Bonjour
Il y a un an, grosse campagne de publicité dans le métro parisien : on y vantait les mérites de l’Efferalgan® « vanille-fraise » (250 mg). Nous nous en étions ému. Sucrer des médicaments ? L’émotion à atteint Bordeaux. Une ancienne ministre socialiste et toujours députée de la Gironde vient d’écrire à Marisol Touraine, ministre de la Santé. Cela donne : « Médicaments ‘’Fraise-Tagada’’, Michèle Delaunay alerte la ministre de la Santé ». Extraits :
« Depuis plusieurs mois, des médicaments, pour enfants mais aussi pour adultes, accessibles sans ordonnance, se développent, avec des saveurs différentes, comme l’Efferalgan® « cappuccino » ; le Fervex® « framboise » ; ou le Smecta® « fraise ».
J’alerte, ce jour, la Ministre de la Santé, Marisol Touraine, sur les risques de ces médicaments aromatisés, et je me saisirai de cette question dans le cadre du PLFSS pour 2017 dont je suis la rapporteure.
S’il peut être pertinent de donner une saveur agréable pour les enfants en bas âge pour parvenir à les traiter, il n’est en revanche pas souhaitable que des médicaments pour enfants et adultes, deviennent un produit de consommation marketing avec un choix de goûts et de saveurs innovants et ‘’à la carte’’. »
Séductions sucrées
Pour la députée girondine les industriels du médicament « doivent cesser de développer des produits qui ont pour seul objet de séduire des consommateurs en dehors du seul effet thérapeutique ». Cette banalisation de médicaments facilement accessibles chez tout pharmacien est dangereuse en elle-même. Faut-il rappeler que les médicaments sont bénéfiques pour leurs effets thérapeutiques, mais immanquablement toxiques quand les doses ou les indications ne sont pas respectées ?
« Ces pratiques doivent être à l’avenir davantage encadrées et réglementées, prévient l’ancienne ministre. Les emballages ‘’attractifs’’ doivent demeurer dans des limites de grande sobriété et le strict respect de la dose doit être rappelé en même temps que la mention de l’aromatisation. »
Il est curieux que les pharmaciens eux-mêmes ne se soient pas émus de ces pratiques publicitaires dépassant les frontières sanitaires. Sans parler de l’Agence nationale de sécurité du médicament(ANSM). On pourrait aussi s’interroger sur l’éthique des industriels de la pharmacie.
Masquer l’amer
«Les ventes de ces produits augmentent et les laboratoires concurrents, notamment sur des produits qui contiennent du paracétamol, tentent d’attirer les patients avec ces arguments marketing» a expliqué Michèle Delaunay au Figaro. Pour le moment, la députée ne dispose pas de chiffres concernant la vente de ces médicaments, mais elle prévoit d’en faire la demande aux entreprises concernées, afin de mieux évaluer les risques éventuels.
Cette initiative est jugée «surprenante» par la déléguée générale de l’Afipa (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable). Mme Daphné Lecomte-Somaggio rappelle que les médicaments contenant des arômes font l’objet d’un contrôle par l’ANSM «Il est important que les gens soient informés sur l’automédication et cela fait des années que nous réclamons une campagne d’information nationale», a déclaré Mme Lecomte-Somaggio au Figaro.
Pour Olivier Lafont, président de la Société d’histoire de la pharmacie, l’aromatisation a «toujours été nécessaire pour que les patients acceptent de prendre leurs médicaments. «Déjà, au Moyen âge, les apothicaires utilisaient du miel pour masquer la saveur amère», rappelle-t-il. C’est là une vraie question : les potions 1 se doivent-elle d’être amères ? Et si elles ne le sont plus, sont-elles encore des potions ?
A demain
1 Potion : Médicament liquide que l’on absorbe par cuillerées, qui est le plus souvent délivré sur ordonnance et préparé en pharmacie. Potion calmante, purgative; potion contre la toux; boire une potion; avaler, prendre sa potion; ordonner, prescrire, préparer une potion; formule d’une potion; fiole de potion.
− [Dans les contes, les récits] Potion magique. Potion à pouvoir extraordinaire. Panoramix, le druide vénérable du village, cueille le gui et prépare des potions magiques. Sa plus grande réussite est la potion qui donne une force surhumaine au consommateur (R. Goscinny, Astérix aux jeux olympiques,Neuilly-sur-Seine, Dargaud, 1968, p.4).
J’avais pour évoqué avec les autorités cette campagne, l’an dernier, à sa sortie. Elle illustrait le rôle des arômes dans notre culture « addictogène », sur lequel je travaille depuis longtemps. On sait que les alcooliers ont su développer la culture de l’arôme, présent naturellement dans l’oenologie, pour faire boire à coup de goût « fraise tagada » ou autres sucres, des alcools blancs à des jeunes qui ne seraient pas aussi facilement allés vers ces produits. Mais nos amis de l’e-cig ne manquent pas de rappeler le rôle positif des arômes pour aider l’usager à trouver le bon produit. Et dans le journée du Cnam, j’avais pu en parler avec eux, dans le questionnaire et en off. Reste les mystères du calendrier, car se lancer sur ce débat ces jours-ci, en faire une priorité de santé est pour le moins étrange, sauf si j’ai raté un épisode dans le grand Barnum de l’actualité.
JPC >
PS , william devrait pouvoir en témoigner, il me semble même que dans la mise à dispo de méthadone sirop, sont goût « amer » désagréable avait été retenu comme argument supplémentaire pour éviter le « mésusage ». L’occultation de la question du goût, éternellement jugée annexe par les puristes, dans la question de l’alcool ou du médicament « chronique » est réelle.
JP
>