Bonjour
25 juillet 2014. La parole est au Japon. Et l’OMS est prise à son propre piège. Assez bêtement. En donnant son feu vert « éthique » à l’usage, en Afrique, à des produits occidentaux non homologués l’organisation onusienne a ouvert la porte à tous les possibles. Nous avons appris ce qu’il pouvait en être avec le ZMapp californien : cette association d’anticorps monoclonaux humanisés est désormais présentée comme le « sérum » qui a « sauvé » deux soignants américains – une affirmation que rien ne permet de soutenir mais qui fais florès sur la Toile (jusqu’à France Culture…).
Depuis le Japon
Religieux ou pas, le miracle attire toujours les foules. Miracle d’autant plus prenant que le « sérum » et ses bienfaits ne sont plus disponibles. La cotation en bourse ne cesse d’augmenter alors que le produit-phare disparaît. Il suffisait d’y penser.
Le Japon a observé tout cela. Et il a décidé d’attaquer, mieux qu’en piqué. « Notre pays est disposé à livrer le médicament en coopération avec le fabricant si l’OMS) en fait la demande » vient déclarer Yoshihide Suga, secrétaire général du gouvernement japonais. M. Suga parle ici du favipiravir (ou « T-705 »).
Au nom de l’urgence
Il s’agit ici d’une molécule possiblement active contre les virus à ARN – comme les virus de la grippe, le virus de la fièvre jaune ou celui du Nil occidental. Deux études publiées en avril et en mai 2014 démontrent que cette molécule avait été testée avec succès contre le virus Ebola sur des souris y compris (travail allemand) lorsqu’elle était administrée six jours après l’exposition de ces animaux au virus.
Les deux publications ont été faites dans Antiviral Research. On trouvera la première ici (travail britannique et américain) – et la deuxième ici (travail allemand). Aucune expérimentation dans cette indication n’a été publiée chez le singe –et encore moins chez l’homme. Osera-t-on franchir le cap au nom de l’urgence africaine ? C’est hautement possible.
Post-Avigan ®
Par rapport au ZMapp le T-705 présente trois avantages. Il peut être administré par voie orale (et non intraveineuse). Il a déjà été homologué en mars dernier (contre la grippe saisonnière) sous le nom d’Avigan ® (voir ici la présentation de Toyama Chemical). Et il est disponible.
« On parle beaucoup de cette molécule, nous a résumé Sylvain Baize, directeur du Centre national de référence sur les fièvres hémorragiques virales. Des essais chez la souris ont montré une efficacité contre Ebola. C’est un candidat potentiel. Mais tant que cela n’aura pas été démontré chez le singe, cela me semblerait un peu présomptueux de l’administrer chez l’homme. Pour autant des rumeurs disent qu’outre-Atlantique, des essais de cette molécule ont été réalisés chez le primate, les résultats étant censés être dévoilés bientôt. En toute hypothèse l’avantage est que cette molécule est à un stade avancé d’essai chez l’homme et déjà autorisée pour la grippe, et pourrait apparemment être utilisée de façon plus sûre que les autres. Si les essais primates donnent des résultats satisfaisants, ce serait à mon avis le candidat le plus intéressant. »
Souvenirs du Tamiflu ®
Le gouvernement japonais fait ici corps avec Toyoma Chemical, filiale de FujiFilm. (Voir ce que dit The Japan Times). « Avant même que l’OMS ne prenne une décision, nous sommes prêts à répondre aux demandes individuelles [de travailleurs médicaux] sous certaines conditions s’il s’agit d’un cas urgent » a ainsi souligné Yoshihide Suga. Que dira l’OMS de cette anticipation ? Le groupe japonais a d’ores et déjà indiqué avoir reçu des demandes de l’étranger, sans préciser ni combien, ni de quels pays. Il assure avoir des réserves suffisantes « pour plus de 20 000 personnes ». On peut d’ores et déjà prévoir que la question va se poser de son usage à des fins non pas curatives, mais bien préventives.
Où l’Avigan® japonais pourrait, dix ans plus tard, prendre la place du plus que controversé Tamiflu ® suisse.
A demain
A votre avis, comment cette solution se positionne t’elle vis à vis d’autre antiviraux expérimentaux, au hasard DRACO (https://en.wikipedia.org/wiki/DRACO_(antiviral)), dont on à fait grand cas quand le MIT l’a annoncé en 2011 ?
Mes compétences dans le champ des antiviraux expérimentaux ne me permettent pas de vous éclairer. Il est probable que nous allons assister à une multiplication des tentatives pour passer au plus vite à des « essais cliniques » à vaste échelle. Qui régulera cette effervescence sans précédent ?
J.-Y. N.