Nice : la médiatisation hypertrophiée des tueries ; le risque de l’épuisement de la symbolique

 

Bonjour

Après-midi du 15 juillet. Nice, 84 morts dont dix enfants et adolescents. Et ce communiqué de la Direction Générale de la Santé :

« Attentat de Nice : point de situation sur les blessés. Suite à l’attentat survenu à Nice dans la soirée du 14 juillet, 188 patients ont été pris en charge dans les établissements de santé des Alpes-Maritimes. 48 d’entre eux sont en urgence absolue, dont 25 en réanimation. Un dispositif de prise en charge médico-psychologique a été mis en place à Nice sur plusieurs sites afin d’accompagner les familles et les patients impliqués. Une ligne téléphonique interministérielle d’aide aux victimes et leurs proches a été ouverte par le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international : 01 43 17 56 46. »

Les faits et les chiffres. Point. Pour le reste c’est, médiatiquement et depuis vingt-quatre heures, un déferlement d’émotions, de larmes, de jugulaires et de commentaires. Comment pourrait-il en être autrement ? Charlie Hebdo le 7 janvier, l’Hyper Cacher le 9 janvier, Paris le 13 novembre. Puis les attentats de Bruxelles le 22 mars dernier Sans même parler de ceux de Lahore au Bangladesh le 27 mars, en Turquie à l’aéroport d’Istanbul le 28 juin et dans le reste du pays cette annéeen Irak le 3 juillet

Mais au-delà des innombrables témoignages et images, au-delà des sidérations scénarisées il y a, paradoxalement, un épuisement de l’imaginaire. Non pas une banalisation de l’horreur, plutôt un apprentissage collectif, national, de la résistance. Ce qui, hier, était de l’ordre de l’insupportable entre progressivement dans la catégorie de l’inacceptable. Neurologiquement ceci a une traduction : la migration électrique depuis les territoires de la stupeur au court-circuit médullaire du réflexe.

Attention aux intox !

Eponges des sensibilités collectives, certains journalistes le perçoivent. Ainsi Titiou Lecoq qui, depuis la nuit télévisée de Nice écrit dans sa newsletter pour Slate.fr :

«Je ne sais qu’une chose: ce vendredi matin en se levant on entendra avec horreur le bilan, encore provisoire. Je sais que ce soir, j’ai eu la très désagréable impression d’avoir des réflexes. Réflexes des amis à contacter, des sources à consulter, etc. On a redit les mêmes choses: attention aux intox, ne diffusez pas les photos du massacre, les hashtags pour les portes ouvertes etc. Les photos de gens souriants que leurs proches recherchent. Etc.» 

Se flageller ? Et pourquoi donc ? On peut voir là, simplement, une manière de résister aux effets délétères des nouveaux réseaux – ce 2.0 qui fait de chacun d’entre-nous un hyper-connecté parmi des millions qui nous ressemblent. Ces réflexes sont les premiers  effets d’une entité collective prodigieuse, encore sans nom ; une Toile-iceberg ni tout à fait normale ni pleinement pathologique. On pressent sa considérable puissance – on ne sait pas encore la maîtriser. Et les ennemis de notre démocratie en usent aussi – un peu à la façon dont jadis on usa, en Grèce, d’un gros cheval en bois.

Deuil national et drapeaux en berne

Aujourd’hui, donc, Nice. Que peut le politique exécutif ? Il a, dit-on, failli avec son appli Alerte-Attentat. Pour le reste il fait comme il peut avec ses outils et les communicants payés pour faire office d’interface avec le peuple-citoyen. Il agit en répondant aux demandes que ces communicants imaginent dans l’ivoire des palais de la République.

Et ce même politique pianote sur une symbolique laïque ; une symbolique tenue pour éloigner le bouc émissaire; une symbolique tricolore qui ne s’est guère renouvelée depuis qu’elle existe. Une symbolique qui aujourd’hui se répète, s’accélère, s’épuise d’elle-même.

Après Nice ce sera, pour la deuxième fois en quelques mois, les trois jours de deuil national. Ce sont, déjà, les drapeaux en berne. Ce fut la cérémonie en l’Hôtel des Invalides lors de laquelle le Président parla de réparer les vivants. Et après puisque ce même politique dit ou laisse entendre qu’il y aura d’autres attentats ? Le tocsin républicain ?

A demain

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