Bonjour
C’est un papier médical et scientifique. Mais comme il s’agit de l’esclavage du tabac on peut aisément en faire un sujet politique. On le trouve dans Annals of Internal Medicine : “Gradual Versus Abrupt Smoking Cessation: A Randomized, Controlled Noninferiority Trial”. Il est repris, traduit et parfaitement décrypté sur le site Medscape France (Stéphanie Lavaud) « Sevrage tabagique : l’arrêt brutal plus efficace que l’arrêt progressif ».
Briser ou limer ?
Le profane y apprendra que pour se libérer de l’esclavage du tabac, mieux vaut parvenir à briser la chaîne d’un coup que de la limer pendant des mois. Les substituts nicotiniques peuvent aider à supporter la fracture. Telle est la conclusion que l’on peut tirer d’une étude anglaise menée auprès de 697 fumeurs, dans laquelle les chances d’être abstinent à 4 semaines étaient 25% plus importantes en cas d’arrêt définitif un jour donné. Une étude financée par la British Heart Foundation (jeter un œil au site). Medscape :
« Quand il s’agit d’en finir avec une addiction, la rupture radicale avec l’objet du plaisir est-elle plus efficace que la consommation à petites doses ? Dans le cas du tabac, la question est loin d’être tranchée et la littérature peu consensuelle. Classiquement, on conseille aux candidats à l’arrêt de choisir un jour et de stopper définitivement la cigarette, et, en général, les recommandations officielles vont plutôt dans ce sens. Néanmoins, en pratique, les fumeurs rapportent plutôt un sevrage progressif. Une revue Cochrane a, quant à elle, montré peu de différences entre les deux approches. D’où l’idée de chercheurs anglais, spécialistes de la question, de conduire une étude dont le protocole permettrait de s’affranchir des biais et de discriminer entre les deux options afin de déterminer la plus efficace. »
Brutal ou progressif
Nicola Lindson-Hawley (Oxford University, United Kingdom Centre for Tobacco and Alcohol Studies) et ses collègues ont recruté des fumeurs consommant soit au moins 15 cigarettes par jour, soit 12,5 grammes de tabac à rouler quotidiennement ou bien présentant des taux de monoxyde de carbone (NO) expiré supérieur à 15 ppm. Tirage au sort et deux groupes : arrêt brutal de l’intoxication 15 jours après l’entrée dans l’étude ; sevrage progressif (diminution de moitié au cours de la 1èresemaine, puis d’un quart lors de la seconde etc.). Pendant les deux semaines précédant l’arrêt, le groupe « progressif » avait droit à des traitements nicotiniques substitutifs. Le groupe « arrêt brutal » pouvait continuer à fumer jusqu’à la date fixée (timbres proposés juste avant l’arrêt).
Travail de grande ampleur : 23 infirmier/ères répartis sur 31 centres de soins de premier recours, volontaires des deux sexes âgés de 49 ans en moyenne, vingt cigarettes quotidiennes, score de 6 au test de Fagerström, 94% étaient d’origine caucasienne. A 4 semaines le critère primaire d’abstinence a été atteint par 39,2% des volontaires du groupe « arrêt progressif » et 49,0% de ceux du groupe « arrêt brutal ». Le critère secondaire à 6 mois indique lui aussi une supériorité du groupe « arrêt brutal » versus « progressif », avec respectivement, 22,0% versus 15,5% de sevrage.
« Nous avons clairement montré que l’arrêt brutal était supérieur en termes d’efficacité de sevrage tabagique à moyen et court terme. L’adhésion aux instructions sur les modifications de comportements et aux TSN a été bonne et les médicaments bien tolérés » concluent les auteurs. Ils ajoutent que les participants qui préfèrent l’arrêt progressif sont moins susceptibles de réussir leur sevrage, quelle que soit la méthode qui leur a été assignée ». La motivation guiderait-elle le mode d’arrêt ? Et que penser, dans ce paysage enfumé, des vapeurs d’eau de la cigarette électronique ?
Politique shizophrénique
On retrouve cette dernière dans Le Figaro qui vient d’offrir ses colonnes au Pr Gérard Dubois, membre de l’Académie de médecine bien connu de celles et ceux qui ne sont pas indifférents aux questions de santé publique – spécialité dont il est professeur émérite : « La cigarette électronique: où en est-on ? ». On y retrouve une forme de logique que l’on pourrait, si la chose était encore permise aux journalistes, qualifier de schizophrénique – la conclusion (ci-dessous) n’étant pas associée à une action politique d’envergure.
« La cigarette électronique a été mise au point au début par des amateurs talentueux et l’engouement des fumeurs a rendu tout retour en arrière impossible. Elle s’est imposée sur un marché qui s’est rapidement développé. À l’évidence, malgré des remises en cause médiatisées mais mal fondées, la toxicité de l’e-cigarette est bien plus faible que celle de la fumée de tabac.
« Elle ne participe pas à une initiation au tabagisme des enfants et adolescents. Elle est quasiment exclusivement utilisée par des fumeurs ou anciens fumeurs qui craignent de récidiver. Son efficacité dans l’arrêt du tabac semble s’affirmer et elle a contribué, au moins en France et en Angleterre, à une baisse des ventes de tabac. Une législation et une réglementation en cours de mise en place sont cependant nécessaires pour garantir la sécurité d’un produit plébiscité par les fumeurs et moduler son utilisation. La cigarette électronique est donc un outil utile à la réduction de la mortalité et de la morbidité dues au tabac. »
Premier sommet
On retrouvera la politique, la santé publique et la cigarette électronique au « Premier sommet de la vape ». Ce sera le 9 mai à Paris (Conservatoire national des Arts et Métiers).
« Le 1er Sommet de la vape souhaite rassembler l’ensemble des parties prenantes (scientifiques, politiques, associations, autorités de santé, utilisateurs) afin de débattre ensemble du meilleur moyen de favoriser l’essor de l’utilisation de la cigarette électronique en tant qu’alternative au tabac chez les fumeurs et de minimiser les potentiels effets négatifs. »
A demain