Bonjour
Non, les scandales sanitaires ne se réduisent pas toujours à la quête du bouc émissaire. Il faut aussi songer aux dimensions financières. Dans l’affaire de la Dépakine® , Le Figaro a fait ses comptes : environ six milliards d’euros. Plus précisément la quotidien a fait travailler Catherine Hill, épidémiologiste bien connue de l’Inserm et ancien membre du conseil scientifique de l’Agence du médicament (ANSM). Il ressort de ses équations que 12.000 «enfants Dépakine® » seraient nés en France entre 1967 et 2015. Mme Hill a travaillé à partir des résultats obtenus par l’Assurance-maladie et l’ANSM –résultats rendus publics fin août après une longue polémique brusquement relancée par Le Canard Enchaîné.
Douze mille enfants
Selon les deux institutions, entre 2007 et 2014, plus de 14.000 femmes enceintes ont été «exposées» à la Dépakine® et des autres spécialités pharmaceutiques à base de valproate de sodium. L’épidémiologiste a aussi pu utiliser ce qui est généralement du ressort du secret-défense de l’industrie pharmaceutique: les données de ventes annuelles de valproate de 1983 à 2015. Elle a postulé que le rapport entre les « grossesses exposées » et les ventes était constant avant 2007 (et égal à celui observé en 2007) – et qu’il était, en 2015, égal à celui de 2014.
« Pour Catherine Hill, sur la base de la totalité des ventes du produit dans notre pays entre 1967 et 2015, 50.000 femmes ont été exposées au valproate pendant une grossesse, que se soit pour soigner une épilepsie ou des troubles bipolaires, résume Le Figaro (Anne Jouan). De ces 50.000 grossesses, 30.000 enfants sont nés vivants. Or l’on sait que 10 % des enfants exposés in utero au valproate ont des malformations, ce qui correspond à 3 000 enfants malformés, et que 40 % de ces enfants auront des troubles neurocomportementaux, soit 12.000 enfants. Comme certains cumulent ces troubles, entre 1967 et 2015 inclus, ce sont donc 12.000 enfants au moins qui sont nés en France avec des problèmes imputables à la Dépakine® . »
500 000 euros par enfant
Partant de ces estimations, Le Figaro a calculé.
« Nous avons pris le dossier d’expertise judiciaire d’un enfant modérément atteint, puis nous l’avons chiffré et nous l’avons multiplié par 12.000, à savoir le nombre d’enfants Dépakine® nés depuis 1967. Résultat: un coût de 6 milliards d’euros pour la collectivité pour la prise en charge de leurs handicaps depuis leur naissance jusqu’à leurs 18 ans. Le chiffre correspond donc à une fourchette très basse.
« Comment avons-nous procédé? Nous nous sommes basés sur l’exemple de cet «enfant-cas témoin» car il est emblématique des bébés Dépakine ® : il souffre de malformations, mais beaucoup moins que certains (des enfants multiplient les opérations de la colonne vertébrale) et, en même temps, il est plus atteint que d’autres, épargnés par les effets secondaires du médicament. »
En usant de différents paramètres dont sont friands les experts judiciaires (handicap, tierce personne pour la vie quotidienne et pour la scolarité, temps scolaire avec une aide de vie, allocation pour les parents jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant – 350 euros par mois….. Soit, au bas mot, un total de 500.000 euros à la charge de la collectivité jusqu’à sa majorité. Et en multipliant par le nombre d’enfants calculés par Catherine Hill, on arrive à la somme de …six milliards d’euros.
Mutisme de Sanofi
Qui va payer? Pour l’heure c’est la collectivité, la solidarité nationale. Que va décider l’État ? On sait que la mise en place d’un « fonds d’indemnisation » est en discussion. Et Marisol Touraine a cru bon de préciser que l’Etat n’allait pas « chipoter ». Vers quoi va déboucher l’enquête préliminaire ouverte l’automne dernier par le pôle santé du parquet de Paris? Au cœur de toutes ces questions : Sanofi, fabricant historique de la Dépakine®. La multinationale française Sanofi comme toujours muette quand il ne s’agit pas de vanter les mérites de ses spécialités.
Question : ce mutisme va-t-il durer ?
. A demain