Bonjour
Le spectacle, bien sûr. Le spectacle, jusqu’où ? Le Dr Véronique Fournier est une personnalité connue dans le monde de l’éthique médicale. Directrice du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin (Paris). Elle vient, fort opportunément, de publier aux éditions La Découverte un ouvrage intitulé « Puisqu’il faut bien mourir » -un ouvrage intéressant sur lequel nous reviendrons.
A ce titre elle est fréquemment interrogée dans les médias – tout particulièrement sur les tenants et les aboutissants de l’affaire Vincent Lambert. Elle l’était il y a quelques jours, longuement, dans Libération (Eric Favereau, Cécile Daumas) Elle l’est aujourd’hui dans Le Journal du Dimanche (Anne-Laure Barret).
« Et maintenant? » lui demande-t-on :
« – Il faut que l’équipe médicale qui a le patient en charge reprenne la réflexion pour confirmer ou non sa décision d’il y a un an. Le médecin qui dirige l’équipe a changé, d’autres soignants aussi peut-être, et le patient a pu évoluer depuis un an. Il faut que chacun, posément, puisse dire ce qu’il pense et comment il se voit participer à accompagner Vincent Lambert à mourir. Si certains le souhaitent, pour être tout à fait convaincus, il faudra savoir faire un examen, une ultime IRM, par exemple. Tout cela ne devrait pas prendre plus de quelques jours. Mais il faut respecter ce temps si l’on veut que les choses se passent bien. La décision de le faire ou non ne peut se prendre qu’au lit du patient et par ceux qui vont l’assumer. »
« Concrètement ? »
« – Un décès après arrêt de l’alimentation et de l’hydratation peut prendre plusieurs jours. Dans ce genre de cas tragique, il faut de la sérénité pour l’équipe soignante et les proches. J’ai du mal à penser que cela puisse être le cas en plein conflit familial. Faudra-t-il interdire aux parents de rentrer dans la chambre? Rachel Lambert pourra-t-elle accompagner son mari sereinement? Les infirmières et les aides-soignantes ne seront-elles pas harcelées? Je crains que cette fin de vie sous les feux de la rampe soit extrêmement douloureuse pour tout le monde. »
Plus de trente jours
La durée de la vie après l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation ? Vincent Lambert, en mai 2013, a déjà répondu : plus de trente jours. Personne, alors, ne s’intéressait à son cas. Mais aujourd’hui, avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ? Le spectacle est lancé, rien ne pourra l’arrêter. Nous avons vu BFMTV et ses concurrentes envahir l’enceinte du Conseil d’Etat. C’était en février 2014. Qui interdira aux chaînes-d’information-en-continu d’entrer dans celle du CHU de Reims ? (1)
Le Dr Véronique Fournier parle quant à elle de « l’extrême douleur » de cette « fin de vie sous les feux de la rampe ». C’est une métaphore désuète qui n’est pas sans vertu. Elle brille aujourd’hui de mille feux, cette rampe. La scène ne pouvait qu’être illuminée. Tout y poussait, les acteurs, la tragédie, la pédagogie. Chacun avait les meilleures raisons du monde d’apporter ses lumières.
Et maintenant ? Mort annoncée … programmée… mieux : jugée… de faim… de soif… avec sédatif …sans médicaments…des cris…des hurlements… Les images, jusqu’où ? Maintenant que l’audience est là, va-t-on éteindre les lampes de la rampe ? Avant l’agonie ? Y-a-t-il encore une petite place pour l’obscurité, pour la décence ?
A demain
(1) Dans cette affaire quelques questions demeurent étrangement sans réponse. Quelles sont, sur le fond, les raisons qui font que Vincent Lambert demeure hospitalisé au CHU de Reims ? Pourquoi interdire son transfert dans une unité hospitalière dont l’équipe a déjà fait savoir qu’elle acceptait sa prise en charge ? Comment a-t-on pu accepter de laisser ce malade pris en charge, durant deux ans, par une équipe soignante qui avait collégialement décidé que l’heure était venue de ne plus le laisser vivre ?