Bonjour
Tour s’emballe, tout s’envenime. Ambiance étrange à prévoir, demain 23 mai pour la conférence de presse de Marisol Touraine. La ministre de la Santé devait présenter aux journalistes les conclusions du rapport de l’IGAS sur l’affaire de l’essai clinique mortel de Rennes – essai mené par la société BIOTRIAL avec tous les feux verts officiels de l’ANSM. Tout était réglé comme du papier millimétré.
Las ! Le temps médiatique n’est pas le temps politique. Après Le Figaro (Anne Jouan) qui le déréglait sévèrement c’est Le Monde (Paul Benkimoun) qui vient perturber le tempo institutionnel : le quotidien vespéral « s’est procuré » le rapport de l’IGAS et il en donne de larges extraits sur son site. Libération (Eric Favereau) s’est lui aussi procuré le fameux document
Conclusions : l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ne retient pas de faute de la part de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Certains y verront, une nouvelle fois, les effets du règne de l’Entre-Soi. Pour le reste les inspecteurs complètent et officialisent le travail sur les manquements qu’ils avaient exposé dans leur « note d’étape » 1.
« La mission considère que la responsabilité de BIOTRIAL, centre où a été réalisée l’expérimentation, comme celle de BIAL, laboratoire promoteur de l’essai, sont engagées. Elle reproche à BIOTRIAL « trois manquements majeurs » dans la conduite de l’essai et à BIAL un « retard à l’information de l’autorité sanitaire » ainsi qu’un choix « insuffisamment précautionneux » de passer à la dose de 50 mg en doses multiples croissantes.
Volontaires plus ou moins informés
« Le premier manquement majeur « porte sur l’absence de recherche d’information en temps et en heure sur l’évolution de l’état de santé du premier volontaire et la non-suspension corrélative de l’administration du produit aux autres volontaires » du groupe dont il faisait partie.
« Deuxième manquement majeur de la part de BIOTRIAL, « l’absence de confirmation de leur consentement adressée aux autres volontaires le lundi 11 janvier, avant l’administration du produit », contrairement à ce que prévoyaient la lettre d’information et le formulaire de consentement, remis aux volontaires, en cas de « nouvelle information significative qui pourrait affecter leur volonté de poursuivre l’étude ». Une obligation au regard du code de santé publique.
« Troisième manquement majeur, commun à BIAL et à BIOTRIAL : le non-respect du devoir d’information sans délai de l’autorité sanitaire compétente.
Pour sa part BIOTRIAL fulmine de découvrir avant l’heure des accusations qu’il pressentait. Fulmine et accuse :
« Le centre de recherche médicale rennais Biotrial découvre ce soir dimanche 22 mai, avec stupéfaction, que le rapport final de l’IGAS, dont il n’a toujours pas été rendu destinataire, a été transmis à la presse par des fuites savamment orchestrées à la veille de la conférence de la presse de la ministre de la Santé Marisol Touraine. BIOTRIAL déplore les méthodes de réalisation de l’enquête de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et conteste les conclusions de son rapport. »
Accusations en miroir
Et BIOTRIAL de porter, à son tour, de graves accusations en miroir, estimant que l’IGAS « a commis trois manquements graves dans la réalisation de son enquête et dans la rédaction de son rapport, qui retirent toute crédibilité à ses conclusions. » Ces trois manquements sont les suivants : « la mission de l’IGAS n’a pas respecté le principe du contradictoire » ; la mission de l’IGAS n’a pas respecté le droit des personnes auditionnées ; la mission de l’IGAS a omis de mentionner les éventuels conflits d’intérêt, enlevant toute objectivité à son rapport. »
Ce sont là des accusations d’une particulière gravité. Pour ce qui est de la troisième BIOTRIAL écrit :
« Afin de préserver le caractère objectif de l’enquête et du rapport, il aurait été opportun que soit énoncée l’existence de précédentes collaborations professionnelles entre l’un des inspecteurs de l’IGAS et les directeurs généraux des deux établissements publics directement liés à cet accident, à savoir le CHU de Rennes et l’ANSM. Ces circonstances, qui affectent gravement l’impartialité du rapport, n’ont étonnamment jamais fait l’objet d’aucune déclaration, ni dans la note d’étape, ni dans le projet de rapport définitif de l’IGAS.
Transparence
« Dans un souci de transparence, il était pourtant essentiel que ces collaborations professionnelles soient précisées afin de permettre aux acteurs de solliciter, le cas échéant, la désignation d’un autre inspecteur évitant ainsi tout risque de contestation sur l’impartialité des conclusions rendues par la mission.
« Fort de ces trois manquements majeurs, le centre BIOTRIAL se réserve le droit de rechercher devant les juridictions françaises la nullité du rapport. Le centre appelle à ce que l’IGAS engage une réforme de ses procédures, similaires à celles initiées par les autres administrations pour se conformer aux standards européens. Il est particulièrement dommageable que, malgré la gravité et le caractère absolument exceptionnel de l’événement, un tel manque de professionnalisme ne permette pas de tirer du rapport un retour d’expérience serein et constructif qui aurait été synonyme de progrès pour tous les acteurs concernés. »
Que répondra, devant la presse, Marisol Touraine à de telles accusations ? Que répondra l’IGAS, attaquée comme elle l’a rarement été ?
A demain
1 Etablie par Christine d’Autume et le Dr Gilles Duhamel, Membres de l’Inspection générale des affaires sociales la note d’étape est toujours disponible à cette adresse : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fevrier_2016_-_note_etape_-_accident_essai_clinique.pdf
« Quand les loups estant en chaleur suivent la louve, ils exercent cruellement leur férocité les uns contre les autres ; (…) hors de là, ils s’entr’aiment, s’entr’entendent et s’entre-suivent comme font larrons en foire. »
Jacques de Fouilloux / Vénerie/ Suite/ 1561
( Aucun rapport ! Citation destinée seulement à détendre une atmosphère … qui s’alourdit beaucoup pour une pratique médicale !!)