Bonjour
Pour l’heure c’est un mystère. Sera-ce, demain, une affaire ? Les seuls éléments connus sont ceux donnés dans la soirée du 17 novembre par un communiqué urgent de la Direction Générale de la Santé (DGS) – un communiqué dont chaque mot a été soupesé. Ils permettent, d’ores et déjà, de circonscrire la problématique.
Nous savons donc que « quatre patients adultes traités pour lymphome au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes ont présenté des complications graves entre le 10 et le 13 novembre 2016. Trois d’entre eux sont décédés. Le quatrième patient est toujours hospitalisé ».
Ces quatre patients souffrant de lymphome suivaient une cure de chimiothérapie intensive avec auto-greffe au sein du service d’hématologie clinique de ce CHU lorsqu’ils ont été victimes de ces complications. Tous recevaient un traitement parfaitement codifié. Seule observation notable : le traitement comprenait du du cyclosphosphamide en lieu et place du melphalan, généralement utilisé dans ce type de thérapeutique.
« Tensions » européennes d’approvisionnement
La DGS ouvre une piste (avant de la relativiser) :
« Le traitement avec cyclosphosphamide est validé par la communauté médicale. Il a été utilisé pendant des années pour la prise en charge des lymphomes. Il est actuellement utilisé par d’autres établissements en France, dans le même contexte, sans que de telles complications aient été rapportées. »
Il n’en reste pas moins qu’il faut bien justifier ce choix :
« Les médecins du CHU de Nantes expliquent l’utilisation du cyclosphosphamide par les tensions d’approvisionnement européennes sur le melphalan et par leur choix de réserver les lots dont ils disposaient au traitement des patients atteints de myélome, indication pour laquelle il n’y a pas d’alternative. »
C’est ainsi qu’une nouvelle question se pose : quelles sont ces « tensions européennes d’approvisionnement sur le melphalan » ? L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne fournit ici aucune explication quant les difficultés rencontrées par les médecins hospitaliers français et européens pour se fournir du melphalan (Alkeran ®) – rationnement leur imposant des choix que l’on ne peut imaginer que délicats. Or les indications de ce médicament dépassent les seuls lymphomes :
« Intensification thérapeutique utilisé seul ou en association avec d’autres agents cytotoxiques et/ou irradiation corporelle étendue ou totale dans le traitement de: myélome multiple ; lymphomes malins (maladie de Hodgkin, lymphomes non Hodgkiniens), leucémies aiguës lymphoblastique et myéloblastique, neuroblastome de l’enfant, adénocarcinome ovarien, adénocarcinome mammaire. »
Relation de causalité
Ces « tensions » existent depuis le mois de janvier dernier et rien n’est connu quant à un retour à la normale. Selon le site Vidal.fr elles sont liées « à un problème industriel sur l’unique site de production en Italie » et « touchent l’ensemble des pays commercialisant ce médicament ». Assez étrangement la situation de pénurie est directement gérée par la société distributrice; en témoigne une lettre adressée aux « pharmaciens hospitaliers et prescripteurs » datée du 27 septembre de Catherine Denicourt, pharmacien responsable du laboratoire indépendant H.A.C. Pharma – Une lettre disponible sur le site de l’ANSM.
Et maintenant ? Rien ne permet d’établir une relation de causalité entre la situation de pénurie et les trois morts du CHU de Nantes. Mais rien ne permet non plus de l’exclure. Y a-t-il d’autres pistes ? D’autres cas ? Comme dans l’affaire de l’essai clinique mortel de Rennes la ministre de la Santé n’a d’autre choix que de saisir l’Inspection générale des affaires sociales. Et l’ANSM, en charge de la sécurité des médicaments, ne peut que « lancer une enquête » sur une affaire qui la concerne au premier chef et semble la dépasser.
Que diront, à Nantes, l’anatomopathologie et la biologie ? La justice sera-t-elle saisie ? Conclura-t-on à une série d’aléas thérapeutiques doublée d’un hasard statistique ?S’exprimant sur FranceTVinfo le Pr Benoîtt Vallet, Directeur Général de la Santé a déclaré :« Il est difficile aujourd’hui de privilégier une cause quelle qu’elle soit. Cela peut tenir au traitement, à l’organisation, aux moyens de ces chimiothérapies. C’est peut être un facteur extérieur de type viral, puisque les trois patients ont présenté un profil équivalent d’atteinte cardiaque ».
Les premières conclusions, dit-on, seront connues la semaine prochaine.
A demain
Une réflexion sur “Trois morts : que s’est-il véritablement passé entre le 10 et le 13 novembre au CHU de Nantes ?”