Bonjour
25/10/14. « Communiquer » : cela devient un métier à temps plein dans les espaces onusiens. C’est tout particulièrement vrai sur les hauteurs ouatées de Genève – quartier général vitré de l’Organisation mondiale de la santé. Communiquer pour occuper le terrain, mobiliser les troupes, laisser entendre que le pire n’est pas certain, faire le silence sur ses erreurs majeures récentes, dire que ses chiffres (ceux des « cas » et ceux des « morts ») ne sont pas les bons, promettre que l’on fait le maximum, réclamer plus aux « bailleurs de fonds », saluer l’action « sur le terrain » des courageux salariés des ONG (en l’espèce, et pour l’essentiel MSF).
Virulence
Ebola exacerbe tout cela. Cette épidémie que l’OMS n’a pas vu venir (les réglements de comptes ont commencé en coulisses) met en lumière la mécanique bureaucratique de cette institution onusienne. De ce point de vue aussi, la dynamique épidémique joue un rôle de révélateur. Un révélateur à effet ultra-rapide – au diapason de la virulence de cet agent pathogène enfoui dans les brousses africaines. Ce que le sida avait laissé entrevoir au fil des années Ebola le cristallise en quelques semaines. Peut-être ne sommes-nous qu’au début d’une remise en cause radicale de la raison d’être même de l’OMS.
Prenons le cas des « vaccins » puisque Genève a décidé, aujourd’hui, de revenir sur ce chapitre. Que nous dit le quartier général ? Que des vaccins contre Ebola « seront testés, si possible en décembre, dans les trois principaux pays d’Afrique de l’Ouest touchés par l’épidémie ». L’annonce vient d’en être faite à la presse par le Dr Marie-Paule Kieny, directrice générale adjointe de l’Organisation. Ce n’est pas tout : si ces essais sont concluants « des centaines de milliers de doses de vaccins pourraient être envoyées en Afrique occidentale d’ici à la fin du premier semestre 2015 ». On dirait un conte pour petits enfants.
Complexité
On peut voir ici ce qu’en dit Science. Ici les échos rapportés par la BBC. Où encore l’analyse du Guardian (qui évoque la question controversée des essais contre placebo. Ici le traitement du New York Times . Ou encore la dépêche documentée de Reuters. Autant d’informations qui témoignent de la très grande complexité -technique et éthique- du sujet.
Il faut ajouter à ceci le fait (régulièrement rappelé par les épidémiologiques mais comme inudible) que la question du vaccin n’est pas la priorité du moment. Posons qu’un vaccin efficace, sans danger, offert par la communauté internationale et Big Pharma réunis (le rêve n’est pas interdit) soit disponible dans un an. Posons que soient réglées les questions majeures de l’intendance que suppose son administration (volontaire, imposée ?) – et que soient levés les obstacles que pourraient rencontrer les campagnes vaccinales. Quel sera, alors, le bilan de l’épidémie d’Ebola ?
Défaitisme
Il ne s’agit pas ici de tenir un discours qui pourrait être qualifié de défaitiste. Il s’agit simplement de souligner, tout simplement, les prorités. La première est de parvenir coûte que coûte à ralentir la circulation du virus dans les populations africaines touchées.
Une autre est de fournir au plus vite des standards de prise en charge des malades africains qui soient les plus proches possibles des prises en charge qui prévalent aux Etats-Unis et en Europe (où la quasi-totalité des malades peuvent être guéris).
Une troisième urgence serait que l’OMS résiste aux miroirs médiatiques et hiérarchise les priorités sanitaires. Et qu’elle parvienne ainsi non pas à effacer ses erreurs mais à réaffirmer son autorité, sa légitimité. Est-ce trop demander ?
A demain