Douleurs : les prescripteurs d’antalgiques sont aussi des manipulateurs historiques

Bonjour

En dépit du Brexit et d’Angleterre-Islande (1-2),  nous évoquions hier le passionnant éditorial sur l’évolution, ces vingt dernières années, de l’effet placebo. Un éditorial bien dérangeant, signé, dans la dernière livraison de la Revue Médicale Suisse 1 par les Drs Marc Suter et Anne-Françoise Allaz (Centre d’antalgie, Service d’anesthésiologie CHUV, Lausanne).

Dans la deuxième partie de leur texte ces auteurs traitent d’un autre sujet thérapeutique également original, hors norme, concernant la prise en charge de la douleur et au-delà. Ici encore on se penche sur le temps, sur la durée, sur l’histoire : l’impact des effets des interventions thérapeutiques passées sur celles à venir. Où l’on parle de conditionnementle psychologique, pas l’emballage.

Histoire des traitements

Les auteurs suisses citent un travail allemand publié il y a trois ans dans le JAMA : “The effect of treatment history on therapeutic outcome: an experimental approach”. Ils rappellent ce que l’on a pu démontrer en matière d’effet médicamenteux : des expériences antérieures positives augmentent l’effet du médicament administré  – tandis que des expériences négatives le diminuent. Il y a, en d’autres termes, une influence historique des thérapeutiques. Ce qui vaut aussi pour l’efficacité des placebos.

Passé un certain âge chacun, prescripteur et patient, garde en mémoire que face à la douleur rebelle plusieurs approches sont bien souvent tentées. « Il a maintenant été montré que l’historique de traitement influence l’efficacité d’un traitement subséquent, différent des précédents, dans un modèle expérimental comprenant des mesures d’imagerie cérébrale, expliquent les spécialistes suisses.  L’historique de traitement négatif est associé à l’imagerie d’une douleur mal ou non traitée. »

Croire et faire croire

Voici l’affaire : l’expérience est effectuée à l’aide de « manipulations d’intensité de stimulation » faisant croire à un groupe de patients qu’ils avaient eu un traitement actif (histoire positive) et faisant croire à un deuxième groupe qu’ils avaient une crème inerte (histoire négative).

Résultats : le second groupe a moins répondu à l’effet du soi-disant deuxième traitement. Et l’étude en parallèle par imagerie fonctionnelle du cerveau montre que l’historique négatif est bel et bien associé à l’imagerie d’une douleur mal ou non traitée. Que peut-on en conclure, hormis le fait que l’on mesure l’emprise que le manipulateur peut avoir sur autrui ?

Avenir thérapeutique

« En pratique clinique, nous faisons face à beaucoup d’échecs lors de la prise en charge des patients douloureux chroniques, notamment ceux qui nous consultent suite à l’insuccès d’essais successifs de traitements, soulignent les spécialistes de Lausanne. On se prend à espérer qu’identifier d’emblée le traitement efficace chez un patient particulier dans la liste des options reconnues comme bénéfiques pourrait éviter des échecs répétés. Ces derniers risquent en effet de nuire au traitement efficace lorsqu’il sera finalement administré. Une explication claire, des objectifs attendus réalistes ainsi que la gestion des effets secondaires des traitements diminueraient également les échecs. »

Ce sont là, précisent-ils, des travaux émergents quant à  l’influence de l’historique des traitements. Il y a là, concluent les Dr Suter et Allaz, « une motivation supplémentaire à essayer de prédire de manière plus exacte le profil des patients répondeurs à une certaine prise en charge, afin de pouvoir la proposer en première instance ».

On peut le dire autrement : Brexit ou pas c’est aussi une nouvelle fenêtre, une nouvelle perspective  thérapeutique ouverte sur l’avenir.

A demain

1 « De la variabilité de l’effet placebo », Rev Med Suisse 2016;1211-1212. Sur abonnement.

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