Bonjour
Depuis plus de trente ans le mensuel Prescrire est, fort heureusement, « indépendant de l’industrie pharmaceutique ». C’est sa bannière, son oriflamme, son slogan. Est-il encore dans le vent ? Le prochain numéro (juillet 2015) tente de rattraper le temps économique perdu en s’intéressant à l’évaluation socio-économique des interventions de santé. Avec un zeste d’humour (« Des sous et des hommes »). Et un gros bol de naïveté (« Car il est très plausible qu’au nom de l’efficience, c’est-à-dire d’un critère mixte médical et économique, l’économie devienne de plus en plus influente dans le domaine de la santé »).
Peloton
A l’heure où les cancérologues montent en chaire pour dénoncer la « toxicité financière » des nouvelles spécialités il serait bon que Prescrire rattrape le peloton.
Restons sur le numéro de juin. Le dossier « Stratégies » est consacré à l’une des grands sujets de santé publique de notre époque : « Cigarettes électroniques et arrêt du tabac » « Cigarettes électroniques et arrêt du tabac » Rev Prescrire 2015 ; 35 (380) : 433-439. (pdf, réservé aux abonnés).
Dossier fouillé
Comme toujours c’est un dossier on ne peut plus fouillé. Une « synthèse élaborée collectivement par la Rédaction, sans aucun conflit d’intérêts ©Prescrire 1er juin 2015 » :
« Le tabagisme est une cause majeure de mortalité et de morbidité, principalement par maladies cardiovasculaires, respiratoires et cancéreuses.
Des cigarettes électroniques, alias e-cigarettes, vaporisateurs personnels ou vapoteuses, ont été commercialisées à partir des années 2000. Les solutions vaporisées et inhalées au moyen de ces dispositifs contiennent ou non de la nicotine à des concentrations diverses, ainsi que d’autres ingrédients, dont généralement du propylène glycol, du glycérol et des arômes.
Elles sont notamment utilisées comme alternatives aux cigarettes classiques dans un but d’arrêt ou de réduction de la consommation de tabac. »
Incertitudes
« Début 2015, les quelques études disponibles montrent que les cigarettes électroniques contenant de la nicotine paraissent avoir une efficacité voisine de celle de la nicotine par d’autres voies pour arrêter de fumer. Outre les effets de la nicotine, il y a peu d’effets indésirables connus.
Mais les incertitudes sont nombreuses : notamment du fait de la grande diversité de composition des solutions pour cigarettes électroniques et des effets à long terme des diverses substances chauffées et inhalées. L’absence de contrôle autre que ceux éventuellement effectués par les fabricants constituent un obstacle à la connaissance des risques. »
Psychologique (aide)
« Compte tenu des dangers de la consommation de tabac, quand un fumeur, en connaissance de cause, préfère remplacer les risques prouvés et graves de la fumée du tabac par le risque potentiel et mal cerné de la cigarette électronique, il n’y a pas de raison de l’en dissuader.
En 2015, une aide psychologique, accompagnée ou non de substituts nicotiniques, reste la méthode de premier choix pour arrêter de fumer, mais les échecs sont fréquents. »
Braquet
Tout est dit et nous sommes dans une impasse politique de santé publique. Environ 80 000 morts prématurées chaque année en France. Une révolution-substitution à une addiction majeure… La redite spontanée des grands épisodes de réduction des risques… Et, en retour, l’analyse habituelle d’une bibliographie qui ne tient aucunement compte des dimensions sociologiques et psychologiques d’un phénomène sans précédent. Avec au final le constat de l’impasse qui prévalait avant l’arrivée de la cigarette électronique.
On ne contredira pas Prescrire sur son terrain. On regrette qu’il ne puisse, sur un tel sujet, changer de braquet. Il nous pardonnera (nous sommes bientôt en juillet) cette petite métaphore cycliste
A demain
2 réflexions sur “Cigarette électronique : si le fumeur y tient, «Prescrire» juge que l’on peut … ne pas le dissuader”