GPA : «Qui est donc le papa ? Nous attendons le verdict de la génétique, monsieur le juge»

Bonjour

Les hauts magistrats ne voient la vie que via la loi. Et quand elle n’existe pas ils l’inventent. Cela s’appelle la jurisprudence.

Quand on ne sait plus comment régler les litiges on s’aventure vers les plus hautes des juridictions. Entendre le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. On a récemment vu le premier trancher entre la vie et la mort (affaire Vincent Lambert). On va voir la seconde dire ce qu’il en est des conséquences, en France, des maternités étrangères qui n’en sont pas véritablement (des gestations pour autrui). Le rendez-vous vient d’être pris : la Cour de cassation a mis sa décision en délibéré au 3  juillet.

BFM-TV

L’affaire Vincent Lambert est une tragédie véritable et les hauts magistrats du Conseil d’Etat l’avaient bien mesuré qui avaient su mettre en scène leur sujet devant BFM-TV. La Cour de Cassation voisine saura-t-elle faire de même ? Nous sommes là dans des premières inversées. Le jugement du Conseil d’Etat (l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation de Vincent Lambert) avait été validé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ici la Cour de cassation est amenée après la condamnation de la France par la CEDH. C’était il y a un an : le 26  juin  2014. Ce n’est pas, cette fois une question de vie ou de mort. C’est une question des suites administratives à donner après des naissances résultant de pratiques et de contrats solennellement interdits en France – au nom des droits de l’homme.

Jusqu’à présent, donc, les personnes ayant eu recours à une GPA à l’étranger n’obtenaient pas devant la Cour la de cassation transcription à l’état civil français de l’acte de naissance de l’enfant né de la mère porteuse. La Cour jugeait en logique : la GPA étant interdite en France (interdiction explicitement confirmée par la loi bioéthique de 1994) la transcription d’un tel acte, pourtant prévue par le code civil, était « l’aboutissement d’un processus frauduleux qui ne pouvait produire aucun effet ». L’enfant, pour autant, n’est pas apatride : sont état civil est établi à l’étranger, dans le pays où il est né. Et il pourra, s’il le souhaite, obtenir la nationalité française à sa majorité.

La Croix

Le paysage était clair jusqu’à une circulaire devenue célèbre : celle datée du 25  janvier  2013 dite « circulaire Taubira » dans laquelle le ministère de la justice invite les procureurs à délivrer un certificat de nationalité française à des enfants nés de GPA. Du moins « dès lors que le lien de filiation avec un Français résultait d’un acte d’état civil étranger probant ». Première entaille. Puis la seconde, venue de la CEDH. Dans  deux arrêts du 26  juin  2014, elle a estimé que l’absence d’inscription à l’état civil français d’enfants nés de GPA à l’étranger  « portait une atteinte excessive à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à la protection de sa vie privée dont l’identité est l’un des éléments ». Condamnation de la France. Et déclarations au canon du Premier ministre qui assure, dans La Croix, que la GPA demeurera à jamais dans l’Hexagone. Manuel Valls :

«  Il faut rappeler la responsabilité de tous les États dans la lutte contre la commercialisation des êtres humains. La France entend promouvoir une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent. À la demande du président de la République, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, prendra dans les semaines qui viennent des initiatives pour trouver le cadre approprié. C’est une action de long terme. »

Hier 19 juin 2015 c’était au tour de la Cour de cassation d’entrer en scène… On oublie les engagements du Premier ministre français… On réduit la focale…. On explique que la France « va devoir dessiner une nouvelle jurisprudence…. valable pour l’ensemble du territoire… en cohérence avec les arrêts européens. » Pour simplifier les militants font observer  que le tribunal de grande instance de Nantes a déjà pris le pli. Le 13  mai cette juridiction compétente ordonnait d’inscrire à l’état civil français les actes de naissance de trois enfants nés par GPA à l’étranger en Ukraine, en Inde et aux Etats-Unis… Mais le parquet a fait appel…

Le Monde

Au-delà de tout cela l’affaire est d’importance : le droit français est-il ou pas le cheval de Troie qui permettra la reconnaissance de facto des aux mères porteuses, interdites en France ? « En réalité, le débat est plus complexe et, vendredi, il a opposé le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, aux avocats des parents et à celui du défenseur des droits. Leur interprétation des arrêts de la CEDH diverge considérablement, résume Le Monde (Julia Pascual). Dans une position qu’il avait déjà fait connaître, le procureur général a préconisé vendredi une « reconnaissance partielle de filiation« . Il envisage ainsi que seul le père biologique, à condition de procéder à un test ADN, figure à l’acte de naissance français. Mais alors quid de l’autre parent reconnu et inscrit au registre civil étranger ?

Dès lors, dans le cas d’un couple hétérosexuel, la mère d’intention ou commanditaire ne figurerait pas sur le livret de famille. M.  Marin reconnaît une  » situation boiteuse, potentiellement préjudiciable à l’enfant « , mais évacue au motif que la reconnaissance d’une filiation à l’égard d’un parent d’intention – qu’il soit homme ou femme – serait une entorse  » au principe de l’indisponibilité du corps humain « . Et pour M. Marin,  » la retranscription automatique de l’acte de naissance étranger sur l’acte civil français reviendrait à une reconnaissance automatique de la gestation pour autrui « . »

Test de Paternité

Et c’est ainsi que l’on retrouve cette opposition cocasse : le principe quasi-sacré de « l’indisponibilité du corps humain » face à « l’intérêt de l’enfant ». Cela donne matière à toutes les métaphores. Me Caroline Mécary, (militante et conseil de nombreux parents ayant eu recours à une GPA à l’étranger) a usé de celle, assez désuète, de « l’usine à gaz ». La soumission à un test génétique du père (supposé) ? « Cela obligerait les gens à apporter une preuve alors que c’est à rebours de notre droit de la filiation qui n’a rien à voir avec la biologie » plaide Me Mécary.

On entend la plaidoirie. Mais que reste-t-il aux juges si on les prive de cette certitude absolue, de cette garantie moderne, de cette transparence filiale enfin affichée : le « test de paternité » ?

A demain

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