Bonjour
Rien de plus beau qu’une fée sur un berceau sinon une polémique méchamment lancée. A peine né le site « deuxièmeavis.fr » fait scandale. Il avait pourtant « été lancé en toute discrétion. C’est dire la sécheresse extrême du tissu médical français, prêt à s’embraser pour une étincelle, une menace, une innovation.
De quoi s’agit-il ? Comme le nom l’indique d’obtenir, moyennant 295 euros, un « deuxième avis médical » quand la chose est, pour mille et une raison, devenue nécessaire. C’est là une pratique courante, largement répandue; mais pratiquée sans être affichée. Une pratique presque toujours effectuée sous la couverture de la Sécurité sociale. La nouveauté, aujourd’hui tient dans l’affichage et la facturation – rien n’étant, cette fois, directement demandé à la collectivité.
Anxiétés syndicales
C’est dire si les syndicats de médecins libéraux sont à l’affût. « C’est une démarche commerciale et dangereuse, qui n’honore pas les médecins qui se sont lancés dedans, condamne le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF). « Qui assurera le suivi et les interrogations complémentaires du patient, si ce n’est le médecin traitant court-circuité ?» demande dans un communiqué la Confédération des syndicats des médecins de France (CSMF), scandalisée par la démarche. On a connu ces deux syndicats moins soucieux. Pourquoi une telle anxiété ainsi exacerbée ?
Un « scandale » ? D’autres le pensent (ou le redoutent) qui dénoncent avec des cris d’orfraies la désorganisation programmée des équilibres actuels du marché. Il faut aller sur le site 1, y entrer, pour mieux comprendre l’économie de cette initiative; une aventure logée dans l’ombre bienveillante de l’hôpital Cochin, Paris (Paris Biotech Santé – 24 rue du Faubourg Sain-Jacques).
Vautours et Capital
Une initiative cautionnée par quelques noms célèbres que l’on peut difficilement soupçonner qu’ils aient (tous) vendu leur âme aux vautours capitalistes :
Pr Laurent Degos : spécialiste d’hématologie (Université Paris Diderot), médecin de l’hôpital Saint-Louis, vice président de l’Institut Pasteur, membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a été directeur d’unité Inserm, directeur de l’Institut d’Hématologie de l’école doctorale Biologie et biotechnologie, président de la Haute Autorité de Santé (HAS). Membre correspondant de l’Académie des Sciences, membre de l’Académie Nationale de Médecine, officier de l‘Ordre National du Mérite et officier de la Légion d’Honneur.
Pr Didier Sicard : médecin interniste, président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008, ancien chef de service de médecine Interne de l’hôpital Cochin
Pr Pierre-Louis Druais : spécialiste de médecine générale en exercice libéral depuis 38 ans, président d’honneur du Collège des généraliste enseignants (CNGE), Président du Collège de la Médecine Générale.
Claude Rambaud : présidente du Lien (association d’aide aux victimes d’infections nosocomiales) et vice-présidente du CISS (Collectif interassociatif sur la santé)
Pr Philippe Morlat : médecin interniste, chef de service de médecine interne et maladies infectieuses au CHU de Bordeaux, Président de la Société Nationale Française de Médecine Interne
Pr Philippe Denormandie : neuro-orthopédiste, directeur général adjoint Groupe Korian, ancien responsable de la mission Handicaps et de la prise en charge des personnes vulnérables, handicapées dans les hôpitaux de l’AP-HP.
Le « concept » et la « plate-forme » ont été élaborés par trois co-fondatrices, dont Pauline d’Orgeval. Pour l’heure (n’en déplaise au président de la FMF) quatre-vingt quatre médecins ont postulé et ont été retenus par le conseil scientifique. Ils sont prêts à se prononcer (dans un délai inférieur à sept jours) sur les dossiers médicaux qui leur sont soumis. Ils seront rémunérés 120 euros par dossier (175 euros allant au fonctionnement du site). Ce n’est qu’un début.
Embellie en janvier
« Nous avons mis plus de deux ans à ouvrir ce site pour tout faire dans les règles et disposer de toutes les autorisations, notamment de la CNIL, nous a expliqué Pauline d’Orgeval. A 295 euros l’équilibre financier sera trouvé à 10 000 demandes par an. Si nous dépassons ce nombre nous pourrons baisser le prix. Des exemptions seront toujours possibles en cas de difficultés particulières. » L’embellie pourrait aussi ne pas tarder avec l’entrée (« imminente » dit-on) de deux grosses complémentaires santé. Des noms seront connus dès les premiers jours de janvier.
La CNIL est acquise. Reste le plus gros morceau : le Conseil de l’Ordre, gardien de la probité de la profession. Un Ordre qui, pour la première fois de sa jeune histoire vient de prendre, in live, le pouls des médecins français. Mme d’Orgeval assure avoir « pris en compte » ses recommandations. Il semble, d’après nos informations, que l’institution hésite à donner son imprimatur. Donner un deuxième avis sans voir le malade ? Saisi il y a bien longtemps le Conseil national devrait donner sa position vendredi 18 décembre.
L’Ordre, c’est l’un de ses charmes, a toujours aimé se faire attendre.
A demain
1 Le « concept » : « Un deuxième avis médical vous permet, dans le cadre de maladies graves, rares ou invalidantes, de vous assurer que les traitements en cours ou proposés sont les plus adaptés à votre situation et qu’ils sont en phase avec les dernières avancées scientifiques. Il vous permet également, dans certains cas, de conforter ou de préciser un diagnostic.
« Le médecin expert, après avoir analysé votre demande et les pièces transmises, vous délivrera, dans un délai compris entre 48h et 7 jours, un compte-rendu détaillé répondant à toutes vos interrogations.
« Le service deuxiemeavis.fr a reçu une autorisation de la CNIL et a conclu un contrat avec l’Agence régionale de Santé compétente ; les données sont hébergées en France auprès de la société Grita, hébergeur agréé par le Ministère de la Santé. En savoir plus sur le cadre réglementaire »
2 réflexions sur “Donneriez-vous sans mal 300 euros pour avoir un «deuxième avis médical» ? La polémique grossit”