Bonjour
Non à l’euthanasie, non au « suicide médicalement assisté », non au statu quo. C’est un événement important dans la déjà longue histoire du droit français confronté à la mort. Un décret d’application publié au Journal officiel du vendredi 5 août établit les conditions de rédaction des directives anticipées pour la fin de vie; des directives qui, sauf exception, s’imposeront aux médecins :
Ce texte donne une définition des « directives anticipées » : un document écrit, daté et signé par leur auteur, majeur, dûment identifié par l’indication de son nom, prénom, date et lieu de naissance. Une personne majeure sous tutelle peut rédiger des directives anticipées « avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué ». Ces mêmes directives anticipées peuvent être, à tout moment, soit révisées, soit révoquées. En présence de plusieurs écrits répondant aux conditions de validité ce sera « le document le plus récent » qui l’emportera. »
Volonté de la personne
Voici les passages importants de ce document :
« (….) la volonté de la personne sur les décisions médicales relatives à sa fin de vie concernant les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitements ou d’actes médicaux dans le cas où elle ne serait plus en capacité de s’exprimer. Le modèle permet à la personne d’exprimer sa volonté selon l’un ou l’autre des cas suivants :
« a) Dans le cas où elle est en fin de vie ou se sait atteinte d’une affection grave, la personne exprime sa volonté concernant son éventuelle situation future et sur la poursuite, la limitation, l’arrêt ou le refus de traitements et d’actes médicaux, notamment ceux entrepris dans le cadre de son affection ;
« b) Dans le cas où elle ne pense pas être atteinte d’une affection grave, elle exprime sa volonté concernant son éventuelle situation future et la poursuite, la limitation, l’arrêt ou le refus de traitements et d’actes médicaux dans l’hypothèse où elle serait victime d’un accident grave ou atteinte par une affection grave ;
« 3° Une rubrique permettant à la personne d’exprimer sa volonté sur la possibilité de bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque, dans les hypothèses prévues par l’article L. 1110-5-2, les traitements la maintenant en vie sont arrêtés »
Deux versions
Ce décret est complété par un arrêté : « Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique »
Ce texte fixe les modèles des directives anticipées. Deux versions prévoient deux situations : celle « des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie au moment où elles rédigent leurs directives anticipées » et celle « des personnes qui pensent être en bonne santé (sic) au moment où elles les rédigent ».
Et maintenant ? La loi disposait déjà, depuis 2005:
«Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment.»
Médiatisation considérable
Les réponses aux principales questions pratiques des «directives anticipées» étaient disponibles sur le site du ministère de la Santé – avec formulaire-type disponible ici. Pourtant, en dépit de l’importance du sujet et de la médiatisation considérable des affaires de fin de vie, ce droit n’était pratiquement jamais exercé. «L’utilisation des directives anticipées demeure très confidentielle: selon une étude récente de l’Ined, elles ne concernent que 1,8% des patients pour lesquels une décision de fin de vie a été prise alors qu’ils n’étaient « plus en capacité de participer à la décision », observait ainsi le Comité national d’éthique (CCNE) dans son avis n°121 de juin 2013. Cela pose très clairement la question de l’appropriation de cette pratique, à la fois par les patients et par les professionnels de santé.»1
Parmi les difficultés avancées la première tenait au document lui-même. Quelle était la valeur de directives rédigées alors que la personne, ayant toutes ses capacités, n’était pas entrée (ou entre à peine) dans la maladie? Comment affirmer que ce qui est dit et écrit en amont de la souffrance serait encore vrai quant les souffrances, l’inconscience, seraient là?
Grande nouveauté
La rédaction de ce document ne sera toujours pas une obligation. Mais (et c’est la grande nouveauté de la nouvelle loi Cleys-Leonetti) ces directives s’imposent désormais aux praticiens alors qu’elles n’étaient jusqu’alors que consultatives. Seuls des cas exceptionnels (prévus par la loi) permet aux médecins de ne pas en tenir compte. Les nouvelles directives anticipées n’ont pas de limites dans le temps alors qu’elles devaient jusqu’à présent être renouvelées tous les trois ans.
Une fois rédigées et signées, elles peuvent être remises à un médecin, à un membre du personnel soignant (d’un EHPAD par exemple) ou à une personne de confiance. Ces directives peuvent aussi être déposées dans le dossier médical partagé, sur un serveur en ligne accessible aux personnels de santé. Bien évidemment il est essentiel que le médecin et/ou les proches sachent que ce document existe et où il peut être trouvé.
Pour sa part le ministère de la Santé annonce une campagne d’information d’ici la fin de l’année auprès des professionnels de santé, puis du grand public -et ce sous l’égide du tout jeune « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ».
Où l’on voit que le politique peut, parfois, modifier la réalité. En mieux – et sans céder aux sirènes nordiques d’un droit au suicide médicalement assisté.
A demain
1 Lire aussi « Fin de vie: vous pourrez peut-être faire votre choix sur votre carte Vitale » (Slate.fr, 22 janvier 2014)