Bonjour
C’est important et c’est à lire dans Libé de demain (Eric Favereau): « Alzheimer : ‘’Les produits prescrits ne sont pas utiles’’». On y apprend que la Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé prône désormais le déremboursement de quatre médicaments jugés inefficaces :
« Sanction terrible, sans appel : «insuffisant pour être pris en charge par la solidarité nationale». La Commission de la transparence, en charge de l’évaluation des médicaments au sein de la Haute Autorité de santé a rendu ce mercredi son avis : pour ces experts, les quatre médicaments encore largement prescrits contre la maladie d’Alzheimer ne servent à rien. C’est maintenant à la ministre de la Santé d’acter leur avis, et de retirer ces produits de la liste des traitements remboursables. »
Aricept ®, Exelon ®, Reminyl ® et Exiba ®
L’annonce (qui n’a pas encore été confirmée par la HAS) fera peut-être tristement sourire ceux qui, dans le désert, prône ce déremboursement depuis des années. A la fois parce que ces médicaments sont inefficaces, potentiellement dangereux et particulièrement coûteux. Pour notre part nous avions déjà exposé les termes de cette situation invraisemblable sur Slate.fr il y a cinq ans : « Alzheimer: quatre médicaments à oublier » (Slate.fr, 20 septembre 2011). Nous n’avions que cinq ans d’avance :
« La messe semble sur le point d’être dite pour Aricept, Exelon, Exiba et Reminyl. A la veille de la 16e journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer une série d’informations convergentes laissent entendre que la Haute autorité de santé (HAS) devrait, sous peu, se prononcer en faveur d’un déremboursement des quatre médicaments officiellement indiqués, en France, dans le traitement de la maladie d’Alzheimer; des médicaments pris en charge à 100% par la sécurité sociale. »
Déjà dans la la ligne de mire de la HAS, quatre spécialités qui ne sont pas véritablement des nouveautés: l’Aricept ® (donepezil) de la firme Eisai (commercialisé depuis septembre 1997) l’Exelon ® (rivastigmine) de Novartis ® (mai 1998), le Reminyl ® (galantamine) de Jansen-Cilag (octobre 2000) et l’Exiba ® (mémantine) de Lundbek (mai 2002). Rien n’a changé.
Alerte sur France Culture (janvier 2011)
Une alerte avait été publiquement lancée en janvier 2011 sur France Culture par les Drs Claude Leicher, président du syndicat de la médecine générale et Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de la revue Prescrire. Ces deux médecins y dénonçaient le maintien sur le marché français de ces quatre médicaments. Dr Toussaint :
«Ce sont des médicaments qui tuent. Certes ils ne tuent pas toujours et pas tout de suite, mais ce sont des médicaments qui tuent comme le montrent les quelques études qui ont comparé les conséquences, au-delà de six ou neuf mois, de la prise de ces médicaments à celle d’un placebo. La maladie d’Alzheimer est souvent un drame et nous ne savons ni guérir ni prendre en charge d’un point de vue médicamenteux. Le placebo peut être très utile. Mais un vrai placebo, qui n’a pas d’effets indésirables.»
Le Dr Claude Leicher ajoutait:
«Pourquoi continue-t-on à mettre systématiquement des personnes de plus de 80 ans qui ne demandent rien à personne sous des médicaments dont le service médical rendu est considéré comme nul et dont la toxicité commence à émerger? Il y a beaucoup plus besoin d’un accompagnement des patients que d’une prescription médicamenteuse (…) Nous devenons prisonniers de la prescription des spécialistes parce que les patients eux-mêmes sont devenus prisonniers de ces prescriptions. Il faut retirer ces médicaments du marché.»
Ainsi, dès janvier 2011 tous les éléments étaient réunis pour faire du dossier des médicaments «anti-Alzheimer» une crise sanitaire. Depuis près de vingt ans ce sont plusieurs milliards d’euros dépensés en pure perte pour leur remboursement 1. Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, n’eut pas le courage de trancher.
Boomerang avec six ans de retard
Six ans plus tard le dossier revient, comme un boomerang, devant Marisol Touraine. Libération a (une nouvelle fois) interrogé le Pr Olivier Saint-Jean (voir sa vidéo), qui dirige le service de gériatrie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, ainsi que le service de soins de suite de l’hôpital Corentin-Celton. Il est aussi membre de la Commission de la transparence de la HAS. Extraits :
« La Commission remarque qu’elle n’a aucune mesure de l’impact de ces médicaments au long cours. Cela ne permet pas de savoir s’ils changent le destin des malades, en termes d’autonomie, de qualité de vie, ou de pouvoir choisir de rester à domicile. Les seuls effets observés l’ont été à partir d’une échelle de mesure des fonctions intellectuelles peu pertinente, et même sur cette échelle le seuil minimum n’a pas été atteint. Donc, efficacité au mieux extrêmement marginale, à court terme.
« Les données de tolérance pointent des effets indésirables importants, notamment digestifs fréquents, cardiovasculaires (potentiellement graves bien que peu fréquents), mais aussi des symptômes psychiques comme des cauchemars, des crises d’angoisse et, enfin, d’autres effets variés comme des crampes, des rhinites, pas forcément graves mais qui empoisonnent la vie quotidienne des malades. La conclusion de la Commission de la transparence est donc que le rapport bénéfice-risques n’est pas favorable à ces quatre médicaments. Insuffisant pour qu’ils soient considérés comme utiles. Nous émettons un avis défavorable. La conséquence est qu’ils doivent être retirés de la liste des médicaments remboursables. »
Que s’est-il donc passé entre 2011 et 2016 ?
« Nous avons porté un regard plus rigoureux sur ces médicaments. Et surtout, un des éléments nouveaux est qu’aujourd’hui nous avons des aides non pharmacologiques. Nous disposons d’une autre prise en charge crédible. Je rappelle aussi qu’en 2011 le vote au sein de la Commission avait été très serré, à une voix près.
« Quant à l’argument qui était de maintenir ces médicaments car ils maintenaient un lien thérapeutique avec le patient [argument défendu par voie de presse par quelques mandarins proche de l’industrie pharmaceutique ndlr] cela renvoie à une approche archaïque. C’est de la médecine à l’ancienne. En plus il n’a jamais été montré que ces médicaments apportaient le moindre bénéfice dans la vraie vie des patients. Pire, une vaste étude qui a suivi plus de 10 000 personnes en France montre des résultats déroutants. Certes, il y a des biais méthodologiques mais les personnes qui sont passées par les consultations mémoire et qui ont reçu des médicaments ont un plus mauvais pronostic et vont plus souvent que les autres en Ehpad. »
Dans Libé le Pr Olivier Saint-Jean porte le fer loin dans la plaie. Il explique que la Commission de transparence a reçu un certain nombre de courriers (aussi bien signés par des médecins des centres mémoire que par les sociétés savantes – de neurologie, de gériatrie, de psycho-gériatrie) développant un argumentaire « pro-médicaments) identique à celui présenté par les firmes devant la Commission. « Au mot près », dit-il.
Tout est désormais expliqué au grand jour. Que décidera Marisol Touraine ? Et quand ?
A demain
1 On estime aujourd’hui entre 30 000 à 40 000 le nombre des patients qui reçoivent ces « médicaments » pendant quelques mois. Soit une dépense pour la collectivité d’encore 100 à 130 millions d’euros par an. Dans les années 2000, ce chiffre était monté à près de 400 millions par an. « Vous mesurez l’ampleur des sommes dépensées… à perte. Et le nombre d’aides humaines pour les patients et leurs aidants que l’on aurait pu financer avec ces milliards d’euros. Quel gâchis, quelle honte ! » déclare le Pr Saint-Jean.
Bonjour
personnellement si les conditions de local adapté sont correctes, je ne vois pas pourquoi le pharmacien ne vaccinerait pas correctement. En revanche, ce qui me dérange énormément, et j’y vois un conflit d’intérêt majeur, c’est de rencontrer un présentoir publicitaire sur le comptoir de la pharmacie, avec le texte « prévenez les états grippaux » pour vendre des doses d’influenzinum. Idem pour oscillococcinum, dilution infinitésimale de foie de canard. Alors je ne peux pas prendre au sérieux la proposition de vendre ces pipis de sansonnet et dans le même temps d’administrer un vrai vaccin avec toute la rigueur scientifique qui a permis de le concevoir et de le fabriquer.
Jean-Marie Kaiser
Pharmacien des hôpitaux (en retraite)
Mon précédent post concerne bien entendu le sujet du vaccin grippal dans les pharmacies d’officine et non Alzheimer. Excusez cette erreur de clic.