Corruption et pots-de vin: après les conflits d’intérêts médicaux, la loi #Noé-Sapin

Bonjour

Morale en marche et transparence à tous les étages de la France. Hier l’exposé des volontés du directeur général de l’AP-HP pour en finir avec les conflits d’intérêts (médicaux) ; aujourd’hui les projecteurs médiatiques se tournent vers le projet de loi dit « Sapin II ». Il vise à une plus grande transparence, non pas de la vie médicale, mais bien de la vie économique-transparence y compris dans les marges. Ce texte devrait être examiné lors du conseil des ministres du 30 mars.  Il prévoit notamment la création d’une nouvelle usine : une « Agence nationale de prévention et de détection de la corruption ».

Prendre sans voir

 Michel Sapin avait levé le dernier voile au matin de Pâques. C’était dans Le Journal du Dimanche : « Michel Sapin sur la loi anticorruption : » En finir avec le pas vu, pas pris » ». Voilà une assez bonne définition de la transparence : désormais on pourra être pris sans être vu ; plus fort, en somme, que les caméras de vidéosurveillance. Michel Sapin :

« Cela fait longtemps que je travaille à ces questions. La première loi Sapin de 1993 visait à combattre la corruption en France. Avec le projet de loi Sapin II, nous voulons notamment agir contre la corruption exercée par nos entreprises auprès d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Je ne pense pas qu’il y ait plus de comportements délictueux chez nous qu’ailleurs. Mais l’absence de condamnations en France pour versements, en particulier de pots-de-vin, a créé un climat de soupçon envers notre pays que je juge infamant. Il nous manque une panoplie de bonnes mesures pour combattre et prévenir ces pratiques (…)

« D’abord, le projet de loi va permettre de sanctionner un dirigeant d’une société ­française, résident ­habituel en France et de nationalité étrangère, pour des faits de corruption commis à l’étranger. Ensuite, il lève les verrous procéduraux à la poursuite de faits de corruption d’agents publics commis à l’étranger, qui sont en pratique difficiles à réprimer (…) Enfin, demain il sera possible de punir une société française qui utilise moyennant commission occulte l’influence d’un agent public étranger pour obtenir d’une autre autorité un marché public. Cette nouvelle infraction permettra de sanctionner pénalement des comportements aujourd’hui condamnables seulement moralement.

Valeurs des cadeaux

« La nouvelle agence pourra ­défendre les lanceurs d’alerte contre des représailles, anonymiser leur signalement et prendre à sa charge leurs frais de justice s’ils doivent se défendre contre des attaques ou sanctions injustifiées. C’est un dispositif qui se veut exemplaire. Nous avons, par ailleurs, demandé au Conseil d’État de nous faire des propositions pour créer un statut unique de protection pour tous les lanceurs d’alerte.

Il faut de la transparence dans les rapports entre l’exécutif et ses agents d’une part et les représentants d’intérêt d’autre part. La loi Sapin II introduit plus de transparence dans ce processus en obligeant les lobbies à s’inscrire dans un registre public. De plus, la loi fixera des règles déontologiques comme l’interdiction d’offrir à un agent public des cadeaux d’une  valeur significative. Le non-respect de ces règles pourra être sanctionné. »

Où se situe la signification de la valeur du cadeau ? Le ministre des Finances ne le dit pas ? N’est-ce pas le principe même du « cadeau » qui, parce qu’il corrompt, doit être condamné ? Le ministre ne le dit pas non plus.  Il s’agit ici de permettre à la France de « rattraper son retard » en matière de lutte anticorruption. Où l’on retrouve le syndrome du retard français ; un argument généralement avancé dans de nombreuses controverses sociétales au parfum libertarien (la « fin de vie », l’extension de l’usage des techniques médicales de procréations médicalement assistée etc.).

Vertus protestantes et anglo-saxonnes

Retard français ? Dans le classement de l’ONG Transparency international, la France occupe le 23e rang (sur104) de la lutte contre la corruption, sur 104 pays notés. Loin, comme toujours, derrière les pays d’Europe du Nord, mais aussi l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis. Loin, en somme, du monde protestant et anglo-saxon généralement paré de toutes les vertus. L’« Agence nationale de prévention et de détection de la corruption » sera p lacée sous l’autorité conjointe des ministres des Finances et de la Justice, cette dernière sera chargée de contrôler la mise en place de programmes anticorruption dans les entreprises de plus de cinq cents salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros.

Le texte intègre des articles de l’ex-projet de loi #Noé (pour « nouvelles opportunités numériques »), que devait porter le ministre Emmanuel Macron. Il prévoit aussi l’instauration d’un registre obligatoire des lobbyistes, placé sous la tutelle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – ainsi que la mise en place d’un statut protecteur pour les « lanceurs d’alerte », très attendu par les ONG. « Beaucoup de scandales récents n’auraient pas éclaté sans leur courage. Hélas, certains en payent lourdement les conséquences », explique Michel Sapin, qui dit vouloir « leur offrir une protection juridique, y compris la prise en charge de leurs frais d’avocats ».

Morale ou pragmatisme

Seule anicroche, de taille : le Conseil d’Etat a retoqué le concept de « transaction pénale ».  Ce dispositif devait permettre aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de payer une amende (plafonnée à 30 % de leur chiffre d’affaires moyen sur les trois dernières années) pour faire l’économie d’un procès – sur le modèle du « plaider coupable » américain. Plusieurs organisations non gouvernementales, dont Anticor, Oxfam ou le Syndicat de la magistrature, avaient réclamé la suppression de l’article en question, disant redouter « une impunité de fait » pour les entreprises

Mais rien n’est simple dans la lutte contre les tricheurs : ce dispositif était défendu par Transparency International, au nom du pragmatisme. « L’addition des conservatismes de tous ordres (…) risque de vider de son caractère incisif et novateur une réforme pourtant très attendue », a confié Transparency à l’Agence France-Presse.  Morale ou pragmatisme ? Comment choisir ? Comment bien faire ?

A demain

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