Schizophrénie et maladies psychiatriques : ne pas diaboliser la molécule de nicotine

 

Bonjour

La lutte, vitale, contre le tabagisme ne doit pas conduire à diaboliser la nicotine. Outre dans les produits industriels induisant une redoutable dépendance cet alcaloïde présent dans les plantes de la famille des solanacées (dont le tabac) a des propriétés insecticides et fongicides. Une famille d’insecticides de synthèse (dénoncés par les écologistes), les néonicotinoïdes, est dérivée de la nicotine naturelle. Et sans doute les propriétés de la nicotine sont-elles encore à découvrir, voire ses usages amenés à s’élargir.

On sait que les personnes schizophrènes consomment du tabac plus fréquemment encore que la moyenne de la population – consommation associée à une forte dépendance à la nicotine 1. Pourquoi ? La question est rarement posée, sauf par quelques équipes 2. Elle ne l’est jamais par les responsables politiques en charge de la lutte contre le tabagisme qui, au mieux, regardent ce phénomène comme une fatalité psychiatrique. Selon des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’INSERM et de l’École normale supérieure (ENS), ce tabagisme intensif pourrait être favorisé par un « effet positif » de la nicotine sur le fonctionnement du cortex préfrontal.

Cortex préfrontal

Associés à des collègues étrangers ces chercheurs viennent de publier dans Nature Medicine une étude originale voire prometteuse permettant de visualiser, dans des modèles animaux, l’effet direct de la nicotine à l’échelon cérébral : « Nicotine reverses hypofrontality in animal models of addiction and schizophrenia »

Dirigés par Fani Koukouli et Uwe Maskos (Institut Pasteur de Paris, Neurobiologie Intégrative des Systèmes Cholinergiques)  ces chercheurs expliquent que le cortex préfrontal est une région dont les mécanismes physiologiques sont altérés chez certains malades psychiatriques, dont les schizophrènes. A l’état normal  l’activité du cortex préfrontal est modulée par des neurotransmetteurs (dont l’acétylcholine) via les récepteurs à acétylcholine (ou « nicotiniques »). Ces récepteurs sont impliqués dans de multiples processus dont le contrôle des mouvements volontaires, la mémoire, l’attention, la douleur ou l’anxiété.

Les auteurs ont créé un modèle murin spécial de schizophrénie via une mutation génétique humaine récemment identifiée comme potentiellement associée aux troubles cognitifs des schizophrènes et à la dépendance au tabac. Il s’agit d’une mutation sur le gène CHRNA5. La baisse d’activité cérébrale de ce modèle peut être comparée à celle de patients schizophrènes voire souffrant d’une addiction. Puis, via une technologie d’imagerie in vivo, les chercheurs ont observé (dans des zones spécifiques d’interneurones) une activité diminuée des cellules du cortex préfrontal chez les souris génétiquement modifiées.

Cigarette électronique

Est-ce une nouvelle cible thérapeutique ? On peut l’espérer. « L’administration répétée de nicotine rétablit l’activité normale du cortex préfrontal », explique Uwe Maskos. La fixation de la nicotine sur les interneurones « influence l’activité des cellules pyramidales du cortex préfrontal qui retrouvent un état d’excitation normal », précise la chercheuse Fani Koukouli. La molécule thérapeutique devra présenter une configuration voisine de la nicotine mais débarrassée de ses effets nocifs.

Dans l’attente, qui s’intéresse à la cigarette électronique chez les malades psychiatriques souffrant en outre d’une addiction tabagique ?

A demain

1 Sur ce thème, venu de Suisse : « Comment arrêter de fumer quand on souffre de troubles psychiatriques ? »

2  Sur ce thème, par exemple, dans la maladie de Parkinson : « Chronic high dose transdermal nicotine in Parkinson’s disease: an open trial ».

 

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