Bonjour
Rien, vraiment rien, ne rapproche Mediapart du Figaro si ce n’est la pratique du journalisme – ce qui, parfois, peut signifier beaucoup. Or voici, précisément que les sociétés des journalistes de ces deux médias se réunissent et font cause commune contre ce qu’il faut bien appeler une étrange menace émanant de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM).
La direction de cet Etablissement public français leur reprocherait leur couverture de l’affaire BIOTRIAL, cet essai clinique ayant notamment causé la mort d’un volontaire sain. Une information judiciaire est actuellement ouverte des chefs d’homicide involontaire et de blessures involontaires.
Presse complaisante
Il faut, pour comprendre, lire le communiqué qui vient d’être diffusé « Mediapart et Le Figaro protestent contre les pressions de l’Agence du médicament ». Extraits :
« Les Sociétés des journalistes du Figaro et de Mediapart dénoncent les méthodes de l’agence du médicament (ANSM) dans l’affaire de l’essai clinique de Rennes. Dominique Martin, actuel directeur général de l’agence, n’apprécie pas le travail rigoureux de certains journalistes, et préfèrerait une presse plus complaisante et plus docile.
« Le 28 octobre, Dominique Martin a écrit à la direction du Figaro et de Mediapart à qui il n’hésite pas à demander ‘’de bien vouloir cesser de citer nommément les agents de l’ANSM’’. Il exige aussi que ces deux médias retirent les noms figurant dans les précédents articles mis en ligne depuis… janvier dernier. L’une des fonctionnaires de l’ANSM, Farida Ouadi, a de son côté fait envoyer par ses avocats, aux deux mêmes journaux, une mise en demeure. Elle exige que l’on cesse de divulguer son identité.
Rendre compte aux citoyens
« Ni Dominique Martin, ni les avocats de Madame Ouadi, ne s’appuient sur le moindre fondement juridique qui imposerait de respecter l’anonymat des agents de la fonction publique et qui justifierait leurs demandes. Monsieur Martin, qui fut membre du cabinet de Bernard Kouchner, ministre de la santé (2001-2002), et Madame Ouadi, salariée de l’ANSM, travaillent tous deux dans une agence nationale, qui, à ce titre, a des comptes à rendre aux citoyens.
« Retirer les noms de personnes citées dans des articles déjà publiés, tout comme s’interdire de les nommer à l’avenir, est contraire à notre métier, celui d’informer. Et cela, d’autant plus que ces personnes ont été parties prenantes dans la chaîne de décision qui a conduit à l’accident mortel. »
L’aval de Marisol Touraine ?
Il faut ici rappeler que l’ANSM avait validé l’essai clinique de Rennes avant d’enquêter sur ce même essai. Il faut aussi souligner (comme nous l’avons fait à plusieurs reprises sur ce blog) que les enquêtes du Figaro et de Mediapart ont conduit à éclairer de lumières non officielles, certaines des conditions dans lesquelles l’ANSM avait autorisé cet essai. Elles ont aussi conduit à s’interroger sur le fait de savoir si cette puissante agence avait, ici, pleinement rempli les missions de santé publique qui sont les siennes.
Les Sociétés des journalistes du Figaro et de Mediapart qualifient, justement, les requêtes de Dominique Martin et de Farida Ouadi d’ « inacceptables ». Elles réaffirment leur volonté de poursuivre leur travail d’information, sans céder aux tentatives d’intimidation. On voit mal, à dire vrai, comment, les connaissant, ces tentatives pourraient les intimider.
Ce travail d’information pourrait notamment s’orienter sur les véritables raisons qui conduisent à ces tentatives. L’une des questions soulevées est celle de savoir si Marisol Touraine, ministre de tutelle de l’ANSM a donné son aval pour que de telles pressions puissent s’exercer. On peut supposer que la réponse ne manquerait pas d’intérêt.
A demain