Bonjour
Les aiguilles tournent, la polémique enfle, le piège se referme. En écho à Manuel Valls souffrant le martyr dans sa bonne ville d’Evry, Marisol Touraine fait, à Loches, l’expérience clinique du dynamitage macronien. L’ancien Premier ministre avait renié sa parole pour se précipiter (trop tard) chez Emmanuel Macron. L’ancienne ministre de la Santé se refuse obstinément à choisir un camp, entend porter deux casquettes, se place délibérément dans une position intenable. « Candidate à sa succession en Lochois, elle adopterait la stratégie du coucou : s’installer dans le nid chaud et douillet d’un autre oiseau, explique La Nouvelle République (Olivier Pouvreau). L’ex-ministre veut bien du drapeau tout nouveau tout beau ‘’majorité présidentielle’’ tout en restant au PS. Et cela, les ‘’En Marche !’’ n’en veulent pas. »
Manuel Valls ne peut cacher ce qu’il a aujourd’hui sur le cœur. « Je suis extrêmement lucide sur Macron et son équipe, vient-il de déclarer au Journal du Dimanche dans le salon privé d’un hôtel du 8ème arrondissement de Paris. Hollande est méchant, mais dans un cadre. Macron, lui, est méchant, mais il n’a pas de codes, donc pas de limites. » Marisol Touraine n’est jamais allée aussi loin dans les confidences assassines. Aujourd’hui elle avoue avoir été « bluffée » par un homme qu’elle n’avait pas vu venir. Il y a quelques semaines la ministre parlait d’un véritable « hold-up » politique. Désormais elle salue « la performance » et « l’intelligence tactique » du président de la République.
Swinguer, un mot terriblement daté
Cette évolution dans l’analyse est-elle entendue et appréciée à Paris ? Dans le Lochois c’est peu dire qu’elle passe mal. Jusqu’aux proches de l’ancienne ministre qui disent désormais publiquement qu’elle doit choisir entre le PS et La République en marche. « Marisol Touraine godille et joue la montre pour deux raisons : elle aurait promis de participer à la refondation du PS, et elle n’aurait pas d’atomes crochus avec Emmanuel Macron, fait valoir La Nouvelle République. Son ex-collègue de gouvernement l’avait d’ailleurs renvoyée dans les cordes en avril dernier, lui signifiant qu’il ne la reprendrait pas comme ministre. Aujourd’hui, en Lochois, il y a une véritable levée de boucliers contre le positionnement et même la personne de l’ex-ministre, qui incarne aussi le bilan Hollande. »
L’ancienne ministre ne semble pas avoir saisi que le « consensus » ne peut plus être ce qu’il fut 1. Que l’on ne peut plus être encartée au PS et membre de la majorité présidentielle. Que certaines phrases sont devenues inaudibles. Comme lorsqu’elle se présente comme une « refondatrice d’une gauche réformiste et sociale-démocrate qui a sa part à prendre dans la majorité présidentielle » (sic). Pense-t-elle comme un Manuel Valls « immodeste », que l’on a encore besoin d’elle ? On peut le postuler quand on connaît la puissance de l’addiction au pouvoir politique. Mais dès lors comment ne comprend-elle pas que pour avoir une chance de retrouver son « fief » de Loches elle doit aller à Canossa 2 ?
« Je le dis sans ambages ni ambiguïté, je souhaite le succès du nouveau président de la République. Et j’inscris clairement ma candidature dans le cadre d’une majorité présidentielle, avait-elle soudain déclaré à la veille du second tour de l’élection présidentielle. Je suis socialiste, ou sociale-démocrate. Comme vous voulez : aujourd’hui, les mots swinguent un peu. » Marisol Touraine sait-elle que swinguer est, déjà, terriblement daté ?
A demain
1 Sur ce thème on se reportera avec le plus grand intérêt à « L’Illusion du consensus » de Chantal Mouffe (traduction de Pauline Colonna d’Istria) Editions Albin Michel. Ou comment, en démocratie, « s’opposer sans se massacrer ».
2 En référence à la pénitence d’Henri IV du Saint-Empire, l’expression « aller à Canossa » désigne le fait de céder complètement devant quelqu’un, d’aller s’humilier devant son ennemi. L’expression a notamment été employée par Bismarck dans le cadre du Kulturkampf, après que le pape Pie IX ait refusé d’accréditer un ambassadeur allemand, en proclamant le 14 mai 1872 devant le Reichstag : « nous n’irons pas à Canossa ! ».