Bonjour
Longue dépêche, documentée, de l’AFP. Sujet d’actualité, sujet de santé publique, sujet plus que jamais politique. « Les salariés adeptes de la cigarette électronique peuvent actuellement vapoter au travail en toute impunité, sauf interdiction expresse dans le règlement intérieur de l’entreprise: une situation juridique restée longtemps floue et méconnue, qui devrait changer sous peu » nous prévient l’Agence. Voyons de quoi il retourne
On se souvient que Marisol Touraine avait, en septembre dernier, annoncé un plan de lutte contre le tabagisme prévoyant notamment d’interdire l’usage de la cigarette électronique dans les espaces clos collectifs de travail. On se souvient aussi qu’après quelques atermoiements il avait été décidé que cela se ferait par le biais non pas du « projet de loi de santé » mais via un amendement à ce projet (toujours annoncé en avril prochain au Parlement).
Appui branlant
Dans l’entourage de la ministère de la Santé on précise que cet amendement «sera présenté dans le cadre de l’examen du projet de loi en séance publique et s’appuiera sur l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 17 octobre 2013» (1). Un appui assez branlant. Voilà ce que nous disent les magistrats du Palais-Royal :
« Le Conseil d’État considère qu’il est loisible au législateur d’apporter des restrictions à la liberté de « vapoter » sans que toutefois, en l’état des données scientifiques disponibles, cette interdiction ne puisse être aussi générale que celle qui s’applique à la cigarette traditionnelle ». Le même Conseil d’Etat fait observer au Premier ministre que son avis « est rendu dans un contexte incertain quant à l’évaluation scientifique des effets de la cigarette électronique ». Et que cet avis « tire les conséquences juridiques de cette incertitude et s’accompagne de la recommandation de poursuivre les évaluations relatives à ce produit en maintenant une vigilance constante et de veiller à la qualité des produits mis sur le marché en exerçant une surveillance et des contrôles rigoureux ».
Gouvernement en difficulté
Où l’on voit que le sujet est éminemment politique. Où l’on voit aussi que les magistrats du Conseil d’Etat disent le droit après s’être pleinement documenté sur le sujet.
Il faut aussi tenir compte d’un arrêt du 26 novembre 2014 de la Cour de cassation. Arrêt dont on peut prendre connaissance ici. Extraits d’un arrêt contraire à la volonté de la ministre de la Santé :
« (…) Attendu qu’il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que, le 13 avril 2013, Mme X… a été verbalisée pour infraction à une interdiction de fumer, alors qu’elle faisait usage d’une cigarette électronique dans l’enceinte de la gare SNCF de Neuilly-Porte Maillot ;
Attendu que, pour relaxer la prévenue des fins de la poursuite, le jugement retient que les textes de répression sont d’interprétation stricte et que l’interdiction de fumer, a été prévue alors que la cigarette électronique n’était pas encore utilisée ; que celle-ci ne saurait être assimilée à une cigarette traditionnelle et que le liquide, mélangé à l’air, est diffusé sous forme de vapeur ; qu’en conséquence les textes visés par la poursuite ne sont pas applicables, à I’espèce ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, le juge de proximité a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que le jugement est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi (…) »
Pas d’assimilation avec le tabac
En clair l’interdiction de fumer dans les lieux publics (et par extension au travail) ne s’applique pas à la cigarette électronique, car celle-ci «ne saurait être assimilée à une cigarette traditionnelle».
Dès lors où en est-on de cette question ? Pour le juriste Sylvain Niel, «il faut soit une disposition législative», «soit, comme l’ont fait la RATP, Air France, etc. prendre des mesures réglementaires». L’AFP a interrogé PSA, La Poste et Renault : tous ont déjà pris des mesures. C’est également le cas de …. la Seita (Imperial Tobacco). Mais «pour la paix sociale, une loi facilitera les choses», estime Me Eric Rocheblave, avocat en droit social car ce ne sera plus à l’employeur de prendre la responsabilité.
Enfumage volontaire
«Nous sommes très prudents en attendant les annonces, explique Maria Cardenas, directrice de l’association Droit des non fumeurs (DNF). Nous demandons que la législation soit très claire pour interdire le vapotage qui équivaut à fumer car ça rappelle l’acte de fumer, ça dégage de la fumée, etc.».Mme Cardenas confond ici, volontairement ou pas, la vapeur d’eau et la fumée de tabac. Equivaloir n’est pas rappeler. Sinon cela se saurait.
Pour le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière «la pire des choses, ce serait que la règle ne soit pas extrêmement claire». «Le plus simple, le plus compréhensible, c’est d’interdire partout où on interdit de fumer», dit-il à l’Agence France Presse. Il n’est pas certain que ce soit le plus simple. Ni le plus compréhensible. Pourquoi ne pas parier sur l’intelligence des vapoteurs, des fumeurs et de celles et ceux qui ne sont ni les uns, ni les autres ?
La loi ou la charte
Ecoutons la fédération des professionnels de la cigarette électronique (Fivape) : puisque la vape n’est pas du tabac il ne faut pas de réglementation calquée sur celle du tabac». Que répondre ? Ecoutons Rémi Parola, porte-parole de cette fédération. Il met en avant la santé publique: le tabac étant la première cause de décès évitable en France (73.000 morts prématurées par an), il ne faut pas «renvoyer les vapoteurs avec les fumeurs». Il n’y a «pas de preuve de vapotage passif», dit-il – même s’il y a «une question de courtoisie», l’odeur ou le geste pouvant déranger.
Question aux élus du peuple : la courtoisie est-elle, en France, du ressort de la loi ? Pourquoi ne pas songer à une forme de charte, citoyenne, de bonne conduite ? On murmure déjà qu’une telle charte du vapoteur en entreprise pourrait, très bientôt, voir le jour.
A demain
(1) On trouvera ici le long et très précieux document du Conseil d’Etat sur la cigarette électronique. Extrait:
« En France, le statut juridique de la cigarette électronique est en cours de définition. Actuellement, la cigarette électronique est susceptible de recevoir une double définition :
– soit elle est considérée comme un médicament au sens de l’article L. 5121-5 du code de la santé publique qui dispose que « sont considérés comme médicaments les produits présentés comme supprimant l’envie de fumer ou réduisant l’accoutumance au tabac ». L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) précise que ces produits doivent revendiquer une capacité d’aide au sevrage tabagique et contenir plus de 10 mg de nicotine avec une concentration supérieure ou égale à 20 mg/ml pour être regardés comme des médicaments et faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.
– soit, si elle ne répond pas à cette définition, elle est considérée comme un produit de consommation courante qui doit répondre aux obligations générales de sécurité des produits et aux normes particulières applicables aux substances qui le composent. Ainsi, lorsque les recharges contiennent 0,1 % de nicotine, substance considérée comme dangereuse par le règlement européen n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, elles doivent respecter les règles d’étiquetage. Elles doivent également respecter les normes applicables à la compatibilité électromagnétique des appareils électriques. »
A reblogué ceci sur Den'iceet a ajouté:
Bonjour,
Il est urgent d’interdire, voilà bien la politique à la Française…