Bonjour
C’est une information de la BBC (James Gallagher). Elle est issue du Journal of Medical Ethics, et d’une correspondance du Dr Kevin Smith (School of Science, Engineering and Technology, Abertay University, Dundee).
Ce spécialiste britannique aimerait que chaque citoyen puisse faire conserver son sperme congelé dès sa majorité. Il fait tout simplement preuve de pragmatisme. Les résultats des dernières études génétiques de séquençage établissent en effet avec certitude que les spermatozoïdes des hommes âgés comportent un plus grand nombre de mutations (survenues de novo) que ceux des hommes plus jeunes.
Génétique, éthique, eugénique
Certes la plupart de ces mutations génétiques sont neutres ou n’auraient qu’un très faible impact sur le phénotype des enfants que ces spermatozoïdes pourraient engendrer. Pour autant, une minorité d’entre elles présenteraient peut-être un risque quant à la normalité de ces futurs enfants. Un phénomène à relier avec la tendance actuelle des paternités de plus en plus tardives.
En d’autres termes l’âge du père est une triple variable : génétique, éthique, eugénique. Et les enfants de pères âgés pourraient, demain, s’estimer « lésés ». Conçus à partir de spermatozoïdes plus « jeunes » ils auraient bénéficié d’un meilleur capital génétique.
“ A trend of later fatherhood will accelerate the accumulation of paternal-origin de novo mutations in the gene pool, gradually reducing human fitness in the long term. These risks suggest that paternal age is of ethical importance. Children affected by de novo mutations arising from delayed fatherhood can be said to be harmed, in the sense of ‘impersonal’ harm or ‘non-comparative’ harm.
Banques de congélation
Il n’y aurait là que déploration si l’on ne pouvait agir. Ce qui n’est pas le cas, notamment chez les esprits pragmatiques comme le sont les insulaires britanniques. A commencer par la diffusion d’informations à la population et le développement d’incitations à devenir père dès que possible. Mais pour le Dr Smith, il y a mieux à faire : l’Etat doit créer des banques de congélation, des banques ouvertes à tous où les jeunes gens pourront, dès leur majorité, faire des dépôts de sperme :
“Various strategies are open at societal and individual levels towards reducing deleterious paternal age effects. Options include health education to promote earlier fatherhood, incentives for young sperm donors and state-supported universal sperm banking. The latter approach would likely be of the greatest benefit and could in principle be implemented immediately.”
Gamètes mâles
Plus tard, quand la génétique aura encore progressé, on verra si l’on pourra réparer les dégâts causés par le temps aux gamètes mâles :
“ More futuristically, human germline genetic modification offers the potential to repair heritable mutational damage. ”
Le temps presse. En Angleterre et au Pays de Galles l’âge moyen de la paternité ne cesse de reculer. Il est passé de 31 ans au début des années 1990 à 33 ans aujourd’hui. Sans vouloir fixer des normes trop strictes le Dr Smith estime qu’à partir de la quarantaine les hommes souhaitant devenir père devraient commencer à utiliser leurs dépôts bancaires de manière à engendrer avec les spermatozoïdes adolescents.
Entre 150 et 200 £ par an
On peut bien sûr envisager de procéder à ce type de conservation dans des banques privées (en Grande Bretagne il en coûte entre 150 et 200 £ par an. Les coûts pourraient être notablement réduits si l’entreprise était menée sous l’égide du National Health Service.
Cette proposition commence à faire débat outre Manche. « C’est l’une des suggestions les plus ridicules que j’ai entendue depuis longtemps » a déclaré le Pr Allan Pacey, spécialiste d’andrologie à l’université de Sheffield. Il précise que les risques génétiques associés à des paternités tardive ssont minimes et souligne les difficultés pratiques qui résulteraient d’une telle procédure, les femmes concernées devant alors avoir recours à des techniques de procréation médicalement assistée.
Avoir envie de faire des enfants
Le Pr Adam Balen, président de la British Fertility Society, est lui aussi en désaccord avec une telle proposition.
« Non seulement il s’agit là d’une approche très artificielle de la procréation, mais elle pourrait donner un faux sentiment de sécurité, a-t-il commenté. Je ne pense pas que nous devrions conseille à toutes les femmes et les à tous hommes à congeler leurs ovocytes et leurs spermatozoïdes. » Il estime en revanche qu’il est important de soutenir les jeunes couples pour qu’il puisse avoir un travail et envie d’avoir des enfants.
Problème français
En France l’auto-conservation de sperme (recueilli par auto-masturbation) n’est autorisée que dans le cas où il existe un risque à venir de stérilité. Certains l’envisage dans le cadre d’une vasectomie à des fin contraceptives. La question (éthique et économique) est ouverte de savoir si des banques privées de congélation pourraient voir le jour sur le sol français.
A demain