Bonjour
Bientôt on ne parlera plus de l’affaire. Il faudra alors se plonger dans les archives pour imaginer comment, à Paris et en France, le racisme pouvait, sous terre, redevenir ordinaire. Ces archives, les voici. Pour mémoire. D’abord celle de la BBC et puis, en abyme, celle du Parisien/Aujourd’hui en France.
Opéra et Figaro
C’est l’histoire de la bousculade de Souleymane S. Souleymane est né à Paris il y a 33 ans. Il a grandi dans une ville du Val-d’Oise, où il réside toujours. Il est marié et a trois enfants. Franco-Mauritanien, il travaille comme chef d’exploitation dans une entreprise située non lien de la station de métro Richelieu-Drouot. Nous sommes là dans les beaux quartiers de Paris. Pas très loin de l’Opéra et du siège du Figaro.
Il y a quelques jours on a parlé de Souleymane S. Le Parisien/Aujourd’hui en France l’a retrouvé « vêtu d’un manteau noir, veste et cravate noir et blanc ». Il « rentrait chez lui après sa journée de travail ». Il « n’était pas au courant de l’ampleur prise par l’histoire dont il a été le héros involontaire la veille dans cette même station de métro ». Il « n’avait pas encore visionné la vidéo qui a fait le tour du Web ».
Voici cette vidéo, filmée à Richelieu-Drouot par un citoyen britannique et diffusée initialement par The Guardian.
Racistes assumés
« J’ai voulu entrer dans le wagon mais un groupe de supporteurs anglais me bloquait et me repoussait, confirme Souleymane S. au Parisien/Aujourd’hui en France. J’ai essayé de forcer le passage, j’ai une nouvelle fois tenté de rentrer. Dans la bousculade, j’ai perdu mon téléphone. Ils me disaient des trucs en anglais mais je ne comprenais pas vraiment. Je ne parle pas un mot d’anglais. J’ai compris qu’il s’agissait de supporteurs de Chelsea et j’ai fait le lien avec le match du PSG. »
« On est raciste, on est raciste » chantait la petite horde à la station Richelieu-Drouot. Des supporteurs du club de Chelsea qui allait jouer contre le Paris Saint-Germain.
Et puis l’aveu de Souleymane S. : « Oui, j’étais visé à cause de la couleur de leur peau mais vous savez en France les Noirs ont toujours été visé à cause de la couleur de leur peau, quelle que soit leur origine. » Il dira aussi qu’il a appris à vivre avec le racisme, qu’il n’était pas vraiment surpris de ce qui lui arrivait. Mais que quand même, c’était, pour lui, une première dans le métro.
Match nul
La rame est restée à quai de six à sept minutes. Des agents de la RATP sont venus. Puis la rame est partie. Souleymane S. a attendu la suivante. Aucun supporter de Chelsea cette fois. Souleymane S. est rentré chez lui. Il n’a parlé à personne de l’incident, ni à sa femme ni à ses enfants. « Vous êtes la première personne à qui j’en parle dit-il au Parisien/Aujourd’hui en France qui l’a retrouvé. Et puis, que dire à mes enfants ? Que papa s’est fait bousculer dans le métro parce qu’il est noir ? Cela ne sert à rien. »
Sans la vidéo d’un citoyen britannique présent à Richelieu-Drouot (et sans l’enquête du Parisien) nous ne saurions rien de tout cela. Il est vraisemblable que la RATP n’aurait jamais parlé de l’incident à la presse. Un Noir bousculé à Richelieu-Drouot parce qu’il est noir ? Dans les heures qui suivirent les bousculeurs étaient au stade et Souleymane S. dans le Val d’Oise. Le 17 février Chelsea FC a fait match nul (1-1) contre le Paris Saint-Germain.
A demain