Bonjour
Nous résumerons aujourd’hui la situation schizophrénique de la cigarette électronique dans l’usine à gaz tabagique française de la santé publique. Résumé en sept points.
1 Le tabac tue prématurément (par cancer notamment) plus de 70 000 personnes en France. « C’est la première cause de mortalité prématurée évitable » aiment à dire les ministres de la Santé.
2 La consommation de tabac est à la fois une addiction majeure et une source de recettes fiscales.
3 Une structure publique est en charge de l’éducation à la prévention et à l’éducation pour la santé. C’est l’Inpes. Environ 140 personnes, chargé de mettre en œuvre les moyens de prévention et d’éducation décidés par le gouvernement français dans le cadre de sa politique de santé publique. L’Inpes est placé sous la tutelle étroite du ministère de la Santé. Depuis la loi du 9 août2004 (relative à la politique de santé publique) l’Inpes peut intervenir dans la gestion de situations d’urgences sanitaires et participer à la formation à l’éducation pour la santé.
La même loi prévoit cinq plans nationaux dont l’Inpes est responsable. Trois d’entre eux concernent, directement ou pas, la lutte contre le tabac : la lutte contre le cancer ; la lutte pour limiter l’impact sur la santé des comportements à risque et des conduites addictives ; la lutte pour limiter l’impact sur la santé des facteurs d’environnement.
4 Or il faut savoir que l’Inpes ne lutte pas directement contre le fléau du tabac. Il délègue. Nous avons vu il y a quelques jours les conséquences de cette délégation : la mort de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) à qui l’Inpes avait préféré une société privée pour monter au front anti-tabac : Direct Medica « l’expert de la relation client dans la santé » dit la publicité. Une dynamique société commerciale en prise directe avec l’industrie pharmaceutique. Extrait :
« Un service de télévente pour un ROI inégalé. La vente directe, un dispositif d’excellence au service de la stratégie commerciale des laboratoires. Qu’il s’agisse de
- la création du canal vente directe,
- la définition de la stratégie commerciale,
- la défense de produits switchés au comptoir,
- l’augmentation de la DN d’une spécialité,
- l’optimisation du panier moyen de commande ou du CA réalisé,
- l’acquisition de nouveaux clients ».
C’est donc Direct Medica qui, depuis juillet 2012, est en charge de « Tabac Info Service ». Une affaire complexe dont-il reste à démêler les fils, une directrice de Direct Pharma étant l’ancienne trésorière de l’OFT… .
5 Tabac Info Service , donc. « Quand on sait c’est plus facile d’arrêter dit la publicité. Certes, mais quand on sait quoi ? Faire le 3989 (appel taxé). Vous demandez, aussi naïvement que possible, ce qu’il en est de la cigarette électronique. On vous répond, avec une exquise politesse que les réponses se font sous le contrôle du ministère de la Santé et que « rien ne peut être communiqué sur le sujet ». On insiste. En vain. On peut toutefois glaner que les questions sur le sujet sont évidemment très nombreuses mais que cela ne change rien à l’affaire. Voilà.
6 On se tourne vers l’Inpes. On pose deux questions. On attend deux semaines. Puis la réponse : Direct Medica travaille selon les directives de l’Inpes qui lui-même tire ses directives du ministère de la Santé et de la Haute Autorité de Santé (HAS). Or les recommandations de la HAS en matière de sevrage tabagique sont claires et récentes (novembre 2014). Extrait :
« Place des cigarettes électroniques.
Ces dispositifs ne sont pas indiqués actuellement dans le sevrage tabagique. En 2013, en France, aucun type de cigarette électronique ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les cigarettes électroniques ne peuvent pas être vendues en pharmacie car elles ne figurent pas sur la liste des produits dont la délivrance y est autorisée. Du fait de leur statut actuel de produit de consommation, les cigarettes électroniques échappent à la réglementation sur les médicaments et aux contrôles applicables aux produits du tabac. »
Et la HAS de souligner que l’Agence nationale de sécurité des médicaments (Ansm) « recommande de ne pas consommer ce type de produit »- détail : cette recommandation date de mai 2011 et la e-cig n’est pas un médicament.
Précision de la HAS : « Ce chapitre peut être amené à être mis à jour en fonction de la réglementation et des études disponibles ». On attend la mise à jour.
7 Pour finir. On fait remarquer à l’Inpes que la situation évolue. Que c’est l’Inpes qui le dit. Que sa dernière enquête (qualifiée de « Baromètre ») confirme la place croissante du vapotage dans la société française. Que12 millions de personnes l’ont essayée (presque six fumeurs sur dix) et que 3 millions de personnes vapotent dont plus de la moitié quotidionnement.
On fait encore remarquer à l’Inpes que c’est l’Inpes lui-même qui dit que pour la grande majorité des vapoteurs (82 %), le cigarette électronique peut aider à arrêter de fumer, que sur l’ensemble des vapoteurs, 15 % ont arrêté le tabac, au moins temporairement, soit 0,9 % de l’ensemble des 15-75 ans.
Rien n’y fera. Pas même le fait que l’on vient de lire (dans Le Monde) que c’est François Bourdillon, le directeur général de l’Inpes qui a déclaré à ce sujet : « Cela peut paraître faible mais cela représente 400 000 personnes, ce qui n’est pas rien. » Rien n’y fera. Même si ces chiffres n’intègrent pas ceux qui ont arrêté de fumer et de vapoter – et que le Pr Bertrand Dautzenberg, président de feu l’Office français de prévention du tabagisme (voir plus haut), estime qu’ils sont environ 200 000.
Le temps tourne. On ne dira pas qu’il se murmurerait même que l’entourage de la ministre de la Santé aurait entendu Marisol Touraine elle-même dire que, finalement, tout serait bon pour arrêter de fumer, « y compris la cigarette électronique ».
Et c’est ainsi que l’on peut, à la fin du mois de février 2015, résumer la situation schizophrénique de la cigarette électronique dans l’usine à gaz française de la santé publique. Merci à tous.
A demain
A reblogué ceci sur Den'iceet a ajouté:
Quand la « magouille » liée à Tabac Info Service est à nouveau dévoilée…
L’on comprend toujours mieux pourquoi nos vaporisateurs personnels ne sont pas recommandables…
Bonjour,
une question bête en réaction à cette citation « En 2013, en France, aucun type de cigarette électronique ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) »
Les cigarettes possèdent-elles une AMM? Et que disent (ou ne disent pas) sur la cigarette les agences de sécurité sanitaires responsables de vérifier l’innocuité des produits de grande consommation?