Alcooliques : une grande émission de télévision; faire l’économie de l’enfer et des démons ?

 

Bonjour

Ce fut, mardi 20 septembre « en première partie de soirée sur France 5 », une émission de télévision comme on pourrait en rêver 1. Un documentaire fit d’intelligence et de respect (Marie Agostini) suivi d’un débat mené sous une bienveillante férule (Marina Carrère d’Encausse). Un alcoologue confessant ses erreurs passées (le Dr Philippe Batel). Une ancienne « cadre dirigeante » du BTP devenue alcoolique après la mort de son mari –  aujourd’hui ressuscitée (Laurence Cottet). Une médecin alcoologue éclairante travaillant dans le service addictologie de l’hôpital de Valence (Dr Christine Joly).

Et les membres lumineux d’un « Groupe de parole » lumineusement filmés. Nous étions aux antipodes des visages floutés et des caméras cachées. Une télévision faite de respect et de hauteur de vue comme on redoutait qu’il n’en existât plus.

Béquilles

Sujet : la « maladie alcoolique ». Ou plus précisément ce qui ce trame avant et après la prise en charge de la phase aigüe de cette maladie chronique. Les plaisirs infinis, l’angoisse de la rechute, la possible renaissance à la vie, le dégoût de soi sous-jacent, l’abrutissement auto-administré, les béquilles indéfiniment débouchées, décapsulées, les béquilles au goulot qui vous laissent bientôt allongés sur le plancher, la honte toujours recommencée.

Tout fut dit, compris, sous la caméra de Marie Agostini. Comment ne pas saluer le courage et la solidarité thérapeutique d’Etienne,  de Virginie, de Christine et de son mari, de Fabrice, de Thierry et de tous les autres ? Des gueules, des confidences, quelques pleurs, des rires, des rideaux de nostalgies. Jamais de voyeurisme. La classe de la documentariste. C’est elle qui fait comprendre, aux antipodes des sorties médiatiques autocentrées (cf  l’addictologue libérale Marie de Noailles), l’humanité,  les soins et l’apport soignant des « Groupes de parole » hospitaliers ?

Paroles et écrits

Chaque chapitre de la maladie alcoolique fut, sinon disséqué, du moins raconté : la honte, le déni, l’énergie considérable dépensée à prendre du plaisir, à cacher, à se mentir, à se brûler, à s’autodétruire, le sevrage, la rechute, la quête d’une explication dans le passé, la fragilité, les émotions à fleur de peau. Toute une sémiologie et, derrière les grands invariants diagnostiques, la puissance thérapeutique de la parole. Ce fut ainsi une émission où l’on ne parla pas des « médicaments antialcooliques » – hormis une petite pique, presque déplacée, du Dr Batel sur le baclofène.

Une émission où l’on parla de la parole mais aussi de l’aide, également puissante, de l’écrit. Et de ceux qui ont le pouvoir politique, dramatiquement impuissants quand isl ne sont pas complices.

Vade retro

Et puis, dans tout cela quelques touches métaphoriques récurrentes, comme des scories : « le démon de l’alcool », « l’enfer de la bouteille » etc. D’un côté que l’excès d’alcool n’est ni un vice, ni une tare, ni un manque de volonté. Pour autant on ne peut faire l’économie du péché, de la honte, du prix à payer. C’est une maladie certes, mais une maladie qui ne parvient pas à se séparer de la religion et tout particulièrement de la chrétienté. Il faut faire taire le démon qui est en soi. Pourquoi ? La métaphore aide-t-elle à soigner ? On évitera le terme guérir : chaque alcoolique a, tout bien pesé, suffisamment payé pour savoir que le paradis n’est pas ici.

«  De fait nous ne sortons pas des « paradis infernaux »,  du petit singe (ou démon) sur l’épaule, bref de  l’aliénation, résume le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Un Alien aujourd’hui, un démon jadis. Ce n’est pas moi, c’est un autre qui se révèle avec les substances que je consomme. Et cet autre est tout puissant – comme un mauvais copain de récréation…   Dur de passer de la Sorcellerie à la neurobiopsychologie sans garder une saveur d’inquisition, un peu de religion et beaucoup de morale. Demain, peut-être ? ». Demain, sans doute.

A demain

1 « La vie après l’alcool » France 5 (à voir ou revoir sur Pluzz)

 

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