints à un risque important de décès par cirrhose ou cancer du foie.
Plus de 240 millions le nombre de celles souffrant d’une infection hépatique chronique (de longue durée). Près de 600 000 personnes meurent chaque année des conséquences aiguës ou chroniques de l’hépatite B.
Un vaccin contre cette maladie est disponible depuis 1982. Il est efficace à 95% pour prévenir l’infection et ses conséquences chroniques. Il s’agit du premier vaccin mis au point contre l’un des principaux cancers humains. »
Philippe Maupas
Cette première française saluée à l’échelon international n’a jamais été particulièrement été mise en valeur en France. Elle fut ensuite malencontreusement ternie (en France et uniquement en France) par des rumeurs quant à son innocuité ? On démontra que ces rumeurs étaient sans fondements scientifiques.
On voit qu’elle est aujourd’hui doublement ignorée dans un discours du président de la République française traitant précisément de la lutte conter le cancer. Philippe Maupas est mort le 6 février 1981 au CHU Bretonneau de Tours. Il venait d’être victime d’un accident de la circulation en rentrant d’Afrique où son vaccin commençait à être utilisé pour prévenir la cirrhose et le cancer du foie. Vétérinaire, pharmacien et médecin Philippe Maupas avait quarante-et-un ans. Il y a trente-trois ans.
A demain
(1) Le Formindep vient pour sa part de dénoncer l’objectif du 3ème Plan cancer visant à vacciner le plus largement possible les jeunes filles contre les HPV pour réduire l’incidence du cancer du col de l’utérus. On peut prendre ici connaissance de ses arguments.
(2) On pourra se reporter sur ce thème à un récent et passionnant ouvrage publié par les Editions Médicales et Scientifiques : « De la jaunisse à l’hépatite C. 5000 ans d’histoire ». Signé de Jean-Louis Payen cet ouvrage est préfacé par Daniel Dhumeaux. Il fait notamment l’historique de la découverte de la découverte de Philippe Maupas et de son équipe (Goudeau A., Coursaget P., Drucker J.) – deux premières publications : Bull Acad Nat Med 1976 ; 160 : 461-70 et Lancet 1976 ; 1 : 1367- 70)
Une réflexion sur “Vaccins anti-cancers : la contre-vérité du président de la République”