Bonjour
La France demeure un pays d’une richesse insoupçonnée. C’est aussi un pays qui dispose d’un remarquable circuit de distribution d’eau potable mais qui, pourtant, nourrit une passion pour la consommation d’eaux dites minérales. C’est, enfin un pays où (source officielle) un foyer sur cinq « serait équipé d’une carafe filtrante ». On comprend qu’il fallait en savoir plus. C’est ce que vient de faire l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans un long avis de « bon usage » dont la redoutable technicité confine parfois à la poétique surréaliste 1.
Carafes, certes, mais « filtrantes » ? Ce sont des appareils de traitement d’eau à domicile devant exclusivement être utilisés avec de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Comprendre qu’elles ne sont pas conçues pour rendre potable une eau qui ne le serait pas. Il s’agit ici, dit-on, d’améliorer les qualités organoleptiques de l’eau (gommer le goût de chlore notamment), voire d’éliminer le calcaire ou certains métaux (comme le plomb).
C’était là, pour tout dire, un secteur commercial sans problème, une petite amélioration du quotidien, une source de réconfort domestique et écologique. Jusqu’au moment où vinrent des « signalements de libération de substances indésirables dans l’eau par ces dispositifs auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ». Suivirent des questions posées ces carafes, sur leur innocuité et leur efficacité. Et puis, immanquablement, « des articles publiés dans la presse ». C’est alors que l’Anses s’est « autosaisie » de la question.
Napperons de dentelles
Après des années d’enquêtes et de reportages nous avons la réponse :
« Les données actuellement disponibles ne mettent pas en évidence un risque pour la santé du consommateur. L’Agence conclut toutefois que l’usage de carafes filtrantes peut conduire au relargage de différents contaminants (ions argent, sodium, potassium, ammonium) dans l’eau de boisson, à un abaissement du pH, voire à une altération de la qualité microbiologique de l’eau. »
Où l’on retrouve une vieille antienne jésuite de l’Anses : pas de risque pour la santé objectivement démontrable, donc. Mais aucune garantie donnée pour affirmer que ce risque n’existe pas. Et l’Agence d’émettre des recommandations normatives (concernant « les exigences de performance et d’innocuité attendues des carafes filtrantes ») et des recommandations aux manipulateurs de telles carafes. C’est somme toute, assez simple : il leur suffit de « respecter la notice d’utilisation » (usage, nettoyage, conservation de l’eau filtrée).
Certes, mais que penser, concrètement, de l’hypothétique relargage d’argent, de sodium, de potassium, ou d’ammonium dans l’eau des carafes ? L’Agence ne le dit pas précisément. Elle attire en revanche l’attention des consommateurs sur les produits proposés à la vente en ligne : ces derniers peuvent ne pas être conformes à la réglementation européenne. On peut voir là une faille dans les contrôles de conformité de ces produits par l’autorité publique. Et rien n’est dit sur les règles du bon usage des carafes en cristal. Un rappel :
« (…) Enfin le couvert se complète par les carafes à eau à vin blanc et à vin rouge, assez nombreuses pour que chaque convive puisse se servir lui-même. Les carafes sont posées sur des napperons de dentelles ou des porte-carafe en cristal ». Lar. mén.1926, p. 1102.
A demain