Bonjour
Cannes, Villeneuve-Loubet, Sisco. Comment, en trois jours, a-t-on pu en arriver là ? Comment peut-on, raisonnablement, sur des plages ouvertes aux quatre vents, interdire « un vêtement de bain destiné aux femmes musulmanes qui veulent profiter de la baignade en conformité avec leur interprétation des préceptes de l’islam » ? Quel scaphandrier des profondeurs de la psyché nationale nous dira de quoi de qui et d’où l’on parle ? Quelle métaphore filer pour, sans lasser, dire au plus juste la vérité ?
Dès le samedi 13 août l’édition internationale du New York Times se gaussait, en Une, d’un pays qui voit dans le burkini une menace pour sa sécurité intérieure – une interdiction qui « peut parfois sembler étrange pour les étrangers »:
« Aux Jeux olympiques de Rio, plusieurs femmes musulmanes ont participé à des épreuves avec des vêtements qui couvrent leurs cheveux et leur cou. Des maillots de bain couvrant le visage, portés par des baigneurs inquiets d’une exposition trop forte au soleil, ont également été repérés en Chine et dans d’autres endroits ».
Albion
La perfide Albion n’est pas en reste. Le Guardian (Remona Aly) avance ainsi « cinq raisons de porter un burkini – et pas seulement pour embêter les Français » : « Rendre fou les médias », « économiser de la crème solaire », « diversifier la libération de la femme », « souligner le ridicule de la situation » et « célébrer la liberté ».
Pour sa part, la BBC met en garde les autorités françaises. Elles « devront distinguer les nageuses en burkini et les nageurs en combinaison de plongée ». La chaîne britannique a également demandé à des femmes de confession musulmane ce qu’elles pensaient de l’interdiction du port du burkini sur certaines plages françaises. Pour Aysha Ziauddin, de Norfolk, à l’est de l’Angleterre, ces arrêtés municipaux « sont une attaque islamophobe contre les musulmans ». « Le burkini me donne la liberté de nager et d’aller à la plage sans avoir l’impression de compromettre mes croyances », poursuit-elle. Avait-elle lu, sur Mediapart, Edwy Plenel ?
Régime théocratique
Le Telegraph se montre également d’une particulière virulent contre les interdits du birkini :
« Les vrais ennemis de la liberté ne sont pas les femmes qui portent des burkinis, mais les politiques qui veulent les interdire. Comme un régime théocratique, l’interdiction du burkini à Cannes oblige les femmes musulmanes à choisir entre leur religion et leur identité nationale, et suggère pernicieusement que leur choix du vêtement est une déclaration politique, que ce soit le cas ou non. »
Jusqu’à l’Espagne qui vient, ici, nous donner des leçons de démocratie et de savoir vivre ensemble. Sur le site d’El Pais, la journaliste et écrivaine Berna Gonzalez Harbour s’en prend aux arguments avancés pour interdire le port de ce vêtement. « Si c’est un problème d’hygiène, comme le justifie si bien le maire [de Villeneuve-Loubet], il faudrait peut-être alors réfléchir à l’interdiction des maillots, des lunettes de plongée et des combinaisons thermiques pour les frileux », plaide-t-elle – hommage fait au naturisme qui a tant fait rire M et Mme Emmanuel Macron à Biarritz.
Berna Gonzalez Harbour : « L’inquiétude de la population et les précautions prises par les autorités sont des réactions compréhensibles. Mais de la précaution et des ressources nécessaires à la lutte antiterroriste, à l’intolérance irrationnelle, il y a un pas que la France ne doit pas franchir. »
Marbres vénitiens
L’Italie, elle, reste de marbre. La Nuova di Venezia revient également sur le sujet. Pour le quotidien local, les édiles de la côte vénitienne, à l’est du pays, « ne semblent pas particulièrement troublés » par le port du burkini sur leurs plages. Aucun n’a ainsi prévu de prendre des arrêtés. Valerio Zoggia, maire de la vieille cité de Jesolo, résume tout en un mot : « Je ne peux pas interdire à une femme de se baigner habillée ».
En France (fille aînée de l’Eglise), certains maires estiment qu’ils peuvent imposer aux femmes de se dévêtir si elles veulent mettre le pied sur le sable de la communauté. Qu’en diront, rentrés de la plage, les magistrats du Conseil d’Etat, eux qui ne voient la vie que dictée par la loi ?
A demain