Bonjour
Avastin® : c’était une affaire peu banale, elle devient exemplaire. Mieux : emblématique. Après des années d’atermoiements et de gabegies financières le gouvernement français avait décidé une opération musclée : imposer à la multinationale Roche de commercialiser (contre sa volonté) cet anticancéreux dans une nouvelle indication : la DMLA. Roche avait alors saisi le Conseil d’Etat pour contester cette « vente forcée ». Les magistrats du Palais Royal se réuniront le 15 septembre pour, en urgence, juger.
On n’ose imaginer que ce soit pour peser sur eux, mais un nouvel élément, de taille et sans précédent, vient de survenir. Big Pharma vient à la rescousse de Roche contre l’Etat français. Big Pharma ? Entendre la Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques (EFPIA), la Confédération européenne des entrepreneurs pharmaceutiques (EUCOPE) et l’Association européenne pour les bio-industries (Europabio). . Dans un communiqué commun, ces organisations annoncent avoir porté plainte devant la Commission européenne contre la décision française.
Papier juridico-commercial
C’est là, tout bonnement, une déclaration de guerre enveloppée dans du papier juridico-commercial. Ces organisations militantes de la libre concurrence acharnée expliquent la nature de leurs griefs : la décision (prise par l’Agence nationale française de sécurité du médicament) d’autoriser Avastin® dans une nouvelle indication (non désirée par le fabricant) « est troublant, et enfreint des lois et jurisprudences de l’Union européenne ».
Apôtres des lois du marché les plaignants se refusent à comprendre que les autorités françaises fondent leurs décisions sur la recherche d’économies substantielles. Leur idéologie ne doit pas, estiment-ils, contaminer les responsables politiques des pays où ils commercialisent leurs spécialités. On ne revient pas sur les choses signées, qu’il s’agisse des prix ou des indications – étant bien entendu qu’un médicament appartient à celui qui en détient les brevets et la marque. Tout le reste n’est que littérature pour journalistes.
738,69 € la seringue
Cette chanson avait été servie il y a quelque jour de manière limpide. C’était sur France Info le vendredi 28 août peu avant 13 heures. Au micro le Dr Michael Assouline l’un des responsables du Centre Iéna Vision, à Paris. Face à lui Laurence Peyraut Bertier directrice de la communication et des affaires publiques de Roche SAS,
Parfait exposé du médecin résumant objectivement la situation, l’équivalence entre Lucentis® du Suisse Novartis (738,69 € la seringue pré-remplie – remboursement à 100%) et l’Avastin® (10 € aux termes de l’arrêté du 19 août publié au Journal Officiel). Le Dr Assouline rappelle quelques -uns des épisodes précédents du conflit ; des incohérences de l’industrie pharmaceutiques (mais aussi, parfois, du ministère de la Santé qui interdisait formellement hier ce qu’il recommande aujourd’hui).
Plaidoyer et menaces
C’est, pour la porte-parole de Roche, une bonne occasion pour dérouler ses éléments de langage.
« Ce sont des médicaments totalement différents. Nous comprenons les enjeux financiers sur la santé, ils sont vrais en France comme au niveau international… Ce qui guide l’action de Roche c’est la science…. Nous avons fait un choix scientifique sur l’Avastin® pour traiter le cancer et nos indications ont été approuvées par les autorités aussi bien aux Etats-Unis, en Europe et, bien sûr, en France. …
« Nous suivons scrupuleusement les étapes de mise sur le marché… le sujet financier est au cœur de l’actualité et on le comprend bien… les Laboratoires Roche travaillent au quotidien avec les autorités pour faire en sorte que les meilleurs médicaments soient accessibles aux patients dans les meilleures conditions… Le choix qui nous guide est un choix pour les patients…
« Aujourd’hui l’Avastin® a une action de longue durée dans le cancer alors que les autres médicaments ont un principe d’action complètement différent (contestation avec le Dr Michael Assouline) … Le gouvernement français veut mettre sur le marché, et pour des raisons économiques, un médicament pour une indication qu’il n’a pas alors même qu’il existe des alternatives…. La question que l’on pose est une question de responsabilité… La ministre de la Santé est parfaitement informée de notre point de vue (….) »
807,28 € le ml
Long exposé de la porte-parole d’où il ressort que Roche menace : la responsabilité du gouvernement français est d’ores et déjà engagée en cas de difficultés de type effets secondaires. La situation française est radicalement différente de celle qui prévaut dans d’autres pays (les Etats-Unis ou l’Italie par exemple) où des ophtalmologistes prescrivent de l’Avastin® de leur propre chef et sous leur propre responsabilité. Il n’y sont en rien incités par leur ministre de la Santé.
D’où il ressort également que Roche n’est en rien responsable du prix faramineux du Lucentis® (ce tarif a été fixé, après négociations, par le gouvernement – via le Comité économique des produits de santé). D’où il ressort également qu’il faut compter avec une troisième spécialité (souvent ignorée des médias: Eylea® de la firme allemande Bayer (807,28 € le ml de solution- remboursement à 100%).
Risque d’endophtalmie
Il n’y a pas que France Info ni que le Dr Assouline. Le Quotidien du Médecin (Damien Coulomb) observe ainsi que l’association DMLA, (qui regroupe des malades et des ophtalmologues) s’est prononcée contre une « utilisation systématique », pour des raisons financières, de l’Avastin® .
« En aucun cas, une utilisation systématique de l’Avastin® ne peut être acceptée sur des motifs purement économiques » met en garde l’association qui réclame « le libre choix de prescription pour les ophtalmologistes traitants en milieu hospitalier ». DMLA ajoute que « les récentes données scientifiques ne permettent pas d’écarter une éventuelle augmentation d’effets secondaires, notamment gastro-intestinaux, ou du risque d’endophtalmie lié au reconditionnement » et insiste sur la nécessité d’informer les patients.
L’association DMLA, comme l’association Rétina France , est soutenue par Novartis, qui commercialise le Lucentis®. C’est aussi Novartis qui finance les incitations au dépistage de la DMLA. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont, en France, concernées.
A demain