Bonjour
Libération mue dans la douleur. La rédaction de Libération condamné à une assez grosse décimation forcée va devoir changer son fusil d’épaule pour se faire une place au soleil de la Toile. Avec tout le savoir-faire de Johan Hufnagel, ancien de Slate.fr. Faut-il y voir un corollaire : Laurent Joffrin, nouveau directeur de la publication de Libération élargit son champ d’action. On le savait féru de politique intérieure et de grands moments d’histoire de France. Le voici qui s’intéresse à la santé publique. Et tout en qualifiant (dîners parisiens) Marisol Touraine de femme « pleine d’esprit et de caractère » il vient d’accuser la ministre de la Santé d’avoir, sur le front du tabagisme » cédé à une « tentation obscurantiste ». C’est à peine s’il évoque, ici, l’hypothèse du « souci tactique ».
On peut lire ici le texte de Laurent Joffrin. Ou ici :
« E-cigarette : l’erreur de Marisol Touraine
(…) Le ministère de la Santé et la plupart des spécialistes en conviennent désormais : le vapotage est pratiquement inoffensif. Aucune étude – aucune – ne lui attribue le centième, voire le millième, des effets néfastes que produit le tabac sur l’organisme. Plus de 70 000 personnes meurent chaque année en France d’un cancer provoqué ou favorisé par la consommation de tabac. A l’inverse, les seuls dangers qu’on a pu déceler dans l’usage de la cigarette électronique sont liés à l’addiction éventuelle à la nicotine, qui ne figure pas parmi les causes du cancer, et dont les effets, en regard des ravages causés par la vraie cigarette, sont parfaitement mineurs (sachant que tout excès est mauvais, par exemple l’excès de café ou l’excès de sucre). Rappelons qu’on vend en pharmacie des substituts au tabac dûment autorisés qui contiennent principalement… de la nicotine.
A prix d’or
Un nombre croissant de médecins estime que le recours au vapotage est un substitut efficace au tabac, sans doute le premier qu’on ait trouvé dont les effets positifs soient mesurables. Depuis que la cigarette électronique s’est répandue en France, la consommation de cigarettes a diminué nettement. Jusqu’à présent, seules des augmentations de prix brutales ont abouti à ce résultat. Comme on ne peut pas vendre la cigarette au prix de l’or, même au nom de la santé publique, l’usage de l’e-cigarette offre un relais crédible à ceux qui souhaitent faire reculer le tabagisme. Nombre de ceux qui s’adonnent à l’e-cigarette sont de grands fumeurs qui trouvent là le moyen de se débarrasser de leur vice. Comme il est reconnu qu’un fumeur sur deux est tôt ou tard victime d’un cancer, on calculera facilement le gain espéré en santé publique : si cent personnes passent du tabac au vapotage, le transfert de l’une à l’autre addiction peut en sauver cinquante.
Pur sophisme
Malheureusement, ces considérations de bon sens sont masquées par des arguments irrationnels qui nous renvoient au règne des préjugés et des peurs obscurantistes. Le principe de précaution, dit-on, nous enseigne qu’il faut attendre de longues années avant de disposer d’une certitude scientifique sur l’innocuité du vapotage et donc qu’en attendant, il est préférable de s’abstenir. Sophisme pur et simple. En fait, le principe de précaution, qu’on interprète de travers, (voir le texte initial voté à l’initiative de Jacques Chirac) s’applique uniquement si des «dommages graves ou irréversibles» peuvent être imputés de manière vraisemblable à telle ou telle technique nouvelle ou à tel ou tel produit (par exemple l’émission de CO2 dans l’atmosphère). Où sont les dommages «graves et irréversibles» qu’on peut craindre de la cigarette électronique ? Nulle part, en tout cas dans aucune étude connue, même à titre d’hypothèse lointaine. En revanche ceux du tabac sont évidents depuis des décennies. Autrement dit, les deux produits, l’ancien et le nouveau, n’ont rien à voir en termes de santé publique. Le tabac tue, l’e-cigarette diffuse de la vapeur d’eau.
L’alcool égale l’eau
Le seul argument logique consiste à dire que le vapotage pourrait, dans certaines circonstances, inciter les consommateurs à passer ensuite à la vraie cigarette. Mais rien n’est prouvé (là aussi, les études sont trop récentes…). On s’appuie pour dire cela sur le fait que les fumeurs et les vapoteurs font les mêmes gestes. Mais dans ce cas, l’eau est aussi nocive que l’alcool, puisque l’on fait les mêmes gestes pour les consommer. On voit où mène ce parallèle. Les buveurs d’eau seraient les proies naturelles des marchands d’alcool et, pour lutter contre l’alcoolisme, on devrait interdire le Canada Dry…
Erreur grave
La vérité, c’est que l’interdiction de vapoter dans les lieux publics ou bien au travail est une absurdité, calquée de manière irrationnelle sur les mesures antitabac et appliquée à un produit aux effets parfaitement bénins. A l’inverse, en encourageant les fumeurs à passer à l’e-cigarette, on agirait dans le sens du bien-être public. Politique que Marisol Touraine a écartée de manière irréfléchie, en commettant une grave erreur de santé publique. »
Résilience
Il est des réquisitoires moins sévères. Il est aussi des éditoriaux moins intéressants. Et il est heureux, sur le thème de l’inspiration, de voir Libération abandonner un instant son vieux hobby du cannabis pour s’attaquer à de vrais sujet de santé publique. Quitte à dénoncer les graves errements d’un gouvernement socialiste. La presse généralistes se meure de ne plus mener de combats. La santé publique peut être un bon substitut aux idéologies finissantes. Créé par Sartre il y a quarante ans Libération, en adhérant (un peu tard…) à la « Révolution des volutes », offre un assez bon symptôme d’une possible résilience journalistique.
A demain.
2 réflexions sur “E-cigarette : Laurent Joffrin (Libération) dénonce l’obscurantisme de Marisol Touraine”