Bonjour
Le scoop de Libé ? Il a eu l’effet d’une belle pierre jetée dans une discipline médicale sans histoires ni scandales connus : la gérontologie. Officiellement il n’est pas confirmé mais on nous confirme de très bonne source nos écrits d’hier. C’est acté : la Commission de Transparence a voté le 19 octobre que les quatre « médicaments anti-Alzheimer ne présentaient pas un « Service Médical Rendu » suffisant « pour justifier une prise en charge par la solidarité nationale ». Ou plus précisément ne le présentait plus. Il faudra un jour revenir sur l’évolution d’une situation qui voit les mêmes quatre médicaments être considérés comme utiles et remboursés avant de devenir inutiles pour ne pas dire toxiques :
L’Aricept ® (donepezil) de la firme Eisai (commercialisé depuis septembre 1997) l’Exelon ® (rivastigmine) de Novartis ® (mai 1998), le Reminyl ® (galantamine) de Jansen-Cilag (octobre 2000) et l’Exiba ® (mémantine) de Lundbek (mai 2002). Spécialités aujourd’hui génériquées.
Le balayeur Xavier Bertrand
Qui se souvient qu’en 2007, la même Commission de Transparence avait, au prix d’une invraisemblable contorsion, considéré que ces médicaments avaient un rôle « important » qui justifiait le remboursement, tout en n’apportant qu’un progrès thérapeutique « mineur ». Qui était alors autour de la table, avec quels arguments ? Neuf ans plus tard « l’intérêt médical est insuffisant pour une prise en charge par la collectivité ». Comment tout cet échafaudage a-t-il pu tenir si longtemps ? Quels artifices, dans quelles coulisses ? Sans pouvoir parler de conflits d’intérêts on ne peut manquer d’évoquer l’hypothèse.
Qui se souvient de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé et de son astuce du balayeur : « Alzheimer: l’astuce (française) du balayeur Bertrand » (Slate.fr 2 mai 2012). En 2011, après une à dégradation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR), certains avaient senti le vent du boulet – mais la prise en charge à 100 % dans le cadre de l’affection de longue durée (ALD) avait été maintenue par le ministre Xavier Bertrand.
Aujourd’hui certains se liguent contre le Pr Olivier Saint-Jean (voir sa vidéo), gériatre à l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP) et membre de la Commission de transparence : on l’accuse d’avoir dit à Libération ce que la Haute Autorité de Santé aurait dit dans quelques jours. Un crime ?
Gérontologie idéologique
L’analyse du Pr Saint-Jean n’est pas partagée par le Pr Mathieu Ceccaldi, neurologue à Marseille et président de la Fédération nationale des centres mémoire de ressources et de recherche (FCMRR). Il a défendu l’utilisation des anti-Alzheimer à travers une étude auprès des centres mémoire publiée au printemps et a cosigné un courrier adressé à la HAS avec d’autres présidents de sociétés savantes (Société française de gériatrie et de gérontologie, Société française de neurologie, Société de psycho-gériatrie de Langue française). Il s’exprime aujourd’hui dans Le Quotidien du Médecin (Dr Irène Drogou) :
« Cela va faire du mal aux patients car les effets cognitifs et comportementaux ne sont pas substituables par d’autres molécules. Les praticiens vont se tourner vers les neuroleptiques, autrement plus délétères que les anti-Alzheimer (…) Les propos du Pr Olivier Saint-Jean sont très choquants. Il s’exprime sans aucune inhibition dans la grande presse avant même que l’avis soit accessible, je trouve cela inquiétant. »
« La vérité, c’est qu’Olivier Saint-Jean appartient à un courant de pensée anti-médicament en gérontologie. Je suis le premier à défendre les approches non pharmacologiques, mais les médicaments sont un autre aspect de la prise en charge. La France est à contre-courant de ce qui se fait ailleurs et va se marginaliser pour faire de la recherche sur Alzheimer. Si les institutions veulent se doter d’experts « neutres », il faudrait qu’elles s’assurent aussi de l’absence de conflit d’intérêts idéologique. »
Bon vieux gâtisme
Ce sont là des accusations qui ne sont pas sans gravité. « Le danger de dérembourser est d’ignorer que ce qui est fait pour ces malades repose avant tout sur la mise en route d’un traitement spécifique. Supprimer le traitement, c’est courir le risque de voir disparaître les effets positifs des trois plans Alzheimer ! » affirmait le 19 septembre 2011 dans une tribune publiée par Le Monde, Christophe Trivalle, gériatre à l’Hôpital Paul-Brousse (Villejuif, AP-HP). C’étaient il y a cinq ans. Il écrivait aussi :
« Si on supprime ces médicaments, la France sera le premier pays qui verra ainsi disparaître la maladie d’Alzheimer, car plus personne ne fera de bilan diagnostique pour une pathologie sans aucun traitement. Et on en reviendra à la démence sénile et au bon vieux gâtisme d’antan. »
Est-ce vraiment ainsi que les médecins agissent ? Que va choisir Marisol Touraine ? Et quand ?
A demain
Pr Matthieu Ceccaldi Marseille :
88 avantages et 31 conventions.
On comprend mieux son attachement aux médicaments
Pr Olivier Saint-Jean
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