Bonjour
Les mots, on le sait, peuvent tuer. Ils peuvent aussi salir, infecter, envenimer. On connaît des poisons distillés dans l’encre d’imprimerie. L’Agence France Presse nous laisse comprendre, ce soir, que La Voix du Nord est au cœur d’une affaire symptomatique. Le quotidien régional publie un cahier spécial pour éclairer le débat citoyen des prochaines élections régionales des 6 et 13 décembre. Et au chapitre de l’amélioration de la santé des Nordistes la candidate Marine Le Pen use des mots qu’elle connaît et maîtrise : « Éradiquer toute immigration bactérienne ». « Les hôpitaux font face à la présence alarmante de maladies contagieuses non européennes, liées à l’afflux migratoire. Nous refusons cette mise en danger de la santé de nos compatriotes. » Comme on peut le voir ici.
Miel électoral
Les premières réactions n’ont évidemment pas tardé. D’autres suivront. Marine Le Pen le sait, en fait déjà son miel électoral. Pour autant comment ne pas réagir ? Comment laisser dire ? Sur Twitter l’ancien ministre François Lamy, l’un des colistiers du candidat socialiste Pierre de Saintignon estime que « la xénophobie de MLP vire à la folie ». Ancien ministre de la Santé et également tête de liste Xavier Bertrand (Les Républicains) se demande si, avec Marine Le Pen, « le FN n’est pas pire qu’avant ». « Immonde et puant », a commenté sur sa page Facebook Sandrine Rousseau (EELV). Elle ajoute : « vite qu’un autre air souffle sur notre région ! ». Au nom de la Ligue des droits de l’homme, Olivier Spinelli, délégué régional Picardie, a imputé au FN « la volonté d’assumer des positions ouvertement racistes ».
Pseudo-lapsus ?
La ligne de défense du FN surprendra. Sébastien Chenu, « responsable presse » de la campagne et en première position sur la liste FN dans le département de la Somme, a affirmé qu’il s’agissait d’ « un lapsus ». « Le document publié est un mauvais copié-collé, la version officielle sera dans le programme de Marine Le Pen qui sera dévoilé samedi » a ajouté Sébastien Chenu. « Il s’agit simplement de la suite logique de notre demande de fermeture des frontières », a expliqué son équipe de campagne au du Figaro. « De nombreuses déclarations médicales font état d’une recrudescence de maladies autrefois éradiquées de France et d’Europe. Particulièrement à Calais, d’ailleurs, où le personnel hospitalier souffre et est submergé par un afflux migratoire entraînant des maladies qu’ils n’arrivent pas à endiguer », précise l’un des proches de la candidate.
Comme toujours les dés sont plus ou moins pipés. Il ne servira à rien, ici, de nier le risque infectieux qui peut être associé aux personnes les plus démunies – risque d’autant plus élevé que ces personnes sont privées des soins médicaux, préventifs ou curatifs qui doivent leur être apportés dès lors qu’elles sont sur le sol français. De ce point de vue la jungle de Calais est l’exemple parfait à ne pas suivre.
Sidaïques et léproseries
« En 2013, déjà, Marine Le Pen avait dénoncé des cas de « tuberculose multi-résistante » concernant des immigrés d’Europe de l’Est », alimentée, selon elle, « par un réseau d’immigration massive et incontrôlée » » rappelle l’AFP. Certains se souviennent de l’usage que Jean-Marie Le Pen avait ou faire de l’émergence de l’épidémie de sida. C’était en 1987 et le leader d’extrême-droite comparait le « sidaïque » au « lépreux », contagieux via sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact, souhaitant qu’on l’enferme. On peut le voir et l’entendre ici. C’était le 6 mai 1987 à l’émission L’Heure de vérité.
Personne, alors, n’avait parlé de lapsus. On terminera en rappelant une vérité souvent oubliée des hommes et des femmes politiques: il existe des mots qui peuvent soigner.
A demain