Bonjour
L’affaire couvait, voici qu’elle perce. « La ministre aux urgences : comme un malaise… » titre, à la Une, l’édition dominicale de La Nouvelle République du Centre Ouest (Pascal Denis). La ministre, c’est Marisol Touraine, élue députée d’Indre-et-Loire très fréquemment en visite dans son « fief électoral ». Les urgences, ce sont celles du CHU de Tours où la ministre de la Santé était en visite il y a quelques jours pour savoir ce qu’il en était de la situation hospitalière face à l’épidémie de grippe. Marisol Touraine s’était alors réjouie de la « maîtrise » de la situation tourangelle. Or voici qu’une autre réalité, syndicale, prend le pas sur le satisfecit ministériel. C’est cette réalité que rapporte le quotidien régional :
« En fin de semaine dernière, alors que l’épidémie de grippe semait la panique dans de nombreux hôpitaux saturés, la ministre de la Santé a effectué une visite (surprise et éclair) aux urgences du CHU de Tours pour vérifier que ses consignes étaient bien appliquées. Dans un calme apparent, Marisol Touraine a constaté que la situation était « bien maîtrisée », selon les termes de la directrice, qui avait déclenché quelques heures plus tôt une cellule de crise pour dégager des lits supplémentaires dans les services. Au terme de sa visite, la ministre pouvait donc repartir rassérénée. »
Avant les vœux
La ministre avait fait une halte aux urgences sur le chemin qui la conduisait vers une charmante petite commune de sa circonscription (Reignac) où elle allait présenter ses vœux (et faire quelques confidences) à la population. La Nouvelle République était là :
« Marisol Touraine a fait étape à l’hôpital Trousseau pour constater que la mobilisation avait porté ses fruits et que la situation était effectivement « maîtrisée », selon les termes de la directrice Marie-Noëlle Gérain Breuzard. Elle a aussi pu vérifier que la situation aux urgences du CHU de Tours avait positivement évolué depuis sa dernière visite en 2014.
« A l’époque, la moitié des médecins urgentistes menaçaient de démissionner devant l’engorgement permanent du service. Depuis, un poste de gestionnaire de lit a été nommé au sein de l’établissement et 29 lits supplémentaires ont été créés en médecine communautaire et en unité d’hospitalisation temporaire. « Désormais, le CHU de Tours a des urgences à la hauteur de son activité », s’est réjoui la ministre de la Santé. Qui n’y est sans doute pas pour rien. »
Las, dans les jours qui ont suivi trois syndicats – la CGT, Sud et FO – ont soupçonné et accusé les autorités d’avoir détourné les admissions aux urgences du CHU (Trousseau) vers d’autres établissements afin d’offrir à la ministre une vision tronquée de la réalité quotidienne.
Urgences propres et aseptisées
Résumé de Sud : « Parce que Marisol Touraine vient, on lui vide les urgences. C’était propre, ça sentait bon et c’était aseptisé. Sauf que depuis plusieurs semaines, le temps d’attente était parfois de cinq-six heures sur les brancards ». Analyse partagée par le syndicat CFTC des sapeurs-pompiers d’Indre-et-Loire, qui dénonce lui aussi un véritable « bouchon sanitaire » aux urgences de Trousseau. Statistiques à l’appui, ce syndicat affirme que le délai d’attente des ambulanciers avant prise en charge atteint ou dépasse 45 minutes dans 60 % des cas. Le record s’établit à 5 heures 42. Commentaire de ce syndicat :
« Ce n’est concevable, ni pour les victimes ni pour la continuité des secours. Quand toutes nos ambulances sont bloquées, qui assure les interventions ? Aujourd’hui, nous avons des sapeurs volontaires et des employeurs qui ne veulent plus subir cela. Cela pose un réel problème pour la sécurité civile ».
Selon le président des pompiers CFTC, la situation aux urgences de Trousseau est loin de s’être améliorée depuis deux ans, contrairement à ce qu’affirment la direction du CHU et la ministre. « La réorganisation interne qui est évoquée, c’est de la poudre aux yeux. J’invite Madame Touraine à nous rencontrer. Elle verra que la réalité du terrain est tout autre », affirme le pompier, qui assure avoir le soutien de sa hiérarchie.
L’impératrice Catherine II
Responsables des urgences du CHU depuis mai 2015, le Pr Saïd Laribi ne conteste pas les problèmes que peuvent rencontrer les pompiers, tout en relativisant les chiffres avancés par la CFTC. « L’an dernier, nous avons enregistré 52.000 passages aux urgences de Trousseau. Ce chiffre est en hausse de 15 % depuis 2013. Actuellement, le temps médian de triage des malades est d’une trentaine de minutes et la moitié des patients sont vus par un médecin dans les deux heures », assure le chef de service, en indiquant qu’un groupe de travail a été créé il y a six mois pour optimiser l’accueil du public.
Où est la stricte vérité ? Les syndicats sont-ils dans le vrai quand ils accusent la direction d’avoir détourné les patients vers d’autres établissements dans les heures qui ont précédé la visite inopinée de la ministre ? Cette dernière voudra-t-elle en savoir plus ?
Difficile, proportion gardée, de ne pas songer aux villages Potemkine. On se souvient peut-être de cette « légende historique » qui veut que de luxueuses façades en carton-pâte aient été érigées (à la demande du ministre russe Grigori Potemkine) afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II. C’était en Crimée, en l’an 1787. On connaît, dans les grandes lignes, la suite.
A demain
Un peu comme dans Tintin chez les Soviets qui d’ailleurs resort en colorisé…
Il est assez « connu » dans le milieur hospitalier de telle grande ville (on l’y entend rapporter, faible niveau de preuve, donc je ne dirai pas quels hôpitaux , quelle ville) , que lorsqu’un ministre, une ministre voire président se pointe aux urgences, on redonne un coup de peinture et on deleste les Pompiers et SAMU vers d’autres hôpitaux. Complicité suicidaire. Tout va très bien madame la marquise… Les dirigeants locaux aiment faire plaisir et bonne impression aux Politiques . Ils se tirent des balles dans le pied.