Bonjour
C’est un paradoxe et rien n’interdit d’en sourire. Rien n’interdit non plus de voir là une faille majeure de la politique sanitaire : le désintérêt majeur de ceux qui pilotent la recherche publique française pour l’un des sujets qui, avec l’addiction au tabac-nicotine, mériterait de gros investissements scientifiques. Il est assez piquant que ce constat soit fait par l’intermédiaire d’un travail financé par les grands alcooliers industriels.
L’information vient en effet de la « Fondation pour la recherche en alcoologie » (FRA). Cette FRA est la nouvelle version de l’Institut de recherches scientifiques sur les boissons (IREB) – structure fondée en 1971, à l’initiative de « sociétés productrices et distributrices de boissons alcoolisées » : Bacardi Martini France, Brasseries Kronenbourg, Heineken France, Rémy Cointreau, Pernod-Ricard. Créée en décembre dernier la FRA est placée sous l’égide de la Fondation de France. Objectif : développer et partager la « connaissance sur l’alcool ». Son financement de la FRA se fera, dit-on, de manière plus discrète que celui de l’IREB.
Cinq centimes par an et par habitant
Premier travail de la FRA : faire une « estimation du budget total de la recherche alcoologique française ». Résultat : environ 3.5 M€ par an (financeurs publics et privés). Soit 5 centimes par habitant … et vingt-sept fois moins que le principal organisme de recherche publique aux Etats-Unis. Cette estimation pour la France résulte d’une enquête menée « auprès d’un peu plus de quarante équipes de recherche travaillant ou ayant travaillé au moins ponctuellement sur l’alcool ». Explications :
« Au cours de l’été 2015, la Fondation pour la recherche en alcoologie a interrogé 42 équipes chercheurs issues des principaux instituts, universités et laboratoires français (Inserm, CNRS, Universités…). L’échantillon comprenait 25 équipes en sciences biomédicales et 17 équipes en sciences humaines et sociales.
« Le budget déclaré par les équipes ayant répondu atteint 1.153.700 € en 2014 et 1.363.500 € en 2015 – soit une moyenne d’un peu plus de 51 000 € par équipe en 2014 et d’un peu plus de 56 000 € en 2015. Cette moyenne reflète mal la réalité des budgets de recherche car six à sept laboratoires de recherche seulement font état d’un budget ‘’alcool’’ annuel de 30 000 € ou plus, et ce uniquement dans le champ des sciences biomédicales. Dans le domaine des sciences humaines et sociales, les budgets sont le plus souvent de quelques milliers d’euros (et presque toujours inférieur à 10 000 €/an). A noter que l’alcool n’est jamais, sauf exception, la thématique unique de recherche des équipes interrogées. »
Paradoxe français
L’extrapolation de ces données à l’ensemble des équipes de recherche en France (en multipliant le budget annuel moyen par un nombre total d’équipes estimé à soixante) conduit à un montant total de la recherche alcool de 3.1 M€ en 2014 et de 3.4 M€ en 2015. Les comparaisons internationales ne sont, euphémisme, guère flatteuses. Aux Etats-Unis le budget du seul National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism est de 430 millions d’euros). Au Royaume-Uni, l’Alcohol Research UK a financé, à lui seul, près de 16 millions d’euros de recherche en 2015.
La maladie alcoolique, une fatalité ? Comment justifier les raisons de ce troublant paradoxe français ? Qu’en dit-on à l’Inserm ? Et quels rôles doivent, ici, jouer l’argent des alcooliers ? Qu’en dit-on aux ministères de la Recherche et de la Santé ?
A demain
Une réflexion sur “Les industriels de l’alcool dénoncent l’absence de financement de la recherche française sur la maladie alcoolique”