Bonjour
D’un côté François Fillon, de l’autre la volonté du gouvernement. Le premier, promis aux plus hautes destinées, évoque ses convictions personnelles sur le sujet. Parle de « droit fondamental » et de valeurs qu’il tient pour essentielles. C’est assez difficile à saisir. Ce n’est généralement pas compris. Il lui faudra revenir sur le métier. Sauf s’il entend, pour des raisons politiques, maintenir cet abcès.
Dans le même temps, l’Assemblée nationale. On y soumet au vote une proposition de loi socialiste visant à « l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse ». C’est très précisément le sujet qui alimente les passions. Le Figaro souligne que l’Église de France a vivement affiché son désaccord et que plusieurs députés de droite se mobilisent pour faire entrave à ce qu’ils considèrent comme une mesure liberticide. Une centaine d’amendements ont été déposés par quatorze députés des Républicains, du FN et de la Ligue du Sud. Désormais connu des téléspectateurs, l’ancien candidat à la primaire de la Droite et du Centre Jean-Frédéric Poisson a pour sa part déposé un amendement de suppression « au nom de la liberté d’expression.»
Fidel Castro et Marion Le Pen
Il fait froid – l’impression que le temps repasse les plats. La jeune Marion Maréchal Le Pen (Vaucluse), benjamine de la représentation nationale : « Castro est mort mais des groupies reprennent ses bonnes vieilles méthodes de censure de la liberté d’expression». Qui lui dira que groupies est déjà daté ?
Le Figaro entend élargir son propos. Il interroge le Pr Israël Nisand, esprit trop libre pour ne pas déranger 1. Le Pr Nisand est chef du pôle gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg. Extraits :
« Ce sujet est devenu tabou. Il n’est pas politiquement correct de dire qu’il peut y avoir des troubles psychiques ou des regrets en aval d’une IVG. C’est un phénomène sur lequel on manque d’études scientifiques mais, sur le terrain, en consultation, on voit bien que cela existe. Il arrive que des femmes soient atteintes par la culpabilité et elles en paient seules le prix. Le négationnisme des troubles qui peuvent survenir à la suite d’une IVG ne sert pas la cause des femmes. J’ai beau être un militant de la première heure en faveur de l’IVG, on me traite de marchand de morale dès que j’évoque ce sujet. Mais je persiste, la meilleure IVG est celle que l’on n’a pas eu besoin de faire, parce qu’on l’a prévenue. Même si ma parole est malheureusement récupérée par les anti-IVG.
« La création du délit d’entrave numérique à l’IVG ? Ce n’est pas une mauvaise proposition. Il est difficile de contrer des sites bien référencés qui se présentent comme des sites d’information neutres alors qu’ils disent aux femmes qu’elles encourent un risque de mort en pratiquant une IVG ou diffusent des photos de morceaux de fœtus. C’est le nouveau mode d’action de ceux qui s’enchaînaient autrefois devant les cliniques. Il ne s’agit pas de fermer les sites qui proposent simplement de l’écoute. La proposition de loi vise l’information erronée ou tronquée pour dissuader les femmes plutôt que de les informer.
Triomphes pornographiques
« Réduire le nombre d’IVG n’est pas un objectif du gouvernement. On entend plutôt un discours qui assimile l’IVG à une forme de contraception. Il ne faut pas oublier que faire baisser le nombre d’IVG, c’est risquer de fermer encore d’autres centres d’IVG. C’est le seul acte hospitalier qui a augmenté sa tarification dans cette proportion ces dernières années de manière à ce que l’IVG ne soit plus une activité déficitaire pour les hôpitaux. Cet acte est devenu gratuit à 100 %, ce qui a coûté 15 millions d’euros. Dans le même temps, certaines contraceptions ont été déremboursées.
« Il faudrait appliquer la loi qui depuis 2001 prévoit une information à la vie affective dans les écoles dès le plus jeune âge. Moins de 25 % des jeunes de notre pays y ont accès et c’est souvent grâce au militantisme d’associations comme le Planning familial ou Info-Ado. Les pays occidentaux qui ont trois fois moins d’IVG que nous informent les jeunes correctement à l’école. Nous n’éduquons pas nos enfants et laissons la pornographie le faire à notre place. La protection des mineurs dans notre pays est devenue un vain mot, devant l’importance des profits que génère ce marché. »
Déserter les estrades des écoles ? Laisser la place au marchands de la pornographie pour enfants ?
A demain
1 « Et si on parlait de sexe à nos ados?, Pour éviter les grossesses non prévues chez les jeunes filles » préface de Jeannnette Bougrab. Israël Nisand Brigitte Letombe et Sophie Marinopoulos , Éditions Odile Jacob, 2012.