Bonjour
Encore un rêve passé, une couleuvre avalée. Les frondeurs n’étaient pas ceux qu’ils disaient être. A gauche l’extrême, même relative, s’essouffle vite. Corollaire: la fameuse car symbolique première-salle-de-shoot-de-la capitale n’en sera finalement pas une. L’information a été donnée par Le Monde (François Béguin) avant d’être confirmé par l’AFP puis reprise par France Culture qui a oublié de citer son confrère. Tout se perd, même les sources.
Enfants et toxicomanes
Marisol Touraine avait commencé à en parler il y a trois ans. C’était comme fait. « Salles de shoot : rien ne va plus la balle est à gauche ». Puis le Conseil de Paris devait autoriser le dépôt d’une demande de permis de construire au 39, boulevard de la Chapelle sur un terrain appartenant à la SNCF et situé proche des voies derrière la gare du Nord. C’est alors l’association Parents contre la drogue qui annonçait alors la couleur : elle allait déposer des recours devant le Conseil d’État et le juge judiciaire. «Il existe une loi qui interdit l’usage de stupéfiants en France. Au nom de quoi le permet-on dans le Xe arrondissement? s’insurgeait dans Le Figaro Serge Lebigot président de cette association de protection contre la toxicomanie très proche de l’hebdomadaire Valeurs actuelles. On va attirer les dealers, créer une zone de non-droit et au final légaliser la drogue! ».
En octobre 2013 Rémi Féraud, maire (PS) du 10ème arrondissement de Paris annonçait que « la première salle de consommation de drogue à moindre risque située 39 boulevard de la Chapelle ouvrirait en novembre prochain ». Un terrain mis à la disposition par la SNCF.
Puis il y eut de nouveaux délais, des recours devant la juridiction administrative, une décision du Conseil d’Etat et finalement le besoin de passer par la loi. Vote en première lecture à l’Assemblée nationale pimenté de vifs et passionnants débats. Quatre ans plus tard l’expérimentation allait enfin pouvoir commencer. Sans doute dans un an. Avant la fin du premier quinquennat.
Patatras, voici que tout vient de s’éloigner à nouveau. Le projet va être déplacé du boulevard de la Chapelle, pour l’hôpital, voisin de Lariboisière (ancien « Hôpital du Nord »). C’est à nouveau Rémi ferraud(toujours maire du 10ème arrondissement) qui vient de parler sur le sujet. Ce qui était prévu ne l’est plus. L’ancienne implantation prévue, hier parfaite, est aujourd’hui « abandonnée » pour « des problèmes d’enclavement et de difficultés d’accès ». Sans oublier un campement de migrants situé à proximité qui créait un « environnement urbain trop dégradé ». Loin de sa mairie et de ses ministères Paris devient vite une jungle.
« Le projet sera adossé à l’hôpital » indiqué Bernard Jomier, adjoint à la mairie de Paris chargé des questions de santé. Avec cette précision sémiologique : « l’accès ne se fera pas par la porte principale, mais par le côté ». a La nouvelle implantation choisie « indique clairement que c’est une problématique de santé publique ». Il faut « banaliser le dispositif » afin d’en « élargir l’adhésion politique ». Beau comme de l’antique.
En clair, et au-delà de la finesse dialectique cette salle de shoot n’en sera pas une. Lors de l’enquête que nous avons menée pour Slate.fr (« Les coulisses politiques des sales de shoot ») les partisans de cette avancée thérapeutique de santé publique que nous avons rencontrés étaient unanimes pour dire que ces espaces n’avaient de sens que hors de l’hôpital. Leur justification, leur raison d’être est de proposer un premier accompagnement hors des murs de l’institution, une main tendue là où l’hôpital n’est par définition pas. De ce point de vue il n’y a pas deux cents mètres entre les rails du 39 bd de La Chapelle et le pignon classé de Lariboisière. Il y a très exactement la distance, considérable, entre l’espoir et le renoncement.
A demain