Bonjour
Les gazettes sont devenues allergiques aux sondages politiques. Cela n’interdit pas les sociétaux- à commencer par le cannabis qui assure toujours de bonnes recettes médiatiques. Aujourd’hui c’est le site Atlantico qui, avec la complicité de l’Ifop, a cédé à la tentation. Ses résultats, repris par l’AFP, ne manqueront pas d’étonner. La proportion de Français favorables à la dépénalisation de sa consommation ne cesse d’augmenter. Et elle atteint désormais 43 % des citoyens en âge de voter.
Ce chiffre est en hausse constante : avril 2016 (41 %) contre 30% en 2012 et 26% en 1996. « En 2017, la moitié des moins de 35 ans sont favorables à la dépénalisation du cannabis, résume l’AFP. Entre juin 2011 et janvier 2017, il y a eu très peu d’évolution chez les plus jeunes et les plus vieux, mais l’étude montre qu’il y a une progression chez les classes d’âge intermédiaires vers l’adhésion à la dépénalisation (+ 13 points pour les 35-49 ans et + 14 points pour 50-64 ans).
Déchirements socialistes
Le temps passant, l’attirance pour le THC apparaît moins un marqueur de l’âge que des opinions politiques. « Nous pouvons constater une adhésion très forte à la dépénalisation chez les proches du Front de gauche (69 %) et des écologistes tandis que l’électorat PS (50 %) est coupé en deux, explique Jérôme Fouquet, directeur du département opinion publique à l’Ifop. Par ailleurs, les personnes proches de la droite et du centre sont majoritairement contre la dépénalisation du cannabis, l’électorat FN (42 %) est plutôt contre mais moins opposé que les partisans de droite. »
Faut-il rappeler que l’usage du cannabis come des autres stupéfiants illicite est, en vertu de la loi du 31 décembre 1970, passible d’un an d’emprisonnement et/ou d’une amende de 3 750 euros ? Que 17 millions de personnes ont, en France, déjà expérimenté ses effets sur leur état de conscience ? Que près de 1,5 million de personnes en consomment au moins dix fois par mois (chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies) ?
Droit de l’homme
L’homme libre a-t-il le droit de consommer des drogues ? La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’est prononcée il y a quelques semaines sur ce sujet philosophique. Comme on peut le découvrir ici dans son rapport « Usages de drogues et droits de l’homme ». Et la réponse est plutôt oui :
« Une troisième alternative, qui trouve un certain écho en France, vise à ouvrir un accès légal, mais restreint et contrôlé par l’Etat aux produits cannabiques, sur le modèle de ce qui a été mis en place en Uruguay. Le récent rapport du laboratoire d’idées Terra Nova préconise même de confier la vente de cannabis à des détaillants agréés par une autorité de régulation spécialement créée, l’Autorité de Régulation du CAnnabis (ARCA), dans « le réseau des débitants de tabac, celui des officines pharmaceutiques ou un nouveau réseau de magasins».
« Comme pour le tabac, la commercialisation devrait alors être soumise à une interdiction aux mineurs, des « avertissements sanitaires et un packaging neutre», ainsi qu’à « une interdiction de la consommation dans les lieux à usage collectif et de travail clos et couverts ». Quant à la production, elle « pourrait soit se faire par des agriculteurs français autorisés par des licences du ministère de l’agriculture, soit par des entreprises étrangères», avec un dosage en THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) limité. »
Cannabis de la Sarthe
Dépénaliser le cannabis ? Restons au centre global de l’échiquier :
On imagine mal François Fillon accepter les champs de marijuana jouxtant son manoir sarthois. Jusqu’ici Manuel Valls ne voulait pas en entendre parler : « J’ai la conviction, comme le président de la République, que toute société doit savoir fixer des interdits. Je crois que la consommation du cannabis, parce qu’elle a un impact sur la santé publique, doit en rester un », avait-il déclaré le 13 avril 2016. Une porte fermée qui n’a pas empêché le débat de revenir par la fenêtre.
Marisol Touraine ? La ministre de la Santé, s’est dernièrement prononcée favorable non pas à la dépénalisation, mais à « la tenue d’un débat sur la nature de la sanction » assortie à la consommation de cannabis.
Emmanuel Macron ? Dans son ouvrage « Révolution » (XO Editions, 17,90 euros) l’ancien secrétaire général-adjoint de l’Elysée écrit : « je plaide pour une dépénalisation de la détention en petite quantité du cannabis afin de désengorger les tribunaux ». C’est terriblement jésuite, un brin hypocrite – et radicalement flou sur la quantité. On réclame un trébuchet.
A demain
C’est parce que c’est un probleme de santé publique qu’il faut dépénaliser pour faire revenir les consommateurs pathologiques dans le champ du soin et de la prévention au lieu de punir. Débat qui dans quelques années paraîtra aussi abscon que celui de la légalisation de l alcool ou de l’IVG…
Donc « packaging neutre », « interdiction de la consommation dans les lieux à usage collectif et de travail clos et couverts » sont devenues des mesures (extrêmes s’il faut le rappeler) sans nécessité de démonstration de proportionnalité ni de justification (ni de pertinence ou d’efficacité) ? (qui ne s’appliquent surtout pas à l’alcool sacré qui est exposé, largement publicisé, sans soucis de consommation dans les « lieux à usage collectif et de travail clos et couverts »).
Fumer du tabac c’est comme vaporiser du cannabis et le tout c’est pareil que vapoter d’après les « experts » du droit ? Sauf que l’un présente un risque à long terme pour l’individu et possible à long terme pour les tiers, l’autre un risque moyen/faible pour l’individu et non avéré pour les tiers et le troisième aucun risque avéré.
Lequel de ces candidats ou brillants conseillers a-t-il fait remarqué que quitte à prétendre faire de la santé publique il proposait de dépénaliser la consommation à risque réduit de cannabis plutôt que la seule consommation de « drogue » associée à un effet passerelle avéré. Cela en deviendrait cocasse si ce n’était pas un sujet de santé.
Par ailleurs vus le flou et la stigmatisation autour des conséquences de la consommation de cannabis en cas de contrôle automobile, tout cela reste bien évidemment de l’esbroufe électoral.
On force le citoyen à aller à confesse ou on le stigmatise et l’incite à se repentir, un choix bien triste pour une société qui se prétend mature et un argument électoral pitoyable pour des hommes et femmes prétendant à gérer les affaires de la cité.