Bonjour
A quoi sert au juste le CSA, ce « gendarme de l’audiovisuel » ? C’est une question qu’habituellement on ne se pose guère. Qui, d’ailleurs, sait en France ce qu’est le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ? Et, d’ailleurs, qu’est-ce que l’audiovisuel au temps du numérique ? Le CSA fait songer à l’ORTF. On l’imagine en noir et blanc, faisant la part du grain et de l’ivraie. Les antiques ciseaux, jamais rouillés, de la censure. Mieux, ceux de l’autocensure, de la peur du gendarme. C’est le carré blanc pour les petits enfants à l’époque de l’i-phone.
Mimiques
On se souvient de la vidéo du visage de Vincent Lambert – et des émois qu’elle suscita. Ce qu’on voulut lui faire dire et qu’elle ne disait pas. Pour beaucoup ce fut la découverte d’une réalité : les personnes en état végétatif chronique ne sont pas des corps rivés à des machines. Cela ne change rien à leur degré de conscience mais cela n’en fait nullement des morts-vivants. Ils ont des yeux ouverts, des cycles veille-sommeil et comme des mimiques qui n’en sont pas mais que l’on se plait à interpréter. Dans un sens ou dans un autre. Ce sont d’ailleurs ces mimiques, ces comportements réflexes qui furent interprétés comme « des refus de soins » – interprétation qui conduisit à la décision d’un processus de fin de vie – le début de la tragédie que l’on suit.
La diffusion de cette courte vidéo, sur les réseaux sociaux souleva la question de son exploitation par les chaînes de télévision. Conférences de rédaction… interrogations sur la concurrence… appels des directions… consultations des services juridiques… l’impasse… le floutage… l’intégral … Chaque chaîne fit comme elle put, comme elle crut devoir faire, se contredisant parfois à quelques heures de distance.
Intimité
Aujourd’hui 18 juin le CSA agit. Huit jours plus tard. Il vient de faire savoir qu’il a « mis en garde » BFM TV, LCI, M6 et TF1. « La diffusion de ces images de M. Vincent Lambert sans consentement préalable et sans floutage constitu(e) une atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son image » fait valoir, dans sa sagesse désuète le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce n’est pas tout : le CSA a également adressé un « courrier » à Canal+, France 2, France 3 et i-Télé – qui ont, eux, flouté le visage de Vincent Lambert. Le gendarme leur rappelle « que la diffusion de telles images sans consentement préalable était de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Le gendarme de l’audiovisuel avait été saisi le 10 juin. Par qui ? On rappellera, ici, que ce sont des proches du malade, réunis en « comité de soutien » qui sont à l’origine de cette initiative. On y voit le malade sur son lit d’hôpital, les yeux mi-clos ; une main plaque à son oreille un téléphone portable qui diffuse la voix de sa mère venant d’apprendre la décision de la CEDH le concernant. Un autre plan serré montre son demi-frère David en train de lui parler, penché à quelques centimètres de son visage alors que le patient cligne des yeux et semble du regard. « Cette vidéo piétine sa dignité et son droit à l’image, c’est de la manipulation intellectuelle en jouant sur l’émotion », avait alors réagi le Dr Éric Kariger, l’ancien médecin de Vincent Lambert.
Excuses
Et maintenant ? La « mise en garde » est le premier niveau d’avertissement du CSA avant la « mise en demeure ». En cas de récidive, après une « mise en demeure », le CSA peut décider (dans de très rares cas) de « sanctions », comme la suppression d’une tranche de publicité, la lecture d’un « communiqué d’excuses » lors d’un journal télévisé. Voire une amende. Les plus âgés songent immanquablement, ici, à un sketch de Coluche concernant les sanctions pouvant frapper les policiers et la maréchaussée.
Qui contrôle le CSA ?
A demain