Bonjour
Gentil marronnier chiffré de rentrée : le célèbre « Palmarès des hôpitaux et cliniques » de nos confrères du Point (François Malye et Jérôme Vincent). Travail de Titans. Souvent imité, jamais égalé, toujours atendu. Le temps n’est plus où l’Ordre de Paris avait été saisi de l’affaire par quelques mal-classés menaçants. Aujourd’hui le « Palmarès » fait partie du paysage.
Le millésime 2016 s’ouvre avec, en affiche, une double paire d’yeux bleus transfixiants : ceux des Drs Mgali Flot et Séverine Bignon (chargées des consultations de diabétologie-obésité à l’hôpital de Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Saviez-vous que les meilleurs pour les ligaments des genoux étaient la Clinique mutualiste de Saint-Etienne et l’Hôpital de la Croix-Rousse de Lyon ? Et que le temple Pitié-Salpêtrière n’était que dixième ?
Dérives isolationnistes
Des centaines de tableaux, classements, explications. Sautons à la page 136 du Point: « Psychiatrie : les dérives de l’isolement thérapeutique ». Isolement thérapeutique est une forme d’euphémisme. On parle aussi de privation de liberté, d’enfermement, de malades attachés. Bref : de camisole de force. Un chiffre : pour 2014 on a recensé 26 676 patients qui « ont connu un enfermement plus ou moins long ». Cela se passe dans des chambres « d’isolement thérapeutique », souvent avec une « contention mécanique ». On veut dire, ici, des sangles.
Il ne faut pas connaître la psychiatrie pour savoir que de telles contentions sont parfois nécessaires, indispensables, dans l’intérêt vital du malade et/ou de son entourage. Il ne faut pas connaître la psychiatrie pour ne pas imaginer que de telles pourraient, parfois, être pratiquées plus souvent que nécessaire. Des chiffres ? Nos confrères citent le « taux d’isolement thérapeutique ». Sa moyenne nationale est de « 1,9% ». En 2013 il n’était que de 1,73%. La durée moyenne d’enfermement, dans le même temps, augmente : 13,8 jours en 2013, 14,3 jours en 2014.
Consentement ou pas
« Pire elle est souvent pratiquée de façon anarchique, parfois au détriment de patients vulnérables », peut-on lire dans Le Point. Le constat avait déjà été dressé en mai dernier par Adeline Hazan, 60 ans, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature avant de devenir « contrôleur général des lieux de privation de liberté » (CGLPL). On peut lire son rapport ici : « Isolement et contention dans les établissements de santé mentale ».
« Il n’appartient pas au CGLPL d’apprécier la pertinence thérapeutique du recours à ces mesures coercitives. Mais il lui revient de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans leur consentement et dans ce cadre il constate que ces pratiques leur portent une atteinte certaine, plus au moins grave, plus ou moins étendue selon les circonstances. »
Le Point, comme Mme Hazan, nous parle d’une régression collective dans notre rapport à la folie ; un rapport que le développement des neuroleptiques suivi de nouvelles grilles de lecture, avaient, dans les années 1970, permis de faire évoluer. Parmi ses observations Mme Hazan dit constater un détournement de l’utilisation d’outils prévus pour faire face à des situations de crise limitée dans le temps – détournement à des fins disciplinaires ou de sanction.
Retourner le sablier
Qui, ici, s’indigne ? Plus les responsables politiques ferment les yeux et plus la psychiatrie va mal ; et plus elle va mal et mieux la contention se porte. Le Point cite ici des chiffres et des établissements : le Centre hospitalier de la Savoie (11,81%), le CHU de Reims (9,39%) et le centre hospitalier de Nemours (18,91%). Un chiffre stratosphérique ose Le Pont. Un défaut de logiciel explique la directrice : « il compte les heures en jours ». Peut-être suffirait-il, mains libérées, de retourner le sablier ?
A demain