Méningiome: 438 000 euros pour une fraise qui a « dérapé ». Le CHU refuse de payer.

Bonjour

Le traitement des aléas chirurgicaux par la presse quotidienne régionale révèle parfois des surprises. Ainsi ces quelques lignes pêchées dans la Nouvelle République du Centre Ouest – édition d’Indre-et-Loire (lignes curieusement signés « Agence locale de presse »).

Une affaire exemplaire des temps que nous vivons, à mi-chemin de la judiciarisation de la médecine et de l’asphyxie des budgets hospitaliers (en l’espèce celui du CHU de Tours) – une affaire qui commence à occuper quelques hauts magistrats du Conseil d’État. Une affaire entre le concept de la faute et celui de l’aléa. Condamner ou se lamenter.

Résumons l’affaire au plus court. Ce CHU avait été lourdement condamné après l’accident dont avait été victime Danielle Jardin, 62 ans en janvier 2009. Cette habitante du Loiret souffre d’un méningiome – « autrement dit d’une tumeur localisée au niveau de la tempe » dit le quotidien. « Un chirurgien l’opère. Il utilise une fraise pour déloger la tumeur. Mais, le praticien a dérapé ». C’est la formule retenue le 23 octobre par le rapporteur public lors de l’audience du Conseil d’État. Puis « l’outil a percé l’artère cérébrale moyenne ».

Hémiplégique

Un an d’hospitalisation, nous dit-on. La malade souffre aujourd’hui d’une hémiplégie gauche « accompagnée de la perte de sensations de ce côté ». Perte de l’usage d’un œil. Et, en parallèle, la course-poursuite devant la justice.

Mme Jardin a d’abord porté l’affaire devant le tribunal administratif d’Orléans. Nous sommes en mars 2012. Jugement de Salomon : cette juridiction considère que les lourdes séquelles sont la conséquence d’« un aléa chirurgical » mais condamne le CHU de Tours à verser à la patiente 344.000 €. L’Office national d’indemnisation des actes médicaux (Oniam) doit quant à lui verser une rente de 133 € par jour à la malade.

Peine aggravée

Cette dernière fait appel de cette décision. Cour administrative d’appel de Nantes, le 30 janvier. Aggravation de la peine. En aval de ceux d’Orléans les magistrats nantais estiment que l’intervention  « ne revêtait pas de difficultés particulières » et que le chirurgien a commis « une faute ». Le médecin a fait preuve « d’un défaut de maîtrise » de son outil : « la fraise ».

Dès lors le CHU de Tours est condamné à verser un peu plus de 438.000 € à Danielle Jardin, assortis d’une rente quotidienne de 141 €. Le même hôpital doit en outre verser 264.000 € à la Caisse primaire d’assurance-maladie et rembourser à l’Oniam la somme avancée pour dédommager la victime.

Compétence indéniable

La direction du CHU de Tours refuse et attaque l’arrêt de la cour d’appel de Nantes devant le Conseil d’État. Nous montons donc à Paris, place du Palais-Royal. A l’audience, Nicolas Polge, rapporteur public estime que l’arrêt de la cour d’appel présente « des motivations suffisantes ». Explications : si l’artère a été touchée par la fraise, c’est d’abord parce qu’elle a « ripé ». L’artère  présentait « un déplacement qui n’était pas une particularité anatomique de la patiente mais dû au développement du méningiome connu du chirurgien ». Pour Nicolas Polge, l’accident relève donc « d’un geste insuffisamment maîtrisé [du chirurgien] malgré une compétence indéniable ». Le rapporteur conclut que la demande du CHU de Tours doit être rejetée.

Le Conseil d’État rendra sa décision dans les semaines à venir. Dans la presse locale la direction du CHU fait état de difficultés budgétaires conséquentes. Le Conseil d’Etat n’en tiendra bien évidemment pas compte.

A demain.

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