Bonjour
La Suisse n’est plus ce qu’elle fut. On connaissait la nostalgie des citoyens de la Confédération éloignés trop longtemps de leurs alpages et de leurs banques. On avait appris à faire avec une image écornée de ce doux pays assez peu sensibles aux malheurs de ses voisins étrangers. On découvre aujourd’hui une population qui nourrit majoritairement une forte poussée allergique vis-à-vis de ses chats. Pas les sauvages, les domestiques, les matous que le coucou ne fait plus, depuis longtemps, sursauter. Les greffiers des alpages. Des chats éminemment civilisés. Des chats perchés à la Marcel Aymé.
Coucous
Tout cela a vécu. Les pendules du coucou se sont inversées. De Genève à Lausanne, de Zurich à Bâle l’heure est à la décroissance et au contrôle des naissances. « Un foyer, un chat et basta ! » Tout vient d’être raconté dans Le Matin Dimanche. Jusqu’aux professionnels zurichois de la protection animale (la Zürcher Tierschutz) : les félins domestiques seraient trop nombreux sur le territoire helvète : 1,48 million pour 8,1 millions d’habitants, soit 430 chats par kilomètre carré. Ce qui semble, là-bas, bien au-delà du quota ;
« En comparaison, il y a 10 à 15 renards pour la même superficie. Il faut agir pour stabiliser, voire diminuer cette population afin de préserver la faune », explique la biologiste Claudia Kistler, co-auteure de l’étude zurichoise, qui préconise la castration et/ou la destruction. Rien de plus terrible ici que les amis des bêtes. C’est que le chat n’est pas roi à la SPA : il est accusé de menacer la Nature. Selon l’association de Zurich, il tue les oiseaux, les musaraignes, les orvets, les batraciens, les libellules…
Lézards (verts)
« Le lézard vert a disparu des zones villes du Bas-Valais et a fortement régressé à Genève, en grande partie par sa faute », estime François Turrian, directeur romand d’ASPO/BirdLife Suisse qui couve les oiseaux. Oiseaux qui goûtent le lézard vert de la Confédération. Et dans la partie francophone du canton du Valais, le Parti bourgeois démocratique a même inscrit la fin programmée de la surpopulation de chats dans son programme politique.
Ici ou là des voix amies s’élèvent. « Franchement, je ne vois pas comment une telle mesure peut être appliquée. Que ferait-on des chats surnuméraires ? » s’interroge le biologiste français Georges Chapouthier. Il est hautement vraisemblable que ceux qui veulent leur peau on déjà des éléments de réponse. La politique du chat unique n’est que la suite logique de celle de la stérilisation des chats errants, déjà mise en place par la SPA suisse depuis dix-huit ans. Une mesure drastique mais qui n’a pas porté ses fruits. La reproduction a toujours été la grande affaire des chats ; nuits de pleine lune ou pas.
Humains
L’affaire a ému au-delà des frontières – jusqu’à aufeminin.com : « Face à de telles mesures, nous sommes en droit de nous demander : la Suisse n’en fait-elle pas un peu trop ? Son obsession des quotas qui concernaient dernièrement le nombre d’immigrés sur le territoire, n’irait-elle pas un peu trop loin ? » « Ce sentiment de surpopulation est infondé, commente l’éthologue britannique Dennis C. Turner, professeur à l’université de Zurich. Rome compte 2 000 chats au kilomètre carré, et il y en a environ 2 350 dans un village de pêcheurs japonais. Ne venez pas me dire que la Suisse souffre d’une surpopulation de chats »
D’autres voient dans la montée de l’allergie helvète au chat domestique l’expression symptomatique de difficultés politiques et démographique du pays. « Les pratiques à l’égard des animaux résonnent toujours avec les politiques envers les humains » analyse l’historien Damien Baldin.
Chat-émissaire
Certains humains ne l’entendent pas de cette oreille. Heins Lienhard, président de la Protection suisse des animaux : « Les prédation naturelles ont un impact minimal. La première cause de ces espèces, c’est l’homme : la chimie dans l’agriculture, la diminution de l’espace naturel au profit du construit par exemple. » A cette aune, nos amis suisses viennent de créer une nouvelle espèce. Une monstruosité qui sent le soufre et attire les allumettes : le chat-émissaire.
A demain