Ebola : la France serait finalement parvenue à débloquer 20 millions d’euros pour la Guinée

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29/10/14. Le Pr Jean-François Delfraissy a été nommé le 17  octobre « coordinateur auprès du Premier ministre des actions de la France contre l’épidémie de fièvre Ebola ». Etrange libellé. On est en droit de se demander de quoi il retourne. Il l’explique cet après-midi dans Le Monde :

«Facilitateur»

« Ma mission est celle d’un facilitateur qui fait que les différentes structures au niveau des ministères, des préfets se connaissent mieux et aboutissent à des décisions cohérentes. J’aurai aussi un rôle à l’égard des médias, en plus de la communication des ministères, et de la responsabilité de créer davantage de lien avec la société civile. Nous avons besoin des ONG comme opérateurs et devons travailler ensemble très en amont, notamment sur l’acceptabilité par les populations locales des structures comme celles que nous mettons en place en Guinée. »

On pressent la complexité de la tâche. Et l’on s’interroge déjà sur ce qu’il nomme « un rôle à l’égard des médias ». Son entretien au Monde entre-t-il dans ce cadre ? Le Monde, précisément, dénonçait la veille les retards pris par la France dans les engagements qu’elle avait publiquement pris à l’égard de la Guinée (Cyril Bensimon, et Christophe Châtelot). Le quotidien du soir citait alors le Dr David Nabarro « coordinateur des Nations unies pour la lutte contre Ebola ». Il disait avoir besoin d’être rassuré sur l’engagement français.

Anciennes colonies

«  Je voulais être certain que la France est en première ligne en Guinée. Le ministre français des Affaires étrangères [Laurent Fabius] m’a assuré que oui » expliquait ce médecin britannique. Quelques jours auparavant, le Dr Nabarro s’était plaint de « n’avoir pas de partenaires en Guinée ». Une plainte aux frontières du langage diplomatique.

Tout pourtant semblait en harmonie : les Etats-Unis interviennent au Liberia et le Royaume-Uni en Sierra Leone (deux pays où Londres et Washington avaient respectivement établi des esclaves affranchis au XVIIIe  siècle) ; la France intervenait en Guinée, une de ses anciennes colonies.

Etats-Unis et Royaume-Uni

« Même s’ils sont encore loin d’avoir atteint leurs objectifs, les Etats-Unis ont déjà envoyé 130 experts civils et commencé à déployer les 3 000 GI promis, mi-septembre, par le président Obama pour former du personnel médical et construire une dizaine de centres de traitement anti-Ebola, rapportait Le Monde. De son côté, le Royaume-Uni a envoyé en Sierra Leone un navire militaire médicalisé et entamé le déploiement de 750 militaires pour y construire des unités de soin. »

Dans ce contexte, c’est un euphémique diplomatique que de dire que la mobilisation française pour la Guinée n’est pas comparable à ce qui se passe au Liberia et en Sierra Leone. Dans un entretien à Slate.fr  le Dr Mego Terzian, président de MSF France avait annoncé la prochaine création, en Guinée forestière, d’un centre de soins

Situation de guerre

« Nous sommes désormais clairement en situation de guerre et la situation évolue rapidement, comme le montrent les décisions prises par le président Barack Obama et l’engagement américain au Libéria ou celui de Cuba en Sierra Leone. Pour sa part, le gouvernement français va, avec la Croix Rouge, installer un premier centre de soins d’une capacité de 25 lits en Guinée forestière. Dans la région de Macenta ; C’est enfin un premier geste qui doit être salué, mais qui est à lui seul bien loin d’être suffisant. »

Un  communiqué conjoint de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et du ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, réaffirmait ensuite  «l’engagement de la France aux côtés de l’OMS et des Etats africains pour combattre l’épidémie d’Ebola, notamment en renforçant les moyens matériels et humains déjà mis à disposition ou en cours d’acheminement (personnels de santé, équipements, prise en charge de centres de traitement…)».

140 millions d’euros

C’est ensuite François Hollande qui, le 18 septembre, lors d’une conférence de presse revenait sur le sujet.  Extraits du texte officiel du propos liminaire du président de la République:

«  Cette épidémie frappe des populations vulnérables. Il y a des pays, trois notamment, qui sont désormais coupés et isolés. Ils ne peuvent plus avoir le moindre contact avec l’extérieur. L’Organisation mondiale de la santé fait bien son travail. Médecins sans frontières remplit une tâche remarquable. (…) L’Europe a dégagé 140 millions d’euros, c’est bien. La France y a également contribué. Les Etats-Unis sont intervenus massivement au Libéria en envoyant 3000 personnes.

La France donc va également agir. Pas seulement par une aide financière – c’est déjà fait à la Guinée l’un des pays les plus concernés. Médecins sans frontières a déjà déployé des unités de soins. Je viens donc de décider d’installer, dans les jours qui viennent, un hôpital militaire en Guinée forestière, là où se situe le foyer principal de l’épidémie. Je demande au ministre de la Défense de coordonner cette action et d’associer les médecins militaires et la protection civile avec des moyens aériens, parce qu’ils sont indispensables. Là encore, il s’agit de sauver des vies et de protéger les nôtres.»

Rumeurs

Puis le temps passa et des rumeurs commencèrent à circuler : on ne trouvait ni les fonds ni les volontaires. La question du rapatriement des soignants qui pourraient être contaminés posait également une grosse difficulté.  Difficulté compliquée du fait des engagements militaires français dans le Sahel et en Centrafrique. Le Monde cite aujourd’hui un fonctionnaire français traitant du dossier qui décrit  « des réunions  interministérielles kafkaïennes au Quai d’Orsay, où le représentant du ministère de la défense fait comprendre qu’il ne veut pas se mouiller dans cette affaire ».

Le centre de Macenta devait ouvrir ses portes fin octobre. Ce ne sera pas le cas avant «  la mi-novembre, au plus tôt », selon une note interne de la task force interministérielle Ebola évoquée par le quotidien du soir. Beaucoup est encore à régler qu’il s’agisse de logistique (rénovation de l’aéroport de Macenta, approvisionnement…) et de de formation du personnel médical nécessaire – 125 personnels locaux plus 30 expatriés.

Artifices comptables

« A Macenta comme dans le reste de la Guinée, la France dissimule la modestie de son intervention derrière des artifices comptables, accusait Le Monde au terme d’une enquête. Le site du quai d’Orsay affirmait ainsi qu’au 1er  octobre, l’aide de la France –  » qui se concentre, à la demande de la communauté internationale, sur la Guinée  » – atteignait  » plus de 70  millions d’euros « Le Financial Tracking Service aboutit à un chiffrage radicalement différent. Selon ce service du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) qui trace le montant des aides, la France n’aurait déboursé auprès du gouvernement de Guinée et des différents acteurs humanitaires qu’environ 8  millions de dollars (6,3  millions d’euros) au 24  octobre, contre 312  millions de dollars pour les Etats-Unis et 44  millions pour le Royaume-Uni. De plus,  » le flou règne sur l’origine des fonds « , note l’ONG Oxfam. »

L’attaque était rude. Le « coordinateur auprès du Premier ministre des actions de la France contre l’épidémie de fièvre Ebola » est aussi en charge des médias. Il  répond dès le lendemain, là même où le coup a été porté :

La semaine prochaine

« Le président de la République m’a affirmé avec force l’engagement de la France au Sud. Il y a eu quelques difficultés à amorcer le processus, mais les sommes annoncées seront bien au rendez-vous à la fin 2014. Les 20  millions annoncés par la présidence seront disponibles dès la semaine prochaine et iront presque entièrement à des programmes au Sud. Les ministères auront une dernière conférence budgétaire d’ici à la fin de l’année et des directives ont été données à Bercy de prévoir une enveloppe Ebola. »

Pour le reste, le « coordinateur auprès du Premier ministre » observe que seuls trois pays sont réactifs : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Il regrette aussi l’absence de mobilisation européenne. Heureusement, dit-il,  Bruxelles vient de nommer un « M. Ebola ». Personne ne connaît encore son véritable nom.

A demain

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