Bonjour
Nouvelle étape dans cette affaire sans précédent. Plusieurs médias(Le Monde et Le Nouvel Observateur, pour l’heure) ont « pu consulter » le « pré-rapport » que les trois experts commis par le Conseil d’Etat viennent de remettre à ce dernier (1). Sur la base de ces « consultations » il apparaît que ces experts font preuve d’une très grande prudence: ils insistent sur le fait que « dans une telle situation », « le degré de l’atteinte de conscience ne saurait constituer le seul élément déterminant (…) d’une réflexion concernant un éventuel arrêt de traitement ». En clair: les experts répondent aux questions des juges mais ne sauraient être tenus pour responsables du jugement.
Les Prs Marie-Germaine Bousser, Jacques Luauté et Lionel Naccache ont examiné à neuf reprises (entre le 5 mars et le 11 avril) Vincent Lambert et ils ont rencontré toutes les parties concernées. L’état clinique actuel de M. Vincent Lambert correspond à un « état végétatif ». Comment comprendre ? En 2011, Vincent Lambert avait été examiné de façon approfondie au Coma Science Group à Liège, l’un des centres spécialisés les plus renommés sur ce sujet. Là l’équipe du Pr Steven Laureys avait conclu a un « état de conscience minimale plus » (état « pauci-relationnel »), un diagnostic nettement plus précis et neurologiquement documenté que le seul « état végétatif chronique » d’aujourd’hui.
Communiquer
Les experts français notent depuis 2011 que les « examens n’ont jamais mis en évidence de réponse permettant de parler d’un état de conscience minimale, ce qui suggère une dégradation de l’état de conscience du patient depuis 2011 ». Corollaire : aucune perspective d’amélioration au vu du « caractère irréversible des lésions », ni de capacité à « établir une communication fonctionnelle avec son entourage ».
Sur le « caractère irréversible des lésions cérébrales » de Vincent Lambert, les trois experts font valoir que les examens d’imagerie pratiqués à La Pitié Salpêtrière ont « montré une atrophie cérébrale majeure témoignant d’une perte neuronale définitive ».
Existe-t-il des possibilités de communication avec ce malade ? « Nous n’avons jamais pu obtenir la moindre forme de communication fonctionnelle, concluent les auteurs du rapport. Les réponses comportementales de M. Vincent Lambert aux différentes stimulations ne dépassent pas le stade des réponses réflexes. »
Interpréter
Peut-on interpréter ces réponses comme une volonté de vivre ou de mourir ? « L’interprétation de ces réactions comportementales comme un vécu conscient de souffrance ou comme l’expression d’une intention ou d’un souhait à l’égard de l’arrêt ou de la prolongation du traitement ne nous paraît pas possible », affirment ces experts en réponse à la quatrième et impossible question posée par les magistrats du Conseil d’Etat.
Et dans avec une forme de sagesse préventive ces trois experts replacent les juges de la place du Palais-Royal devant leurs responsabilités. « Le degré de l’atteinte de la conscience ne saurait constituer le seul élément déterminant de la mise en route d’une réflexion concernant un éventuel arrêt de traitement » commentent-ils.
Avant l’été
Outre au Conseil d’Etat ces conclusions ont été envoyées aux avocats des deux parties, qui pourront y répondre. L’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le conseil national de l’Ordre des médecins apporteront chacun leur éclairage sur les notions d’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique) et de maintien artificiel de la vie. Le député UMP Jean Leonetti a aussi été sollicité. L’un des centres des débats sera la question de l’assimilation des personnes en état végétatif chronique à des personnes en fin de vie. Et celle de la mort par arrêt d’alimentation et de nutrition. (« Affaire Lambert : laisser-mourir ou euthanasie ? Le jugement du Conseil d’Etat ne passe pas »).
Fort de tous ces éléments, le Conseil d’Etat se prononcera sur le devenir de Vincent Lambert. Ce sera fait « avant l’été ».
A demain
(1) « Ce n’est qu’un document de travail, ce n’est pas le rapport définitif qui pourra révéler d’autres choses », a expliqué à l’AFP Me Jean Paillot l’avocat des parents de Vincent Lambert, tout en regrettant « les fuites dans la presse d’éléments qui relèvent du secret médical et qui sont préjudiciables à la sérénité de la justice ».