Bonjour
Coup de tonnerre dans la jungle de l’agro-alimentaire : The Coca-Cola Company, Mars, Mondelez, Nestlé, Pepsico et Unilever « s’engagent à développer un système d’étiquetage nutritionnel fiable, permettant aux consommateurs de faire des choix équilibrés et réfléchis ». On peut le dire autrement : ses six géants annoncent qu’ils ont unilatéralement décidé de mettre en place leur propre système « d’étiquetage nutritionnel simplifié ». C’est, comme on peut le voir, une déclaration de guerre. Ecoutons ces géants :
« Les entreprises signataires sont convaincues qu’il est fondamental de disposer d’un système d’étiquetage nutritionnel simple, cohérent et valable pour toute l’Europe, en accord avec les réglementations européennes en vigueur. C’est pourquoi nous soutenons activement le système de code couleur R.I. (tel qu’appliqué en Irlande et au Royaume-Uni), où la taille des portions peut être intégrée en tant qu’élément d’interprétation supplémentaire (idée à examiner davantage par le biais d’un groupe de travail). Nous nous tenons à la disposition des autorités belges pour poursuivre la réflexion et les tiendrons informées de toute avancée dans ce domaine »
Vices et vertus
Cette initiative ne doit rien au hasard : elle survient à la veille des résultats d’une étude lancée en France et qui vise à comparer les vices et les vertus de plusieurs systèmes de « logos nutritionnels » en « conditions réelles d’achat » demandée par la Direction Générale de la Santé. Une affaire qui alimente depuis quelques mois diverses polémiques et voit s’affronter quelques egos.
On connaît l’objectif : guider le consommateur dans ses achats de produits alimentaires. Et pour cela user de codes graphiques indiquant notamment les proportions de sucre, sel et de graisses. L’étude pilotée par le Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé vise ainsi à comparer les logos de l’industrie agroalimentaire, de la grande distribution, ceux de Traffic-Light, modèle britannique et « Nutri-Score », un système à cinq couleurs, développé par des chercheurs de Paris-XIII-Inserm. Ce dernier n’est pas sans susciter une certaine allergie chez les géants industriels du secteur.
Information-manipulation
Le nouveau système R.I. proposé par Coca-Cola & C° est lui aussi basé sur le principe d’un code couleur, mais les quantités de nutriments sont indiquées différemment – par « portion » et non par unité de poids ou de volume. Certains y voient une volonté de manipuler sous couvert d’informer. Ils ne manquent pas d’arguments solides pour soutenir leurs dires. Sans parler des mécanismes d’addiction, au sucé notamment, que les géants savent induire.
Or, face à l’attaque des géants sur l’ensemble de la Vielle Europe la situation française se caractérise par une succession de bisbilles qui pourraient rapidement ruiner sa position. « Conflits d’intérêts dans le comité scientifique, présence des industriels dans le comité de pilotage, mise en place en magasin jugée insuffisante : l’étude comparative elle-même n’est pas exempte de critiques depuis son lancement début 2016, résume Le Monde (Stéphane Horel). Sa crédibilité est d’autant plus questionnée que sa réalisation a été confiée par le ministère de la santé au Fond français alimentation santé (FFAS), une organisation créée par l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et financée par les industriels du secteur. »
Démocratie alimentaire
Le dernier coup d’éclat dans ce domaine a vu, il y a quelques jours, le Haut Conseil de la santé publique (HCPS) « s’étonner » des conclusions de l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentaire, de l’environnement et du travail. L’ANSES y estimait que le niveau de preuve est insuffisant pour conclure sur la capacité des logos nutritionnels à réduire l’incidence des maladies chroniques. « Aucune étude scientifique ne peut répondre à une telle question ! » a tonné le HCSP.
La Société française de santé publique a aussi réagi aux conclusions de l’ANSES en rappelant que le logo nutritionnel « répond à une exigence de démocratie sanitaire et qu’il difficile de laisser entendre que l’objectif du logo serait de diminuer à lui seul l’incidence des cancers ou des maladies cardio-vasculaires, voire de freiner l’épidémie d’obésité et de surpoids ».
Nous en sommes là. Qui l’emportera ?
A demain
Monsieur,
Nous avons bien conscience que vous reprenez des éléments dans votre article.
Ce qui est indiqué sur le FFAS est inexact. Le FFAS lève des fonds sur des projets auprès d’industries, de distributeurs mais également d’institutions de prévoyance. En 2016, ses principaux contributeurs ont été la CNAMTS et le ministère de la santé, une institution de prévoyance venant en 3ème position.
Dans la gouvernance sont désormais présentes des institutions publiques. Les scientifiques y ont une place privilégiée. Le mode de fonctionnement écarte tout lien entre les financements obtenus d’opérateurs privés et les projets financés. Ceux-ci sont uniquement d’intérêt public.
Merci de l’attention que vous portez aux sujets d’alimentation et de santé.